mercredi 29 novembre 2017

HOMELIE 1er Dimanche AVENT. Année B – "Veillez" Mc 13, 33-37 3 Décembre 2017.



HOMELIE 1er Dimanche AVENT. Année B – Mc 13, 33-37
3 Décembre 2017.

« Veillez ! »

Jésus annonce à ses disciples sa venue, alors qu’Il est là encore avec eux. C’est qu’Il est à deux jours de Pâques : Il va être arrêté, condamné et mis à mort. Il prévient ses disciples pour qu’ils ne tombent pas dans le désarroi et le désespoir. Que leur dit-Il ? “Prenez garde: veillez !” Mot à mot : “Ayez l’œil ! Ne dormez pas” et même  « chassez le sommeil » [agr-upvneite  vient de “a” négatif, et upnos = sommeil -> hypnose)], et donc on pourrait traduire par : ne soyez pas hypnotisés” !
Par quoi ?   
D’abord par la peur : pour les Apôtres, celle de son absence et celle de subir le même sort que leur maître.
Pour nous devant les délais de sa venue, peur de nous être  trompés en mettant notre confiance en Lui. Et puis, nous avons tant de raisons d’être absorbés par tous les soucis de la vie, de notre avenir et celui de notre planète, mais aussi, plus couramment, les préoccupations qui ne manquent pas de nous envahir; ou bien hypnotisés par tout ce qui attire, fascine et fait oublier les choses importantes et surtout les personnes : on passe à côté ! On ne les voit plus !
Jésus par quatre fois nous dit : « Sortez de votre “hypnose” ! Avez-vous remarqué, l’homme parti en voyage ne laisse pas ses serviteurs dans l’oisiveté : « Il leur a donné tout pouvoir, fixé à chacun sa tâche et recommandé au portier de sa maison de veiller ». Aujourd’hui, Il nous confie l’Evangile, les « richesses de sa Parole et celles de la connaissance de Dieu » écrivait St Paul aux chrétiens de Corinthe (1 Cor3, 5). A nous de les faire connaître et de les mettre en pratique ; unis à son Eglise, chacun à notre place dans le monde, en fonction de nos possibilités. Pas question de s’endormir !

Le vrai danger ne vient pas, pour nous, des persécutions comme actuellement les chrétiens de Birmanie, d’Inde, d’Irak, d’Egypte ou de certains pays d’Afrique, mais le danger vient de l’assoupissement, de la tiédeur, des anesthésies intérieures et extérieures, des bonnes raisons du repli sur soi pour ne plus voir, ne plus entendre, ne plus sentir, ne plus être attentifs, attentionnés… Car le Seigneur est déjà là, comme son Royaume. Il nous le faisait déjà savoir Dimanche dernier en nous rappelant que “tout ce que nous faisions au plus petit des ses frères, c’est à Lui que nous le faisions”. (Mt 25, 40).

Veiller, ce n’est pas être passif comme lorsqu’on s’ennuie et qu’on “tue le temps”. Mais chaque rencontre vraie, chaque appel, chaque geste, chaque signe d’amitié, chaque parole bienveillante est manifestation de la présence du Seigneur et nous rendent bien vivants. De façon plus large, n’y a-t-il pas nombre de postes de veille dans notre société où nous avons particulièrement à veiller ? Dans toutes les questions qui concernent la vie en ses débuts, en son cours : famille, éducation, travail, logement, partage des richesses au plan national et international, travail pour la paix…) et en fin de vie. Veiller à la sauvegarde de la création. Que de chantiers !
 
Veiller, « parce qu’Il vient à la rencontre de celui qui pratique la justice avec joie et qui se souvient de Lui en suivant Son chemin » proclamait Isaïe à un peuple découragé. (Is 64,4) dans la première Lecture.
Frères et sœurs, qu’Il ne trouve pas notre foi en Lui « endormie ». De plus, veiller remplit la tête et le cœur de Sa Présence, voilée, certes, mais réelle, comme le Pain Eucharistié est le signe visible qu’Il se donne à nous.

Seigneur, en ce temps de l’Avent, tiens-nous en éveil ; augmente en nous la foi et fais-nous comprendre ce qui compte pour Toi, ce que Tu désires voir chez nous ; que nous aimions ce que Tu aimes et regardions avec Ton regard.
    
AMEN !

le NOTRE PERE: une autre façon de le traduire




Autre façon de comprendre le Notre Père

Combien cette demande faite au Père traduite par « ne nous soumets pas à la tentation » suscite de malaise auprès de nombreuses croyants !  Même si Dieu est éducateur, pourquoi nous “soumettrait-il à la tentation ” au risque de nous perdre ? Si encore Il permet que nous soyons tentés, comme l’a été son Fils, c’est  sans doute pour que nous puissions Lui manifester une plus grande confiance en Lui ; ou même, dans un élan de foi, Lui adresser un appel pressant à nous aider à résister. St Jacques dans sa lettre s’inscrit contre cette idée : Jc 1, 13 “Que nul, quand il est tenté, ne dise : « Ma tentation vient de Dieu  » car Dieu ne peut être tenté de faire le mal et ne tente personne.” Est-ce donc bien ce que Jésus a voulu dire ? Est-ce bien ce qui est écrit dans l’Evangile de Matthieu ?
En Mt 6, 13 il est écrit mot à mot : “et ne nous mène pas à tentation”. Faisons un peu d’analyse grammaticale ! Le verbe eisferw accompagné de la préposition “eiV” suivie de l’accusatif désigne la destination d’un lieu: peirasmon . Existe-t-il donc, dans la Bible, un lieu qui a pour nom tentation, épreuve, peirasmon ? Oui, en effet : en Exode 17, 7 : dans le désert de Réphidim où il n’y a pas d’eau pour le peuple et ses troupeaux. Sur l’ordre de Dieu, Moïse prepe le rocher et l’eau jaillit : “Il appela ce lieu du nom de Massa et Mériba – Epreuve ou Querelle- à cause de la querelle des fils d’Israël et parce qu’ils mirent le Seigneur à l’épreuve en disant : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » Epreuve, c’est bien  le nom du lieu : Massa hsm en hébreu/araméen et peirasmoV en grec, dans la version des LXX. Il s’agit alors de Dieu qui est “tenté”, “mis à l’épreuve” par la défiance des fils d’Israël…Cette question sous forme de doute : « Dieu est-il avec nous, oui ou non ? » ne pointe-t-elle pas en nous lorsque nous traversons une épreuve particulièrement douloureuse ? « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour qu’il m’arrive pareille chose ? ». N’est-elle pas, sous une autre forme, tellement répandue sur les lèvres ou dans l’esprit de tant d’hommes et de femmes, scandalisés du mal omniprésent dans le monde : « Si Dieu existait, Il ne permettrait pas tout çà ! ». Alors, la demande que Jésus nous fait formuler pourrait-être : “Ne nous conduis pas à te tenter, à te mettre au défi… (Sous-entendu, de montrer que tu es bien là) ”.  Jésus reprend en écho la recommandation du Psaume 95 (94), v.8 (que tous les prêtres et religieux du monde prient chaque matin en invitatoire de l’Office des Laudes) : “Ne durcissez pas votre cœur comme à Mériba, comme au jour de Massa dans le désert, où vos pères m’ont défié et mis à l’épreuve, alors qu’ils m’avaient vu à l’œuvre”.
Une autre raison me pousse à interpréter ce verset de cette façon. Je rejoins le commentaire du Saint Père Benoît XVI dans son livre « Jésus de Nazareth » pp.177-178 (Ed. Flammarion). Parmi les quatre demandes que Jésus nous fait formuler dans la deuxième partie du Notre Père, la première : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » est écrite mot à mot : « notre pain supersubtanciel (epiousion) donnes-le nous aujourd’hui ». St Jérôme, traducteur de la Vulgate écrit : « Panem nostrum supersubstantialem da nobis hodie ». Quel est donc ce pain “ supersubstanciel », suressentiel ? Ne peut-on pas penser à un pain qui a nourri quotidiennement les fils d’Israël au désert, la Manne ? (Jn 6, 31-32)… Ne peut-on pas penser que Jésus désigne le Pain de Vie, son Corps ? (Jn 6, 35)… Vers l’an 200, Tertullien, père de l’Eglise,  dans son traité sur la prière, commentant le Notre Père, chapitre 6, écrit : “Après les choses du ciel, c’est à dire après le Nom de dieu, la Volonté de Dieu, le Règne de Dieu, viennent les nécessités de la terre, auxquelles le seigneur a voulu réserver une place…Toutefois, il convient peut-être davantage de donner un sens spirituel à ces paroles : Donnes-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Car le Christ est notre pain : je suis le pain de vie, a-t-Il dit. D’ailleurs son corps est signifié par le pain : Ceci est mon corps”. St Cyprien, Origène confirmeront cette interprétation en faisant venir epiousion de epi , sur et ousia, essence, substance.
Prenons maintenant la quatrième demande du Notre Père : « mais délivre-nous du mal ». Elle est écrite mot à mot : “mais délivre-nous du malin”, or le malin, c’est dans l’Evangile, le diable, le Satan. Les chrétiens orthodoxes le prient d’ailleurs ainsi : « Délivre-nous du malin »

Reprenons donc ces trois demandes, dans l’ordre où Jésus les présente : ne vous font-elles pas penser à un autre triptyque que nous a présenté le même évangéliste, Matthieu ?
Les Tentations de Jésus, deux chapitres précédents : Mt 4, 1 !
A la première demande correspond la première tentation de faire des pierres du pain, tentation d’un acte magique que Jésus repousse en citant un verset de l’Ecriture : “Ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu” (Dt 8, 3) -Jésus, Parole de Dieu, Pain de Vie -> “Donne-nous aujourd’hui notre Pain de Vie” (ou “notre pain vital” ?)
A la deuxième demande correspond la deuxième tentation, celle de mettre Dieu à l’épreuve en détournant le sens d’un verset du Psaume 91 (90) v.12 que le diable cite à Jésus après l’avoir conduit au sommet du Temple et l’avoir invité à se jeter dans le  vide : “Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et sur leurs mains ils te porteront, de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre”. Que répond alors Jésus : “Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu » > “Ne nous conduis pas à te mettre à l’épreuve”.
Enfin, la troisième demande correspond à la troisième tentation, celle d’adorer celui qui détient mensongèrement la toute-puissance pour la partager avec lui. La réponse de Jésus est nette : “Retire-toi, Satan !” ->  “Délivre-nous du Malin”

Ainsi, dans cette traduction du Notre Père, nous aurions les “demandes-antidotes” aux trois tentations fondamentales expérimentées par Jésus Lui-même, auxquelles se relient à l’une ou l’autre nos propres tentations.
                  Il reste encore la demande de Jésus : « pardonne-nous nos offenses… ». Elle suit la demande du pain quotidien et semble se poursuivre par le verset 14 qui suit la finale du Notre Père : « En effet, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera à vous aussi ; v.15 mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne vous pardonnera pas vos fautes ». Cette demande de Jésus ne serait-elle pas mieux située en finale du Notre Père et avant ce “En effet” ?  Apparaîtraient ainsi, de façon plus nette, les trois demandes de Jésus correspondant aux trois tentations. Je formule l’hypothèse que si le « pardonne-nous nos offenses… » a été mis à la suite de la demande du pain quotidien, c’est peut-être parce l’évangéliste a pensé à la recommandation de Jésus au chapitre précédent, Mt 5,v.23-24 « Quand donc tu présentes ton offrande à l'autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère; puis reviens, et alors présente ton offrande.”

NOTRE PERE, selon la traduction de Didier ERASME, (1469-1536).Colloque Erasmien de Liège 1987.
Notre Père,
Toi le Très Haut.
Que Ton Nom soit sanctifié,
Que soit manifesté Ton Règne,
Que s’accomplisse Ta volonté
Sur la terre comme au ciel.
Nourris-nous aujourd’hui du Pain du Salut.
Accorde-nous Ton pardon,
A nous qui partageons Ta miséricorde.
Ne nous laisse pas Te provoquer,
Mais délivre-nous du Tentateur.

jeudi 23 novembre 2017

HOMELIE de la Fête du CHRIST, ROI de l’Univers –“Parabole du jugement dernier” - Mt 25, 31-46. Le 25-26 Novembre 2017.



HOMELIE de la Fête du CHRIST, ROI de l’Univers – Mt 25, 31-46.
Le 25-26 Novembre 2017.

“Parabole du jugement dernier”

C’est ainsi que l’on a coutume de l’appeler, car en effet, il est question de la fin des temps quand viendra le Christ, Roi de l’Univers. Comme toutes les paraboles (“para” et “ballô”, jeter à côté un récit, mettre en parallèle…), elle comporte une “diabole”, “jeter en travers”. Elle a donc quelque chose qui rebute, peut faire trébucher, douter, en tous cas dérange : ici, la diabole est le sort de ceux qui n’ont pas vu et qui sont condamnés : n’ont-ils pas, comme nous-mêmes, mille excuses ?… Puisqu’elle est “Evangile”, en quoi cette parabole est-elle une “Bonne Nouvelle” ?
         Tout d’abord, elle ne concerne pas seulement les croyants, juifs du temps du Christ ou chrétiens d’aujourd’hui : elle s’adresse « à toutes les nations ». Elle met en scène le « Fils de l’Homme » qui vient dans sa Gloire et tous les anges avec Lui : c’est un grand moment de l’Histoire du monde, la fin de ce temps et le début d’une ère nouvelle. Ce Fils de l’Homme est Berger. Le texte d’Ezéchiel, (Ez 34) écrit quelques siècles auparavant, ainsi que le Psaume 22 (23), nous décrivent ce « beau Berger ». Il veille sur tous avec beaucoup de douceur et prend particulièrement soin des brebis mal en point. Il les mène toutes vers de beaux pâturages, leur faisant traverser les ravins de la mort. Et ce Berger, c’est Dieu Lui-même (Ez 34, 11-18)
         Que fait alors ce berger ? Il sépare : nous n’aimons pas tellement cette mesure ; voilà encore une « diabole ». Elle est là pour nous faire prendre conscience de ce que nous faisons et nous éviter une énorme illusion : dissocier l’amour de Dieu de l’amour du prochain, qui est bien concret. Il ne faudrait pas que nous découvrions, un peu trop tard, que notre attachement au Christ était factice. Que nous ne le servions qu’en pensée, en parole, mais non en acte. N’ayant pas vu nos frères dans le besoin, nous sommes passés à côté de Celui que nous cherchions en l’ignorant.

Au contraire, la Bonne Nouvelle, c’est que cette parabole nous presse d’être à l’image de ce berger, attentifs à nos frères. Avons-nous bien compris à quel point le Seigneur veut nous associer à son amour, de telle façon que ce que nous faisons pour nos frères, c’est à Lui que nous le faisons ? Ce Roi de l’Univers est loin d’asservir les sujets que nous sommes : Il nous  rend acteurs. Il semble même avoir besoin de nous puisque nous sommes ses mains, sa voix, ses oreilles auprès de ceux qui souffrent. Il nous est tellement uni chaque fois que nous aimons !

Que le Seigneur, qui nous a montré sur les routes et les villages de son pays comment faire, nous aide par sa parole et par le don de Lui-même à combattre toute sorte de mal et nous forme à sa manière d’aimer, particulièrement en ces temps plus difficiles pour beaucoup. Il nous unit à Lui, quelques soient nos faiblesses. Que nous puissions l’entendre dire à notre égard : « Viens avec tous les bénis de mon Père ! Viens avec tous ceux qui ont cru et mis en pratique cette compassion divine pour notre propre humanité ».
AMEN !