jeudi 26 janvier 2017

HOMELIE 4ème Dimanche Ordinaire A. Mt 5, 1-12a 29 Janvier 2017



HOMELIE  4ème Dimanche Ordinaire A. Mt 5, 1-12a
29 Janvier 2017

Invités au bonheur ! Ah quel bel Evangile ! Regardons de plus près.
Le terme “Heureux”, qui introduit toutes les *Béatitudes* comme il est coutume de les appeler, correspond à une expression que l’on retrouve souvent dans la Bible et selon le bibliste juif André Chouraqui, il pourrait se traduire par : « En marche ! En avant !» (Ashreï) et qui correspondrait à notre “Bravo ! Félicitations ! Tu es bien parti, tu es bien en marche vers le Royaume…”.
         Arrêtons-nous de plus près sur la première de ces Béatitudes. « Heureux les pauvres de cœur ! »
Je ne sais ce que vous comprenez par “pauvres de cœur” mais surtout pas “sec, petit, limité…de cœur”. Car il s’agit bien du mot : ptwcoi ptokoï , Pauvre [et même "qui se blottit, qui se cache" d’où humble, comme celui qui est réduit à mendier parce qu’il est démuni]. Le texte original grec ne désigne pas la pauvreté du cœur [ "kardia" cardia ], mais du  souffle : pneuma, pneuma, qui désigne beaucoup de choses : un mouvement de l’air, un petit coup de vent ;  mais aussi le souffle, l’haleine, et par tant, le principe vital qui anime le corps ; il désigne encore l’esprit humain qui permet de penser ; puis l’âme spirituelle ; enfin, dans l’Ancien Testament, la puissance de Dieu, et dans le Nouveau Testament, l’Esprit Saint qui est Dieu.
Nous voyons bien qu’il est difficile de traduire cette Béatitude. Les deux  lectures bibliques de ce dimanche nous permettent de nous orienter vers une compréhension respectueuse de ce beau texte. Elles vont tout à fait dans ce sens. Le prophète Sophonie parle en effet des “humbles du pays, qui font la volonté du Seigneur” ces humbles, qui selon la promesse de Dieu à Israël, seront son peuple : “Israël, je ne laisserai subsister au milieu de toi qu’un peuple petit et pauvre, qui aura pour refuge le nom du Seigneur”. Paul, quelques siècles après, constate que cette prophétie s’accomplit parmi les membres de la jeune communauté chrétienne de Corinthe : “Ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est rien, voilà ce que Dieu a choisi pour détruire ce qui est quelque chose, afin que personne ne puisse s’enorgueillir devant Dieu”
Les pauvres, en effet, de par leur situation, sont plus facilement ouverts à une présence spéciale de Dieu. C’est à eux que Jésus annonce la Bonne Nouvelle, comme aux autres blessés de la vie. Lc 7, 22. Accueillie de la main de Dieu, la pauvreté est identique à l’humilité : sans cette “pauvreté”, toute richesse est trompeuse. Il faudrait donc comprendre  littéralement : “Heureux les humiliés du souffle” ceux qui ont le souffle petit, et donc qui ne se gonflent pas d’orgueil, qui ne sont pas remplis d’eux-mêmes : ils ont de la place pour Dieu et leurs frères ! Enfin, on pourrait aller jusqu’à traduire : “Heureux, ceux que l’Esprit rend humble”. Cette béatitude commande toutes les autres : elle est au présent, alors que la plupart des autres sont au futur : “Le Royaume des cieux est à eux”.  Le Royaume des cieux, c’est l’espace divin : ils sont donc dans cet espace-là et Dieu leur est présent de façon invisible encore, mais bien réelle.
Cet Evangile veut nous éviter les fausses pistes vers le Royaume. Il nous invite à nous connaître en vérité ; à diagnostiquer nos limites et nos manques, sans culpabilité, pour en appeler, sans complexe, à la lumière du Seigneur et à sa grâce. « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse » 2 Co 12, 9. Demandons-Lui de regarder les autres comme Jésus regardait la foule et ses disciples qui s’étaient rassemblés autour de Lui qui l’écoutaient.
Autour de nous, n’y a-t-il pas des pauvres, des doux, des affligés, des assoiffés de justice, des compatissants, des cœurs purs, des artisans de paix, des persécutés…auxquels Dieu est présent et qui, avec Lui, sauvent le monde. Jésus nous invite aujourd’hui  à les rejoindre, si ce n’était déjà fait. Rendons grâce au Père en cette Eucharistie avec Celui qui, Lui-même, doux et humble de cœur”, (Mt 11.29) nous conduit vers Lui : demandons lui humblement le souffle de son Esprit.

AMEN !

vendredi 20 janvier 2017

HOMELIE 3ème Dimanche Ordinaire A.semaine de prière oecuménique. Mt 4, 12-17 22 Janvier 2017



HOMELIE  3ème Dimanche Ordinaire A. Mt 4, 12-17

22 Janvier 2017



L’évangéliste St Matthieu situe le début de la mission de Jésus en Galilée, dans les territoires, au Nord de la Palestine, attribués aux tribus de Zabulon et Nephtali, fils de Jacob. Jésus commence son ministère lorsqu’il apprend que Jean-Baptiste a été arrêté et mis en prison par Hérode Antipas, tétrarque de Galilée. Il abandonne Nazareth pour Capharnaüm, ville frontière entre deux provinces, sur la route qui va de la Syrie à la mer Méditerranée et, plus loin, à l’Egypte, avec un poste de douane d’où Jésus appellera Matthieu. C’est un bourg agricole, d’artisans et de commerçants ainsi que de pêcheurs où circulent des gens de tous horizons.
Jésus va donc à la rencontre de ces tribus du peuple de Dieu les plus menacées par la “nuit païenne”, comme l’était Israël au temps des Assyriens, selon Isaïe, que nous avons entendu dans la première lecture (Is 8, 23b-9,3). St Matthieu le cite comme pour authentifier la mission de Jésus qui vient rencontrer ces “nations” faites de païens résidant au milieu des juifs depuis longtemps. La Galilée, de ce fait, était méprisée par les Judéens de Jérusalem, la ville sainte à la population moins mélangée. Mais sur ce pays de l’ombre, annonçait Isaïe, une grande lumière s’est levée. La Galilée des nations sera la première à entendre l’annonce de la Bonne Nouvelle qui par la suite sera communiquée au monde entier.
A la voix de Jean-Baptiste, qui s’est tue, succède la Parole de Jésus qui prend le relais dans les mêmes termes : « Convertissez-vous ; le Règne de Dieu s’est approché ! » (Mt 3, 2).
Entendrons-nous aujourd’hui ce même appel ? A quelles conversions sommes-nous appelés ? J’en vois une pour ma part qui me semble urgente. Notre monde est plongé dans la nuit des divisions, des communautarismes et de l’individualisme grandissant. Saurons-nous aller à la rencontre des gens de bonne volonté qui s’efforcent de créer des liens, de rompre des solitudes, de renverser des barrières de préjugés ?  Et au moins pour ceux qui se réclament de Notre Seigneur Jésus-Christ, saurons-nous apprendre et chercher à être tous vraiment d’accord mot à mot “à dire tous la même chose” en son Nom ? Paul écrivait dans sa lettre aux Corinthiens, en deuxième lecture : « Soyez en parfaite harmonie de pensées et de sentiment » ; rejetons toute revendication d’appartenance politique, sociale, culturelle ou religieuse qui crée les divisions. Il y  en avait à Corinthe au temps de St Paul ; il y en a encore beaucoup aujourd’hui.
Que devons-nous faire ? Tout d’abord écouter et chercher à comprendre ceux qui sont différents de nous. Cet effort qui nous décentre par rapport à nous-mêmes peut nous apporter un air nouveau et nous enrichir. Il ne s’agit pas d’accepter tout à n’importe quel condition, ni de communier à n’importe quel prix, mais de nous laisser interroger par ce que pensent et vivent d’autres que nous, quitte à leur partager nos propres manières de voir et de vivre. Il convient même de questionner sur les raisons de nos différences pour apporter au vis-à-vis notre propre lumière.
Il en va ainsi dans l’œcuménisme où cette attitude, accompagnée et souvent précédée par la prière, a produit beaucoup de possibilité de partage et d’enrichissements mutuels. S’il reste encore du chemin à faire, la Bonne Nouvelle du Royaume nous est commune. « Il y a plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent. » a dit récemment notre pape François en Suède pour la célébration du 500ème anniversaire de la réforme de Luther. Le monde a besoin de cette volonté et de ce courage dans la recherche de l’Unité entre chrétiens. Si Jésus a prié le Père pour qu’elle se réalise un jour, Jn 17, c’est parce qu’elle n’est pas simplement au bout de nos efforts mais qu’elle nous sera donnée par Dieu Lui-même. C’est bien la raison de cette semaine annuelle de prière pour l’Unité des chrétiens : alors faisons monter notre prière vers le Seigneur, soyons attentifs à nos frères d’autres confessions chrétiennes et remercions-Le des progrès opérés depuis plus d’un siècle. 
         AMEN !       

jeudi 12 janvier 2017

HOMELIE 2ème Dimanche Ordinaire. A. "Voici l'Agneau de Dieu..."Jn 1.29-34 15 Janvier. 2017



HOMELIE  2ème Dimanche Ordinaire. Année A. Jn 1.29-34
15 Janvier. 2017

« Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde »

Vous avez reconnu la phrase que le célébrant prononce chaque dimanche après l’invitation à venir communier au Christ. Jean-Baptiste désigne son cousin comme l’Agneau de Dieu. D’où tient-il cette expression ?
Sans doute se souvient-il de la parole du prophète Isaïe au ch. 53,7 qui désigne le Serviteur de Dieu comparé à un agneau innocent trainé à l’abattoir. Il faut dire qu’en araméen, langue parlé par Jean-Baptiste, Jésus et leurs contemporains, le mot "talya", qui désigne un serviteur, désigne également un agneau. L’évangéliste Jean, qui écrit en grec, a choisi le mot agneau : très probablement en référence à l’agneau pascal qui était sacrifié en souvenir de la libération d’Egypte et qui a été identifié au Christ nous libérant du péché du monde.

Quel est donc ce "péché du monde" ? Dans la Bible, pécher, c’est "rater la cible, manquer son but" : [il y a une erreur, un ratage de l’autre, de la rencontre avec l’autre, un ratage où la dignité humaine n’est pas respectée]. (Ouvrir le livre, p.43 de Marie Balmary et Sophie Legastelois).
Mais c’est encore plus profond : cela advient dès le commencement de l’humanité. Dieu propose à l’homme d’entrer avec lui dans un dialogue d’amour ; mais le malin (le serpent) introduit le soupçon dans l’esprit du premier couple qui conteste l’interdit que Dieu avait prescrit au paradis : le couple le refuse, mange et se trouve tout nu, c’est-à-dire rien ! Voilà le péché du monde, l’erreur fondamentale, le but manqué de notre raison d’être : créé par un amour de Dieu pour chacun de nous. Ce péché du monde est l’ignorance du réel visage de Dieu ; Père aimant et miséricordieux. Ce péché associé à d’horrifiantes caricatures (de Dieu, de l’Eglise, du bonheur) fait fuir les hommes et les éloignent de la Vérité en les empêchant de reconnaître une autre réalité : nous sommes tous enfants de ce Père ; tous frères ; une seule famille humaine.
Jésus au contraire est le "Oui à Dieu". Il a repris le Psaume de notre messe d’aujourd’hui (Ps 39,40) :
« Tu ne demandais ni holocauste ni victime
Alors j’ai dit : "Voici, je viens"
…ce que tu veux que je fasse
Mon Dieu, voilà ce que j’aime »

Enlever le péché du monde, c’est nous donner la possibilité de nous libérer de ce refus de Dieu, particulièrement en nous laissant guider comme Jésus par l’Esprit-Saint. Plongé en lui par notre baptême, nous pouvons vivre de cette liberté nouvelle : aimer comme Lui et avec Lui ; pardonner comme Lui et avec Lui ; donner comme Lui et avec Lui.
Il ne s’agit pas seulement d’une démarche individuelle. Membre de ‘Eglise, nous sommes appelés à être "lumière des nations" et le salut doit arriver "jusqu’aux extrémités de la terre".
         L’Eglise Catholique est, par la volonté de Dieu, une communauté pluriculturelle et plurilingue. Vivre cette réalité concrète de la communion dans la diversité n’est pas dépourvu de tensions et de difficultés. Parfois des expériences malheureuses,  des peurs et des préjugés peuvent amener certains à ériger des murs et à fermer des portes. Mais dans l’Eglise, personne n’est étranger : nous sommes tous enfants de Dieu et donc frères.

         Avec l’Agneau, ce Jésus-Christ que nous voulons recevoir, avec son Esprit-Saint qui peut demeurer en nous, soyons les témoins vivants de cette fraternité par notre respect et notre accueil bienveillant de tous ceux qui auprès de nous ont une diversité de langue, de traditions et de coutumes.
        
Oui ! « Heureux les invités au Festin de l’Agneau »

AMEN !

jeudi 5 janvier 2017

HOMELIE Dimanche EPIPHANIE. Année A. "L'étoile ..." - Mt 2,1-12 8 Janvier. 2017



HOMELIE  Dimanche EPIPHANIE. Année A. Mt 2,1-12
8 Janvier. 2017

« Ce mystère… » Ephésiens 3,5-6

Que n’a-t-on pas raconté sur cette étoile, comète de Haley ou autre phénomène astronomique ! C’est cependant ce qui reste encore sur nos sapins en ville !
Dans l’Evangile de cette Fête de l’Epiphanie, l’étoile nous révèle toute autre chose : elle manifeste (sens du mot Epiphanie, Epifaneia: apparaître, se manifester) une lumière, une clarté dans nos nuits, voire nos ténèbres. Ici, elle révèle un Mystère.
Le mot Mystère vient du grec "musterion"  musterion, qui désigne une chose cachée, un secret ; les choses de la religion confiées seulement aux initiés et non au commun des mortels. Par extension, il désigne une volonté secrète de l’homme ou de Dieu. La racine de ce mot est "muo"  muw, qui signifie : "se fermer les yeux" lorsqu’ils ont éblouis. De même qu’on ne peut fixer des yeux le soleil, de même on ne peut saisir un Mystère. Mais s’il n’y a plus de soleil, tout est obscur et froid. Il en est ainsi du Mystère. Loin d’être « ce qu’il ne faut pas chercher à comprendre », il est, selon la belle expression du P. François VARILLON, « ce qu’on n’a jamais fini de comprendre ».
Notre intelligence ne peut saisir que Jésus est à la fois Dieu, incréé et éternel, et homme, créé et mortel. Mais si Dieu ne s’est pas incarné en Jésus, nous a-t-Il vraiment rejoints ? Est-Il vraiment Emmanuel, Dieu-avec-nous ? Nous aime-t-Il vraiment ?
Paul, dans la 2ème lecture de ce jour, utilise 3 fois le mot mystère et au début de cette même lettre aux Ephésiens, il écrit ceci : « Il ( Dieu) nous a fait connaître le mystère de sa volonté, ce dessein bienveillant qu’Il avait formé en Lui par avance » (Ep 1,9) et dans le 2ème lecture d’aujourd’hui, dans cette même lettre n’écrit-il pas : « Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile » (Ep 3,5)
Les mages venus d’orient (d’Irak ? D’Iran ?...) sont les premiers à avoir reçu et accueilli ce Mystère, et du haut de leur science se sont inclinés pour adorer l’Enfant-Dieu, qui est le Mystère par excellence. L’étoile qui les a conduits auprès de lui, les remplit d’une très grande joie.
A la lumière de ce Mystère, que notre Tradition nomme le "Mystère de l’Incarnation", serons-nous radieux, dans le sens fort de ce mot, comme Jérusalem qui resplendit à la venue annoncée de la lumière ? (1ère Lecture - Is 60,1-6). Comme les mages, aurons-nous la folie de répondre à l’appel de la Parole de Dieu et la curiosité d’aller voir où notre étoile nous conduit ? Vérifions cela en reprenant les paroles du Psaume de ce dimanche :
« En ces jour-là fleurira la justice…
Il délivrera le pauvre qui appelle
Et le malheureux sans recours.
Il aura souci des faibles et des pauvres
Des pauvres dont il sauve la vie »
Toutes choses que fera Jésus-Christ dans son Evangile et qu’Il nous proposera d’accomplir à notre tour.
         Encore une fois, comme les mages, prenons un autre chemin que celui d’Hérode, quand ce qui nous est proposé est mauvais, hypocrite, mensonger et pervers et pénétrons ce Mystère d’un regard pur et accueillons-le dans un cœur plus aimant.

AMEN !