jeudi 26 mars 2020

HOMELIE 5ème Dimanche Carême. A. Résurrection de Lazare : Jn 11,1-45 - 29 mars 2020


             HOMELIE  5ème Dimanche Carême. A. Résurrection de Lazare : Jn 11,1-45
29 mars 2020

«Moi, je suis la résurrection et la vie…Crois-tu cela ?» Jn 11,25

La mort de Lazare provoque, comme tout décès de personne connue et aimée, particulièrement en cette période de confinement, un questionnement et des réactions bien différentes.
Dans le récit de cet Évangile, celle des Apôtres, tout d’abord, apprenant de la bouche même de Jésus que Lazare s’est endormi (en grec : kèkoïmètaï, qui a donné en français “cimetière”) ; il dort mais du sommeil de la mort. Thomas, à la tête des Apôtres, malgré le risque, résigné, suit Jésus qui marche au devant de la mort, la sienne, mais plus encore, celle de Lazare.
Marthe semble être la plus forte. Allant à la rencontre de Jésus, elle proclame la foi professée par l’élite du peuple juif, la foi en la résurrection à la fin des temps : « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection ». Jésus va l’aider à passer de ce “savoir”, qui la laisse dans une attente lointaine de la vie future, à un “croire” : « Moi, je suis la Résurrection et la Vie…Crois-tu cela ? » « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois… ».
Marie, dominée par la souffrance, reste assise. Écrasée de douleur, elle est par terre, aux pieds de Jésus. Celui-ci fait la chose la plus sensée qu’on puisse faire en pareille circonstance : il se tait et pleure avec Marie. Il ne l’accable pas d’un discours qu’elle ne peut entendre, comme Il avait pu le faire avec Marthe. Marie, pour le moment, a uniquement besoin d’une présence affectueuse. Jésus, alors qu’avec Marthe, Il avait manifesté sa divinité en affirmant : « JE SUIS (“ego eïmi”, qui est le Nom divin) la Résurrection et la Vie »,  montre auprès de Marie sa nature profondément humaine, remplie de compassion jusqu’à pleurer avec elle.

Si cet Évangile peut nourrir notre espérance, la mort peut encore rester pour nous une énigme sans réponse satisfaisante. La déchirure du départ, l’absence de celui ou celle qui n’est plus là à nos côtés, le vide que produit le deuil sont autant d’obstacles à notre foi au Ressuscité. Marthe elle-même, malgré sa foi naissante, butte encore sur le mystère de la mort et lorsque Jésus commande que l’on ouvre la tombe, elle reste dans ses vues toutes humaines. Jésus, en un patient reproche, l’encourage et lui dit: « Ne te l’ais-je pas dis ? Si tu crois… » Nous sommes donc une nouvelle fois invités à mettre notre confiance totale dans le Christ, “Celui qui est venu dans le monde”, Dieu et homme, nous ayant précédé dans la mort et nous y accompagnant encore aujourd’hui.
Plus encore, Saint Paul nous y entraîne magnifiquement dans sa lettre aux Romains que nous avons en deuxième lecture : «  Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en nous » Rm 8,11.
Lazare, revenu à la vie par la puissance divine exercée par le Christ (Jésus ne ressuscite quelqu’un que trois fois seulement dans tous les évangiles), mourra une deuxième fois. Lorsque Jésus demande qu’on “le délie, qu’on le laisse aller”, Il montre, comme pour le paralytique, qu’il y a une mort plus profonde : celle de l’enfermement sur soi qui ne laisse plus entrer ni la vie de Dieu ni celles des autres et tue toute compassion, toute miséricorde. Le Carême nous invite à continuer par l’écoute, le partage, le don de l’aumône à maintenir ouvertes nos mains pour les détresses que nous rencontrons ou qui nous sollicitent, et il y en a de nombreuses en ce moment.

Que l’Esprit du Seigneur nous éclaire, non seulement sur le mystère de la mort, mais sur celui de notre mort spirituelle et nous prépare à accueillir la Résurrection lors de la fête de Pâque qui approche.


AMEN !

jeudi 19 mars 2020

HOMELIE 4ème Dimanche Carême. A. « L’aveugle-né » Jn 9, 1-41 - 22 Mars 2020


           HOMELIE  4ème Dimanche Carême. A. « L’aveugle-né » Jn 9, 1-41
22 Mars 2020

«…Vous êtes devenus lumière » Ep 5,8.

Dans ce récit magnifique, Jean présente toute une palette de réactions de personnes devant un signe extraordinaire que Jésus a opéré quelque temps avant sa mort et sa résurrection, la guérison d’un aveugle de naissance.
Nous avons le personnage central, cet aveugle rencontré par Jésus sur son passage. Lorsqu’on lui demande qui est celui qui l’a guéri, l’aveugle parle d’abord de “l’homme qu’on appelle Jésus” ; puis, il le désigne comme un “prophète” en le qualifiant comme “l’homme qui vient de Dieu”. Enfin, il le reconnaît comme “le Seigneur”. Au début du récit, d’une ignorance totale de Jésus, il va jusqu’à professer sa foi en Lui ; d’une situation d’aveugle de naissance qui vient de guérir, il dit : « Maintenant, je vois »v.25 [voir avec ses yeux de chair blepô, en grec,  mais plus loin, lorsque Jésus lui demande s’il croit au Fils de l’Homme, il s’entend dire de sa part : « Tu l’as vu »v.36 [voir dans le sens de comprendre : eôrakas,en grec(de orao->ophtalmo),  Il comprend alors que celui qui est devant lui est Dieu, et il se prosterne devant Lui.
Il y a ensuite les pharisiens que ce signe miraculeux de la guérison d’un aveugle-né contrarie parce qu’il a été accompli le jour du Sabbat. Dans leur conception étriquée de la Torah, ils ne “voient” pas ; ils oublient que Dieu a donné la Torah à Moïse pour libérer les hommes de toute forme de servitude. Malgré les dires de l’aveugle-né, malgré leur enquête auprès des témoins et des parents de l’aveugle, ils refusent l’évidence et s’enfoncent de plus en plus dans leur aveuglement : leur péché demeure !
Je ne dis rien de l’entourage de l’aveugle qui s’interroge, mais ne se mouille pas devant le risque d’être exclu de la Synagogue.
Enfin, il y a les Apôtres. Jésus va également leur ouvrir les yeux. Le récit commence par leur question, reflétant la croyance (qui se manifeste encore de nos jours) selon laquelle les maladies, les accidents, les malheurs seraient les fruits du péché. « Qui a péché : lui ou ses parents ? » demandent les Apôtres. « Ni lui, ni ses parents ! » Répond Jésus de façon claire et nette. A cette fausse conception qui laisse penser que Dieu punit les mauvais et récompense les bons, et donc que s’il y a punition, il y a eu nécessairement faute, Jésus va modifier leur image de Dieu. A la place d’un Dieu vengeur et punisseur, il présente un Dieu qui sauve les hommes : « L’action de Dieu devait se manifester en lui » v.3. Jésus réalise ce projet, par un geste symbolique, faisant de la boue avec sa salive (cela ne vous évoque-t-il pas Dieu façonnant Adam à partir de la terre “adamah” (en hébreu). Il va comme recréer sa créature blessée, mais plus encore la faire accéder à la foi en son créateur-sauveur.
« Il nous faut réaliser l’action de Celui qui m’a envoyé » v.4. Remarquez que Jésus dit “nous” s’adressant à ses Apôtres et les associe à sa tâche. Voilà bien la mission que Jésus nous confie aujourd’hui encore : éclairer de notre foi tous ceux que Jésus met sur notre “passage”. Préparations aux sacrements, aux obsèques, catéchèse à tous âges, parcours DECOUVERTE, équipes bibliques et autres équipes diverses et tant d’initiatives personnelles ne sont-elles pas autant de réponse à cette vocation que nous avons reçu au Baptême, que les premiers chrétiens appelaient également “illumination” ?
         Dieu a éclairé le prophète Samuel dans sa patiente recherche d’un nouveau roi succédant à Saül : « Dieu ne regarde pas comme les hommes, car les hommes regardent l’apparence, mais le Seigneur regarde le cœur » (1 S 16, 7).
Aujourd’hui la lumière, nous la recevons du Christ-Jésus, comme le rappelait St Paul dans la 2ème lecture (Ep 5,8-14).
Combien il nous est nécessaire, “renonçant aux activités des ténèbres”, (Ep 5,11) de nous tourner vers Jésus : de contempler et de s’imprégner de son comportement, de ses Paroles ; puis dans un appel inlassable à l’Esprit-Saint, nous laisser guider, jour après jour, dans nos projets, nos comportements, nos paroles, afin d’être lumière à notre tour, particulièrement en cette période de crise et d’attente.
AMEN !

mercredi 11 mars 2020

HOMELIE 3ème Dimanche Carême. A. Massa et la Samaritaine Ex 17,3-7 ; Jn 4, (5-42) 15 Mars 2020


HOMELIE  3ème Dimanche Carême. A.
Massa et la Samaritaine Ex 17,3-7 ; Jn 4, (5-42)
15 Mars 2020

« Dieu est-il au milieu de nous, oui ou non ? »

Récit magnifique de Jésus rencontrant cette femme de Samarie, illustration du Sauveur qui vient au-devant de son humanité pour lui donner l’eau qui donne la vie.
Ce dessein de Dieu s’était déjà manifesté il y a bien longtemps vis-à-vis de son peuple esclave. Il le libère d’Égypte, grâce à son serviteur Moïse, et Il le conduit au désert. Arrivé en un lieu appelé “Réphidim” (qui signifie “lieu de repos”)  survient l’épreuve redoutable de la soif. Et ce même peuple, que Dieu a sauvé des armées de pharaon, qu’Il a fait traverser la Mer à pieds secs, qu’Il a nourri des cailles et de la manne, ce peuple vient à douter et récrimine contre Moïse et contre Dieu. Cependant, Dieu exauce la prière de Moïse et fait jaillir une source du rocher que celui-ci a frappé de son bâton miracle.
On donna à ce lieu le nom de “Massa”, que la liturgie traduit par “défi”, mais qui signifie également “épreuve”, “tentation”, [“peirasmon” en grec,  dans la traduction des LXX, c’est le même mot que dans le Notre Père] « parce que les fils d’Israël… avaient mis au défi le Seigneur en disant : « Le Seigneur est-il vraiment au milieu de nous, oui ou non ? » v.7
Quel est celui d’entre nous qui n’a jamais été tenté de s’en prendre à Dieu lorsqu’une grosse épreuve, une souffrance, un gros ennui de santé, un deuil soudain, survient ? Ou, lorsque dans la prière, l’aridité se fait déroutante au point où l’on en vient à se dire que Dieu nous oublie ou qu’Il n’existe pas et qu’il n’est que pure imagination?
Tout cela sont des épreuves réelles, à ne pas prendre à la légère et que tous les grands saints ont traversées. Pensez à Sainte Bernadette au couvent de Nevers ; à Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus un an et demi avant sa mort ; et récemment, comme il nous l’a été révélé, au désert spirituel de 40 ans de Mère Teresa.
Dieu est pourtant toujours présent et Il tient sa source toute prête : en Lui faisant confiance, Il la donne avec profusion, mais notre sensibilité ne peut parfois le percevoir, tant Il agit spirituellement au plus profond de nous-même si nous acceptons de nous abandonner à Lui dans la foi.
Regardons la samaritaine. Elle vient comme chaque jour faire sa corvée d’eau au puit de Jacob, profond de 32 m. Elle en est à son 6ème mari : en hébreu, mari se dit “Baal”, qui désigne également le Maître, le propriétaire, mais aussi le dieu des cananéens, dieu de l’orage et de la pluie fertilisant le sol).
Jésus, dit le texte original, est « assis sur la source » (pèguè), la « source de Jacob » v.6 (et non le puits de Jacob). Paul, dans la première lettre aux Corinthiens, faisant allusion à l’Exode du peuple de Dieu, écrit : « Tous burent au même breuvage spirituel : car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait : ce rocher, c’était le Christ » (1 Co 10,4). Jésus révèle à cette femme ce qu’elle attendait depuis longtemps, sans cesse déçue par les baals (les faux dieux : il y en avait eu cinq en effet à Samarie, importés par les assyriens au temps de leur occupation du pays en 721 avant J-C). Jésus, accueillant sa soif et se révélant à elle, devenait, si j’ose m’exprimer ainsi, mais à prendre au sens spirituel “le baal de sa vie, l’homme de sa vie”.

Depuis que sur la Croix, “de son côté ouvert sortirent le sang et l’eau” (Jn 19,34), Jésus est pour chacun de nous notre source de vie. A la messe, nous venons nous désaltérer et faire grandir notre foi en Lui. Ainsi, nous vivrons avec Dieu qui est présent sans cesse au milieu de nous quelques soient nos situations et davantage encore si elles sont éprouvantes.
Seigneur, que nous puissions ne jamais te mettre au défi : n’est-ce pas ce que nous pourrions demander dans le Notre Père, lorsque nous disons : « Ne nous soumets pas à la tentation » qui peut se traduire par : « Ne nous conduis pas à te mettre au défi » ! Et fais-nous désirer boire à ta source.

AMEN !

jeudi 5 mars 2020

HOMELIE 2ème Dimanche Carême. A. Mt 17,1-9 « La Transfiguration » 8 Mars 2020


            HOMELIE  2ème Dimanche Carême. A. Mt 17,1-9 « La Transfiguration »   8 Mars 2020

« En ce temps là… ». Non, ce n’est pas écrit ainsi dans  l’Évangile de St Matthieu qui présente la Transfiguration de Jésus : en effet, il commence par : « Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean… ». Alors, que s’est-il donc passé six jours avant ? Pierre a exprimé sa foi et Jésus l’a constitué chef de son Église. A l’annonce de sa Passion, de sa mort sur la Croix et de sa Résurrection, le même Pierre ne comprend pas et veut détourner le Christ de sa mission. « Passe derrière moi “Satan”, c'est-à-dire “adversaire, ennemi”. Tes pensées ne sont pas celles de Dieu » C’est alors que Jésus emmène trois de ses disciples pour vivre un moment inoubliable. Il les conduit sur une montagne élevée pour y être mot à mot “métamorphosé” ; changé au-delà de l’aspect habituel que l’on connaît : lumière solaire, blancheur céleste. Il révèle sa véritable identité. Toute son humanité prend alors sens et rayonne lorsqu’il est pleinement uni à la volonté du Père.
Deux personnages se donnent à voir : Moïse et Élie. Ils ne sont pas n’importe qui : Moïse à l’origine de la Torah, la Loi où s’expriment les volontés divines ; Élie, le grand prophète, serviteur zélé de la Torah. Tous deux s’étant rendus sur la montagne élevée du Sinaï, l’Horeb. Tous deux ayant disparu, l’un enlevé au ciel sur un char de feu, l’autre dont on n’a pas retrouvé la sépulture. Tous deux entrés dans la gloire de Dieu. Ils s’entretiennent avec Jésus dans une grande proximité avec Lui. 
Pierre réagit, comme toujours ! Il est heureux et voudrait que ce moment inoubliable se prolonge. Il propose de dresser trois tentes : il ne s’agit pas de camping, mais du geste rituel de la fête des Tentes, Soukkot, qui célèbre l’espérance d’Israël attendant le Messie pour l’accueillir. Jésus est bien ce Messie et la nuée lumineuse qui les couvre de son ombre et la voix divine qui se fait entendre vont le confirmer : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé …écoutez-Le ». Ils en auront bien besoin ! Les disciples reconnaissent l’intervention de Dieu et se prosternent. Puis, ils se retrouvent avec Jésus, seul.
En descendant de la montagne, Jésus leur recommande de « ne pas parler de cette vision avant que le Fils de l’Homme ressuscite d’entre les morts » Pourquoi ?
Ils ne pourront comprendre qu’après l’épreuve de la Passion, de la mort de Jésus sur la Croix et à la lumière de sa Résurrection. Avec les trois mêmes Apôtres, Jésus va vivre une autre « métamorphose » : celle-là, au bas du Mt des Oliviers, à Gethsémani, où il sera  défiguré par la souffrance et l’angoisse, dues aux puissances du mal qui vont se déchaîner sur Lui au moment de la Passion et qu’il vaincra par le don de sa vie. Mais alors, quel sens donner à cette Transfiguration ?
Ce récit de la Transfiguration ne révèle pas seulement aux apôtres la véritable identité de leur maître ; il montre également le chemin que tout disciple de ce maître est invité à suivre. Notre chemin avec le Christ n’est pas seulement fait d’ordre moral ou de mise en pratique des enseignements évangéliques : il est une invitation permanente à répondre à un appel : celui d’être transfigurés, c'est-à-dire métamorphosés, identifiés dans tout notre être à la volonté du Père sur nous et à nous laisser guider par son Esprit.
Jésus transfiguré, qui traversera Lui aussi les tragiques moments de l’existence terrestre, nous fait voir que la mort n’est pas le dernier mot de notre vie. Il ressuscitera comme Il l’annonce aux trois apôtres, leur demandant de garder le silence jusqu’à ce que cela se réalise. Déjà Il leur annonce qu’ils ressusciteront pour être avec Lui : « Relevez-vous et n’ayez pas peur ! » Mot à mot : “Ressuscitez  et n’ayez pas peur !” L’avènement d’un monde nouveau se prépare maintenant, nous l’attendons et nous sommes appelés à y participer par tout geste d’amour, de solidarité, de partage.
Sa Transfiguration peut grandement raviver en nous  l’espérance tant nécessaire lorsque nous sommes affrontés aux épreuves de la vie et même collectivement dans le cadre de l’épidémie que nous vivons aujourd’hui. Préparation au Mystère de Pâque, Mystère de notre Rédemption, la Transfiguration nous fait méditer, comprendre et accepter la démarche déroutante de Dieu qui, en son Fils bien-aimé, s’abaissera jusqu’à la Croix afin que nous n’ayons pas peur d’en faire autant, avec Lui, pour ressusciter et vivre avec Lui. N’ayons pas peur et renouvelons notre confiance en Lui !                              AMEN !