mardi 27 octobre 2020

HOMELIE TOUSSAINT – "LES BEATITUDES" - Mt 5,1-12 - 1er Nov.2020

 

HOMELIE TOUSSAINT – Mt 5,1-12 LES BEATITUDES -1er Nov.2020

Connaissez-vous dans la Bible quelqu’un, suivi d’une foule, qui gravit une montagne et reçoit les “Dix Paroles” ? Vous l’avez tous deviné : Moïse, au Sinaï, sur le Mont Horeb. Eh bien l’évangéliste Matthieu, au début du ministère de Jésus, va nous le présenter comme le nouveau Moïse. Mais cette fois-ci, les Dix Paroles [que l’on appelle habituellement les “Dix Commandements”, à cause de leur tournure impérative] prennent la forme de dix propositions de chemin de bonheur. Mais d’abord, de quel bonheur s’agit-il ? Heureux, “Makarios” signifie en grec, "Bravo ! Félicitations ! Vous avez tout compris !" Et en hébreu : “Ashréi” "En marche !"  Alors parcourrons ces Dix Paroles avec attention et même passion.

1. Heureux les pauvres de cœur ! Littéralement : “Heureux les humiliés du souffle”. Les pauvres, ce sont, mot à mot, les “dos courbés”, ceux qui ont été humiliés et qui n’ont rien… Cœur : “pneuma” souffle, esprit. Heureux ceux qui ont le souffle court, et donc qui ne se gonflent pas d’orgueil, qui ne sont pas remplis d’eux-mêmes : ils ont de la place pour Dieu et leurs frères ! Ou bien encore: heureux ceux que l'Esprit rend humbles. Cette béatitude commande toutes les autres : elle est au présent, alors que la plupart des autres sont au futur : “Le Royaume des cieux est à eux”.  Le Royaume des cieux, c’est l’espace divin : ils sont donc dans cet espace-là et Dieu leur est présent de façon encore invisible nous a dit la 2ème lecture de St Jean, mais bien réelle. - 2. Heureux les doux !praèi”  Non pas les mous, mais ceux qui ne cherchent pas à s’affirmer eux-mêmes et ne recherchent pas, encore moins, leur seul intérêt propre, mais font attention à Dieu et aux autres ; savent renoncer à leur droit, leur priorité ; cherchent à "arrondir les angles", tant l’existence quotidienne peut être faite de contrariétés diverses. Ils ne sont pas stressés : ils obtiendront la Terre Promise, lieu du repos éternel.3. Heureux ceux qui pleurent ! Littéralement : “…Ceux qui sont en deuil”. Car ils vivent un manque profond, et ce manque les rendent aptes à chercher et accueillir ce qui les comblera définitivement : “Ils seront consolés” Littéralement : Ils auront la Consolation “Paraclèthèsountaï”  Vous reconnaissez le mot Paraclet qui désigne en Israël à la fois le Messie (“Le vieillard Siméon [qui venait tous les jours prier au Temple] attendait la Consolation d’Israël” Luc 2, 25) et chez les chrétiens, l’Esprit-Saint Lui-même (Jn 14, 16.26). Il ne s’agit pas d’une promesse du genre : “Pleure pas, ça va passer ; après la pluie, le beau temps” mais d’une véritable promesse théologale, divine, où Dieu s’engage bien au-delà de ce que nous aurions pu attendre et qui va combler notre manque en profondeur. 4. Heureux ceux qui ont faim et soif de justice ! Il ne s’agit pas tant de la justice au sens habituel du mot, (qui est régie par des lois pas toujours justes ou même mal adaptées) mais d’être “ajusté à Dieu” ; ceux qui cherchent à comprendre et faire sa volonté, comme Jésus nous a invités à le demander dans le Notre Père.5. Heureux les miséricordieux ! “Eléèmonès”  qui a donné en français : aumône ; aumônier des hôpitaux, des galères…bref les miséricordieux sont ceux qui, comme Dieu, compatissent à la détresse humaine ; en latin, c’est beau aussi : misericors : “être de cœur avec la misère des autres”6. Heureux les cœurs purs ! Littéralement : “Purs [catharoï] de cœur” qui ne sont pas doubles ; qui n’ont qu’un seul comportement avec Dieu comme avec les autres. Nets : “Que votre parole soit oui, oui ! non, non ! Tout le reste vient du mauvais” dira Jésus, dans le discours sur la montagne qui va suivre en Mt 5, 37.7. Heureux les artisans de paix ! Ils seront appelés Fils de Dieu. Lorsque Jésus envoie les disciples deux par deux, ils leur demandent de présenter à ceux  à qui ils vont s’adresser la Paix : Shalom ! Salam ! dit-on encore aujourd’hui en Terre Sainte, là où elle fait depuis longtemps cruellement défaut ; mais il s’agit encore d’une autre paix, celle que Jésus présente aux Apôtres au soir de la Résurrection : “La Paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie”  Nous sommes mis au rang du Fils pour achever sa mission jusqu’à la fin des temps : en cela, nous sommes vraiment enfants de Dieu. (1Jn 3,1) Là encore, c’est théologal.- 8. “Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice”, à comprendre comme “ajustés au projet ou aux pensées de Dieu” qui ne sont pas celles des hommes qui les rejettent. La dernière béatitude - 9. “Heureux serez-vous si l’on vous insulte…” et la finale : - 10. “Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse…” [Ce qui, tout compte fait, donne bien les Dix Paroles de Jésus] sont là pour parer à toute réaction naturelle face au scandale de ces Béatitudes : en effet, ne prennent-elles pas à contre pieds et à rebrousse poils les propositions de bonheur que le monde proclame sans cesse par toutes sortes de médias ? Eh bien Jésus, au début de sa prédication, veut nous éviter les fausses pistes du vrai bonheur. Que ces béatitudes soient nos “Dix Paroles”, la "musique de l’Évangile" celle qui nous entraîne vers la vie et Celui qui est la Vie. « Si la musique de l’Évangile cesse de vibrer dans nos entrailles, nous aurons perdu la joie qui jaillit de la compassion, la tendresse qui naît de la confiance, la capacité de réconciliation qui trouve sa source dans le fait de se savoir toujours pardonnés et envoyés » a écrit le pape François dans sa dernière Encyclique "Fratelli Tutti" : N°277.Tous ensemble, mettons-nous à la suite de tous les Saints, qui ont fait confiance à ces Paroles et ont reçu en héritage la Terre Promise.          AMEN !

mercredi 21 octobre 2020

HOMELIE 30ème Dimanche Ordinaire, A. “Quel est le grand commandement ? Tu aimeras… " - Mt 22,34-40 25 Octobre 2020

 

HOMELIE 30ème Dimanche Ordinaire, A. Mt 22,34-40

25 Octobre 2020

“Quel est le grand commandement ?”

« Tu aimeras… »

Encore une fois, les pharisiens et les spécialistes de la Loi veulent déstabiliser Jésus en le mettant à l’épreuve comme l’avaient fait les sadduccéens dans l’Evangile de dimanche dernier.

La question est pertinente: “Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ?” Autrement dit, est-il possible d’interpréter la Loi de Moïse en posant une sorte de hiérarchie ou de classement dans les commandements, qui feraient ressortir l’un d’entre eux au-dessus de tous les autres ? Or il se trouve précisément que, dans la grande tradition d’interprétation rabbinique, il n’est évidemment pas question de négliger ou à l’inverse de préférer tel ou tel commandement de la Loi. Il est même important de lire l’ensemble des prescriptions de Moïse en tenant compte du fait que chacune d’entre elles est de grande valeur et doit faire l’objet d’une attention toute particulière.

Le piège tendu est donc celui de la tentation de choisir et de prendre une ligne d’interprétation particulière qui ne prenne pas en considération l’ensemble de la Loi.

Jésus répond d’abord en citant des versets de la Loi connus de ses interlocuteurs. Et dans le choix des citations, il opère une sorte de synthèse (en prenant deux passage de la Loi, la Torah, un dans le livre du Deutéronome et l’autre dans le livre du Lévitique) articulée autour d’un axe central signifié par le verbe “aimer” agapao, agapaw: “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, et de toute ton intelligence” (Dt 6,5) et puis: “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” (Lv 19,18). Pour Jésus, le cœur de sa réponse quant à l’interprétation de la Loi est : “là où ne se vit pas l’exigence d’aimer Dieu et d’aimer son prochain en même temps, là n’est pas réalisé le commandement de la Loi”.

Dans sa dernière Encyclique "Fratelli tutii..." notre pape François au n° 181 rejoint  notre Evangile d’aujourd’hui et écrit que “les engagements qui naissent de la doctrine sociale de l’Eglise sont imprégnés de l’amour qui, selon l’enseignement du Christ, est la synthèse de toute la Loi” (Benoit XVI, Caritas in veritate). Et il continue en citant sa première Encyclique Laudato Si en écrivant: “l’amour, fait de petits gestes d’attention mutuelle, est aussi civil et politique et il se manifeste dans toutes les actions qui essaient de construire un monde meilleur”

Il donne ainsi une dimension très large à l’amour qu’il désigne par la charité, agapè, agaph  “au coeur de toute vie sociale saine et ouverte...qui est bien plus qu’un sentimentalisme subjectif si elle est unie à l’engagement envers la vérité” n°184 “car l‘ouverture à la vérité protège la charité d’une fausse foi dénuée de souffle humain et universel” (Caritas in veritate, Benoît XVI).

Je vous invite à lire cette nouvelle Encyclique “Fratelli Tutti” par petites doses, car elle est copieuse, abordant tous les sujets qui touchent à la vraie fraternité.

         Revenons au texte de l’Evangile d’aujourd’hui. Jésus exprime bien qu’aimer Dieu et aimer son prochain ne sont jamais en rivalité puisque tous deux ont leur source en Dieu Lui-même. Il est Amour (1 Jn 4,7). C’est Lui qui aime l’étranger, la veuve et l’orphelin (Dt 10,18; 24,17-22) et qui me demande de l’aimer et de l’aimer comme Lui les aime. Ou encore, de l’aimer comme moi-même, c'est-à-dire, de m’identifier à lui, de l’aimer comme si c’était moi. Toute la Parole de Dieu contenue dans l’Ecriture dépend de ces deux commandements. Ils sont, chez ceux qui aiment en vérité, la signature de la présence de Dieu.

         Cette mise à l’épreuve de Jésus, dans ce chapître 22 de St Matthieu, est proche de la Passion, où Jésus va mettre en pratique ce double commandement de l’amour: faire la volonté de son Père et pardonner jusqu’à ceux qui l’ont condamné. Avec l’Esprit-Saint qu’Il nous a donné, jamais sans Lui, prions-Le et suivons-le sans crainte.  AMEN !

vendredi 16 octobre 2020

HOMELIE 29ème Dimanche Ordinaire A "Rendez à César"– Mt 22,15-21. 18 Octobre 2020

 

HOMELIE 29ème Dimanche Ordinaire A– Mt 22,15-21.

18 Octobre 2020

 

“Rendez à César ce qui est à César…

Et à Dieu, ce qui est à Dieu” Mt 22,21

 

L’intention des pharisiens et des partisans d’Hérode est malveillante : ils veulent prendre Jésus en défaut. Après une introduction élogieuse mais tellement hypocrite, reconnaissant la droiture et la justice de leur interlocuteur, ils lui demandent son avis sur le paiement ou non de l’impôt à l’empereur. Leur question est très habile, car Jésus est acculé à dire oui ou non.

S’Il dit oui, Il sera considéré comme un collaborateur de l’occupant romain et perdra tout son prestige et son autorité auprès du peuple opprimé par ces mêmes romains.

S’Il dit non, Il sera considéré comme un opposant et dénoncé pour être emprisonné : ses adversaires en seront débarrassé !

Comment Jésus va-t-il s’en sortir ?

En bon pédagogue (et parce qu’il aime aussi ses ennemis comme son Père les aime), Jésus dénonce d’abord leur hypocrisie. Puis Il se livre à une petite démonstration toute simple : “Montrez-moi la monnaie de l’impôt” leur demande-t-il. Ils lui présentèrent une pièce d’argent. Il leur dit : “ Cette effigie  et cette inscription, de qui sont-elles? ” On a traduit par “effigie”, ce qui est exact concernant une pièce de monnaie,  mais le mot du texte original est “icône” (eikwn)., l’icône étant un signe qui ressemble à ce qu’il désigne. L’icône de la pièce d’argent du denier désigne bien César, alors : “Rendez à César ce qui est à César… Et à Dieu, ce qui est à Dieu”

 

Mais quelle est donc l’icône de Dieu ? Quel est le signe qui désignera Dieu ?

Bien sûr, on pense tout de suite au Christ. Paul écrit : “Il est l’image (l’icône) du Dieu invisible, le premier-né de toute créature” Col 1, 15.

Mais où trouve-t-on encore cette référence à l’image de Dieu ?

Elle se trouve tout au début de la Bible : “Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa…” Gn 1, 28. Or dans la Bible grecque des LXX (Septante), le mot image est le même que celui de l’évangile : « icône ».

De plus, en hébreu, le mot a une signification toute particulière : l’image, laTsélem, désigne la reproduction en plus petit d’une idole de divinité païenne. Ainsi à Babylone, chaque année, lors des grandioses processions en l’honneur de toutes les divinités, les serviteurs et fidèles de chaque divinité se rangeaient derrière un modèle réduit de la statue de la divinité (dont la statue originale ne pouvait être déplacée hors de son temple en raison de sa masse souvent colossale). Ils pouvaient également suivre la bannière, l’étendard, la “Tsélem” de leur dieu. L’auteur sacré de la Genèse, qui écrit à cette époque, reprend à son compte cette référence à ces manifestations religieuses. Dire que l’homme est “l’étendard de Dieu” c’est lui révéler qu’il est appelé à signifier, dans le cortège de la création, la présence de Dieu.

Pour beaucoup, l’homme a trahi ce merveilleux désir de Dieu et défiguré son image. Ce qui faisait dire à Voltaire de façon ironique : “Dieu a créé l’homme à son image et celui-ci lui a bien rendu !” Dans son désir de sauver ses adversaires, Jésus les invite à retrouver de façon très inattendue, ce à quoi Dieu son Père les a appelés. Il faut donc que l’homme soit “rendu à Dieu” autrement dit qu’il redevienne ce qui est sa vocation première : révéler Dieu à la création entière, manifester sa présence dans un monde qui l’ignore,  montrer partout que l’amour qu’Il nous donne est plus fort que la mort et son cortège de malheurs et de souffrances.

En Jésus, parfaite icône du Père, c’est chose faite. Il nous reste à chacun de devenir, jour après jour, “icône de Dieu”. 

En cette journée mondiale consacrée à la mission dans le monde, n’est-ce pas cela qui nous est demandé ? N’est-ce pas cela que font les missionnaires, prêtres, religieuses et religieux, mais aussi de nombreux laïcs, comme notre pape François nous le demande dans son exhortation « la joie de l’Évangile » ?

Je terminerai par le propos de Paul aux Corinthiens :

“…et nous tous, qui le visage dévoilé reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même icône, avec une gloire toujours plus grande, par le Seigneur qui est Esprit” 2 Cor 3, 18

          AMEN !