jeudi 28 mars 2019

HOMELIE 4ème Dimanche Carême C - Le Père Prodigue - Luc 15, 1-32. 31 Mars 2019


HOMELIE  4ème  Dimanche Carême C -  Luc 15, 1-32.
31 Mars 2019

Le Père prodigue

Quel est ce père qui accepte de donner une part de son héritage à un fils qui veut le quitter et qui sans doute ne reviendra jamais ? D’habitude, un héritage, çà se reçoit quand le père est mort ! Mais ici, il est bien vivant !
Quel est ce père qui longtemps guette le retour de ce fils égoïste et ingrat pour se jeter à son cou, au lieu de lui poser mille questions sur les raisons de son retour ?       
Quel est ce père qui revêt ce fils d’un habit de fête, lui donne l’anneau à la main (qui équivaut à l’époque à la signature de son compte en banque) ; puis qui fait tuer le veau gras pour festoyer avec toute la maisonnée au lieu de le mettre à l’épreuve et de lui faire expier sa faute ?

Ce père a deux fils, qui l’un comme l’autre n’ont guère de véritable amour pour lui. Le cadet égoïste et jouisseur ; l’aîné, servile, n’ayant avec son père qu’une relation de « donnant- donnant ».

Que va-t-il faire ?
Au cadet, il laisse faire son expérience mais l’attend. Lorsqu’il revient, il est saisi aux entrailles et le rétablit comme fils dans ses droits : ce pardon ouvre la porte de la vie, fait entrer dans le mystère de l’amour total. Le cadet devient libre, parce qu’il fait l’expérience de la gratuité de l’amour, le passage de la mort à la vie : « Mon fils que voila était mort et il est revenu à la vie ! »

Au fils ainé, le père manifeste tout autant sa tendresse : il sort à sa rencontre, il veut le délivrer de son attitude servile et utilitaire qui lui vaut de revendiquer des droits, mais aussi, d’être effroyablement jaloux, coléreux et enfermé sur lui-même : « Toi mon enfant, tu es toujours avec moi ! Et tout ce qui est à moi est à toi ! »

Ce père incroyable, c’est Dieu Lui-même. C’est Jésus, son Fils qui nous en parle parce que seul Lui Le connaît bien.
Il nous le présente ainsi parce que dans notre cœur ou dans notre tête, nous avons bien souvent des images de Dieu à la ressemblance de ce que nous voyons chez les hommes. Dieu nous “juge” ; Dieu nous “punit” (souvenez-vous de l’Évangile de dimanche dernier sur les massacres de Pilate et les victimes de l’effondrement de la tour de Siloë). Ce sont des images fausses du Dieu de Jésus. Ce n’est pas compliqué : Dieu est comme Jésus. D’ailleurs, un jour, un des ses disciples, Philippe, lui demande : « Montre-nous le Père et cela nous serons suffit ! – Jésus lui dit : “Il y a si longtemps que Je suis avec vous  et tu ne me connais pas, Philippe ? Celui qui m’a vu a vu le Père… » Jn 14, 8-9.

Ce Dieu, n’est-Il pas le « Père Prodigue », qui rend à chacun dignité et liberté : par sa parole, par son regard, son émotion. Il nous l’a fait savoir par son Fils « qui est sorti » pour nous faire entrer dans sa maison, réconciliés avec Lui, avec nos frères et avec nous-mêmes.

Qui ne se retrouvera pas, peu ou prou, dans ces portraits de fils. L’un apparemment vertueux, fidèle mais à l’étroit, aliéné. L’autre, tout autant aliéné, égoïste, jouisseur, se perdant dans ses désirs jamais satisfaits.

Oui, en cette période de scrutin qui achemine les catéchumènes vers le Baptême, nous pouvons en toute confiance professer notre foi en ce Dieu tout-puissant, mais de la seule  toute-puissance de l’Amour et nous entendre dire chacun : « Toi mon enfant… ! ». Répondons à cet appel pressant et affectueux ; retrouvons la joie de Lui ouvrir nos cœurs pour entrer dans son amour gratuit et sans mesure pour « être toujours avec eux, Père, Fils et Esprit Saint ».     
AMEN !

jeudi 21 mars 2019

HOMELIE 3ème Dimanche Carême C Face aux évènements tragiques - Luc 13, 1-9 – 24 Mars 2019


HOMELIE  3ème  Dimanche Carême C Luc 13, 1-9
24 Mars 2019

Des faits divers qui appellent à la conversion :
mais quelle conversion ?

A l’occasion de l’événement tragique des Galiléens massacrés par les soldats de Pilate, tandis qu’ils offraient un sacrifice, Jésus pose à ses auditeurs la question : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que tous les autres… ? » Et il fait aussitôt allusion à un autre événement tragique, celui de la tour de Siloë qui s’est écroulée entraînant la mort de dix-huit habitants de Jérusalem. St Luc est le seul évangéliste à relater cet épisode de la vie de Jésus. Sans doute, parce que, originaire d’un monde païen où les dieux étaient pourvoyeurs de bienfaits, tout malheur était considéré comme une malédiction de leur part. Les juifs, comme les Apôtres n’étaient pas étrangers à cette manière de penser, qui attribuait toute maladie ou malheur à un péché commis par celui qui en était atteint ou même son entourage. Cela nous est relaté par St Jean, dans le récit de la guérison de l’aveugle-né, où surgit la question des Apôtres : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? ».(Jn 9,2). Jésus nous demande de déconnecter toute mort accidentelle ou violente de toute valeur morale.
Pourquoi ? Parce que Il faudrait se demander quelle représentation ont-ils de Dieu ? Un juge qui rétribue de façon implacable ? Ces malheurs ne sont-ils pas le fait de châtiments divins qui tombent sur des pécheurs ? Et le fait d’en être épargnés eux-mêmes ne les rassure-il pas sur leur propre “justice” ?

Ces tragédies rejoignent l’innombrable série des faits divers pour lesquels certains, encore aujourd’hui, cherchent des explications. Et lorsqu’ils n’en trouvent pas, ils sont tentés de mettre Dieu en cause : soit qu’Il punit, soit qu’Il ne nous aime pas ou qu’Il n’existe pas ! Jésus va à l’encontre de ces pensées. Il proclame qu’il n’y a pas de lien direct de la part de Dieu entre le malheur et le péché : Non, les victimes du terroriste, qui a massacré 50 musulmans en nouvelle Calédonie, ne sont pas plus coupables que les autres !  Non, les passagers du vol 747 Max tombé en Ethiopie ne sont pas plus pécheurs que d’autres !

Par contre, ces événements sont pour Jésus une invitation pressante à se convertir.
Mais que faut-il convertir ?
La parabole du figuier qui ne donne pas de fruit va nous éclairer. Raisonnablement, un arbre qui ne donne pas de fruit au bout de trois ans épuise le sol et n’est bon qu’à être coupé. Quelqu’un de pécheur et qui ne se repent pas, doit être éliminé d’une façon ou d’une autre, semblent sous-entendre les rapporteurs du fait divers du massacre des Galiléens par Pilate.
« Si vous ne vous convertissez pas… » La conversion doit se faire, mais Dieu n’est pas comme ce propriétaire impatient, qui exige des fruits ; pour Lui, il en est tout autrement : « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il vive… » (Ezéchiel 18, 23). Lui sait attendre patiemment que le pécheur change, et Il lui apporte ce qu’il lui faut, espérant qu’il pourra se transformer et porter du fruit.
La conversion ne pourrait-elle pas, en particulier se porter sur le changement de la représentation d’un Dieu punisseur en un Dieu tel que le Psaume 102 de ce Dimanche nous le présente : « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère et plein d’amour » et tel que Jésus nous le manifeste jusque sur la Croix, demandant à son Père de pardonner à ses ennemis et accueillant le bon larron ? Si nous ne le faisons pas, nous mourrons spirituellement comme cette part d’humanité qui ne fait pas confiance à Dieu et le rejette, en déformant ce qu’Il est et ses desseins bienveillants pour elle. Voilà ce qu’il faut convertir : une fausse image de Dieu, fabriquée par des manières toutes humaines de voir les choses et les êtres.
Il est vrai que les malheurs peuvent ébranler notre foi en Lui : en fait, ils pourraient nous servir, comme le fait ce vigneron de la parabole, en bêchant petit à petit nos psychologies, à ôter l’image païenne, que nous avons toujours au fond de nous-mêmes, d’un dieu pourvoyeur inlassable de bienfaits, et non du Dieu qui se présente à Moïse et qui voit,  entend et connaît les souffrances de son peuple (Exode 3,7) et qui l’accompagne : Il est résolument avec nous contre tout mal, Lui qui n’est qu’amour. Jésus ne donne pas de réponse au mystère du mal : il demande simplement que nous reconnaissions que les événements tragiques nous échappent bien souvent et que nous n’en sommes pas les maîtres ; il nous invite à les traverser sans jamais en attribuer la cause à Dieu et sans perdre confiance en son Amour infini. Que cette petite parabole ouvre de plus en plus nos cœurs à cet Amour et nous prépare à célébrer le renouvellement de notre foi à Pâques.    AMEN !

jeudi 14 mars 2019

HOMELIE 2ème Dimanche de Carême C La Transfiguration - Lc 9,28b-36 17 Mars 2019


HOMELIE 2ème   Dim. Carême  C La Transfiguration - Lc 9,28b-36
17 Mars 2019

 « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le »

      Quel est le sens de cet événement merveilleux sur la montagne  de la Transfiguration ?
      Jésus choisit trois disciples que l’on retrouvera plus tard au pied du Mont des oliviers, à Gethsémani, cette fois-ci, non pour une transfiguration mais pour une “défiguration”, celle de son agonie.    
      L’événement advient alors que Jésus prie. Son apparence extérieure devint “autre”. Au-delà, de son apparence extérieure, pour les apôtres, qui est Jésus ?
      Environ huit jours avant, nous signale le début du verset de l’évangile de ce jour que le texte liturgique n’a pas retenu, Jésus avait posé à ses disciples la question : « Pour vous, qui suis-je ? ». Pierre avait répondu : « Tu es le Messie de Dieu ». Pierre, dans sa foi toute nouvelle, avait “vu”, au-delà des apparences, qui était Jésus.

         Aujourd’hui encore, pour nous qui es Jésus ? Le récit de la Transfiguration nous invite à Le découvrir grâce aux paroles et aux images du récit : ils nous font voir Jésus tel qu’Il est réellement, par le témoignage des trois Apôtres.
         « Son visage apparut  autre » Il faudrait traduire par « l’autre », car le mot est utilisé pour dire « l’un et l’autre » : c’est un dual (“étèron” et non “allon” qui signifie : autre, différent). Quel peut être l’autre visage du Christ ? Les Apôtres connaissaient son visage humain : ils contemplent à présent son visage divin. Son vêtement est brillant comme l’éclair et ils voient la “gloire” de Jésus, images symboliques attribuées à Dieu.
         Mais ils voient aussi deux personnages de l’Histoire du peuple de Dieu : Moïse, qui a reçu la Torah, hrwt,  l’enseignement contenant les volontés divines ; et Élie, qui fut le grand prophète, rappelant sans cesse les exigences de cette Torah de l’Alliance ; tous les deux ayant vécu bien des siècles auparavant. Et tous les deux étant morts dans des circonstances particulières : Moïse, face à la Terre Promise, et dont on n’a jamais retrouvé le tombeau, précise la Bible (Dt 34,6); et Elie, enlevé au ciel sur un char de feu (2 R 6,11) Les Apôtres sont entraînés à dépasser les apparences visuelles pour entrer dans ce monde définitif où ils retrouvent les grands croyants.
         De quoi parlent Moïse et Elie avec Jésus ? « De son Exode qui allait s’accomplir à Jérusalem ». Exode signifie “sortie, départ”. Son Exode sera la Passion et la sortie de cette vie, la mort que Jésus vient d’annoncer huit jours avant à ses Apôtres. Pierre  ne veut pas que cette vue du Christ transfiguré s’arrête ; il veut rester dans cette situation extraordinaire ; il a du mal à quitter sa vision "selon les choses de la terre" pour devenir "citoyens du ciel" écrivait St Paul aux Philippiens (Ph 3,18 - 2ème lecture de ce dimanche) : « Faisons trois tentes » Il ne s’agit pas de faire du camping sauvage mais  les tentes ne rappellent-elles pas celles du peuple de Dieu dans son Exode, au désert. N’est-ce pas dans la Tente de la Réunion où se trouvait l’Arche d’Alliance et les tables de la Loi que Dieu rencontrait Moïse et son peuple ? D’ailleurs, Dieu manifestait sa présence par « la nuée qui la couvrait de son ombre ». (Ex33, 7-10 ; 40,34-35). D’ailleurs, il est très probable que la scène se passe à l’automne, et que c’était la Fête des Tentes, Soukkot, fête juive la plus ancienne à l’occasion des récoltes de fruits et des premières pluies attendues depuis six mois. C’est au cours de cette fête qui durait huit jours que les juifs célébraient dans la joie le don de la Torah.

         Mais quelle est à présent notre Torah ?
N’est-ce pas Jésus Lui-même qui, à présent, nous conduit à Dieu par son Enseignement et sa Vie ? Il est :
ü  Celui qu’une voix céleste, celle de son Père, nous invite à découvrir comme le Fils qu’il a choisi, Dieu lui-même.
ü  Celui que nous sommes invités à accueillir et à garder dans notre cœur en l’écoutant.
ü  Celui que nous sommes invités à révéler autour de nous, après être redescendu de la montagne où nous sommes venus l’écouter et goûter sa présence, au-delà des apparences.

Voilà comment nos Messes dominicales peuvent être des “montagnes de Transfiguration”, à condition de les voir au-delà des apparences, dans la foi aux signes que Jésus Lui-même nous a laissés : sa Parole, le Pain de la Vie, la coupe de son sang et la communauté d’Église, son Corps, rassemblé en son Nom.
AMEN !

vendredi 8 mars 2019

HOMELIE 1er Dimanche Carême C "Les Tentations du Christ" – Lc 4,1-13 10 Mars 2019


HOMELIE 1er   Dimanche Carême  C – Lc 4,1-13
10 Mars 2019

« Dans l’Esprit, Jésus fut conduit à travers le désert, où pendant quarante jours, Il fut tenté par le diable  »

         Les 1er Dimanche de Carême sont toujours consacrés  aux “Tentations” du Christ. Le Carême est en effet orienté vers Pâque, où notre être tout entier sera renouvelé par le Christ ressuscité. Il est donc un temps de préparation pour le don de la nouvelle naissance. (C’est pour cette raison que les Baptêmes d’adultes se font dans la nuit pascale et que nous renouvelons les engagements de notre Baptême ce jour-là).
         Or, nous le savons, tous les jours, nous sommes affrontés au diable : [en grec, dia-bolou”], ce qui “se jette en travers" ou résiste à notre volonté d’être habité par l’Esprit d’Amour du Père. Comme pour Jésus, il ne nous sera pas épargné les “tentations” : c’est même l’Esprit-Saint qui le conduit au désert pour y être tenté. Sinon, il n’aurait pas véritablement éprouvé notre condition de “chair et de sang”, d’humanité quotidiennement éprouvée.
         Cependant, une remarque de vocabulaire s’impose. Dans le langage biblique, le mot “tentation” est le même que le mot “épreuve” [en grec, peirasmos, ].
         En français, le mot “tentation” a quelque chose d’attrayant, de séduisant, sollicitant notre désir, souvent le fond trouble et caché de nous-même ; la tentation affaiblit notre liberté et met à mal notre volonté.
         Le mot “épreuve” appelle au contraire à une lutte, à un combat ; l’épreuve stimule le meilleur de nous-même, renforce notre volonté, développe notre intelligence des situations, appelle notre discernement et nous donne une sensation de liberté qui nous construit. Dans les deux cas, la fidélité à nous-même, aux autres et à Dieu est en jeu.
         En résumé  nous pourrions dire :         
                     « La tentation hypnotise,
                        L’épreuve galvanise »   

Jésus est donc, comme nous-même, soumis à l’épreuve.
« Ayant épuisé toutes les formes de tentations, le diable s’éloigna jusqu’au moment fixé ». Quel sera donc ce moment fixé ? A la Sainte Cène, où le diable entre dans le cœur de Juda ; et, évidemment, au moment de l’Agonie [agonia en grec signifie: lutte] dans ce grand combat douloureux avant que jésus ne se livre à ses ennemis, se donnant Lui-même jusqu’au bout et renonçant définitivement à toute tentation de puissance. Quelles sont donc “toutes les formes de tentations” ? Il y en a bien sûr trois :
ü  Tentation de l’AVOIR : “vivre seulement de pain(sous-entendu "et de rien d’autres") c'est-à-dire, privilégier la possession de biens plutôt que chercher à ÊTRE. ÊTRE c'est-à-dire, développer tout ce qui nous met en relation avec les autres et avec Dieu qui nous façonne dans la liberté et l’amour par sa Parole, comme le dit le Deutéronome au chapitre 8,3
ü  Tentation du POUVOIR, “avoir tout pouvoir et la gloire des royaumes”, c'est-à-dire, dominer tous les êtres… ce que Dieu Lui-même refuse de faire, nous aimant  là encore, dans la liberté de l’amour.
ü  Tentation de METTRE DIEU AU DÉFI, s’en prendre à Dieu : “Si Dieu existait, Il n’aurait pas permis…”. On connaît le refrain de tous les égarés du vrai Dieu qui ne cherchent précisément qu’un dieu tout-puissant, suppléant leurs manques, ce qui est bien naturel et nous guette aussi ! Mais Dieu n’est qu’Amour, un Amour infini, qui exauce à sa manière, bien au-delà de ce que nous avons demandé, même si c’est par des chemins déroutants, comme l’a été le chemin de son Fils, de l’Agonie à la Résurrection.

Gardons à l’esprit ces trois formes de tentation, mais accueillons-les comme des épreuves. Comment Jésus a-t-Il tenu face à ses épreuves ? Par sa prière, uni à son Père, et par la Parole de son Père. Nous savons que Dieu nous accompagne toujours : restons le plus possible en communion avec Lui. 
AMEN !