jeudi 23 février 2017

HOMELIE 8ème Dimanche Ordinaire A. "A chaque jour suffit sa peine"Mt 6, 24-34 26 Février 2017



HOMELIE  8ème Dimanche Ordinaire A. Mt 6, 24-34
26 Février 2017

L’enseignement de Jésus, dans son discours sur la montagne, avait commencé par les Béatitudes indiquant le chemin pour être heureux. Sur ce chemin, une fausse proposition de bonheur se présente à tous : l’argent ! Non pas l’argent-monnaie qui facilite nos échanges, mais l’argent que l’on prend comme un absolu, un but en soi, une idole, parce qu’il nous fait accéder aux biens matériels, aux services, aux plaisirs et à toute forme de puissance : on le voit bien dans l’actualité quotidienne que ce soit dans notre pays ou dans le monde entier. L’argent, dans ce texte d’Evangile, se dit “Mamon” Mamwna, dont la racine est “Aman”, qui a donné également “Amen” : je crois, j’adhère. Mais Jésus le qualifie de “trompeur” car il donne une fausse sécurité (Lc 16,9).
Notre bonheur consiste donc à choisir, non pas ce maître trompeur, mais le seul vrai maître sur lequel nous pouvons compter, Dieu : “Lui seul est mon rocher…Comptez sur Lui en tout temps” Psaume 61 (62) que nous venons d’entendre.

Cependant, il ne faudrait pas tomber dans une attitude de démission, d’abandon tel en Dieu dont  nous attendrions d’avoir ce qu’il nous faut pour vivre de Lui seul et faire comme les petits oiseaux ou les lis des champs : contresens funeste ! En effet, il ne faut pas lire les paroles de Jésus comme une allégorie dans laquelle nous remplaçons les héros du récit par nous-mêmes. Autrement dit, les oiseaux, ce seraient nous ; les lis des champs, ce seraient nous et nous n’aurions rien d’autre à faire que picorer la vie comme les oiseaux du ciel ou nous laisser nonchalamment dorer par le soleil comme les lis des champs. Cà planerait beaucoup !
Non, les paroles de Jésus ne fonctionnent pas comme une allégorie, mais comme une comparaison, comme une métaphore qui nous dit ceci : quand l’oiseau fait son activité d’oiseau, il vit très bien. Quand le lis suit sa nature de lis, il vit très bien ; et quand l’homme fait son métier d’homme, il vit très bien aussi. Et le métier d’homme consiste, justement à accomplir durant sa vie tout ce qu’il est capable de faire. Qu’on soit riche ou pauvre, le danger est toujours de se laisser accaparer par l’avoir, et d’en avoir toujours plus. Trois fois dans ce passage d’Evangile, nous trouvons l’expression : “Ne vous faites pas tant de souci !”, ne vous inquiétez pas, ne vous préoccupez pas…Certes Jésus n’appelle pas à l’insouciance, pas plus qu’à l’oisiveté, mais Il appelle à la confiance « dans le Père céleste qui sait ce dont nous avons besoin ». St Pierre nous invite dans sa première lettre ainsi : « Déchargez-vous sur Dieu de tous vos soucis, car Il prend soin de vous » (1 P 5,7) et Isaïe dans la lecture d’aujourd’hui invitait Jérusalem éprouvée à ne pas croire que Dieu l’avait abandonnée : « Même si une femme pouvait oublier son petit enfant, moi je ne t’oublierai pas ».

Et pour finir, Jésus nous invite à « chercher d’abord le Royaume de Dieu et Sa justice », c'est-à-dire à être “ajustés” à sa volonté, à correspondre à ce que Dieu attend de nous et qu’Il nous fait comprendre au jour le jour. Ainsi, Il nous libère de toutes nos préoccupations, voire nos angoisses, car Il nous demande de les Lui remettre.

Ces paroles de Jésus n’arrivent-elles pas à point en cette période où l’on se pose beaucoup de questions, non seulement sur l’avenir du monde mais sur celui de notre société française : que cherchons-nous ? Quel sens donner à nos activités, nos choix de vie ?  Présentons-Lui, dans une prière confiante, nos activités, nos projets, nos examens, nos orientations, notre vie professionnelle et aussi l’avenir de notre société, du monde et de l’Eglise.
AMEN !                                                                       

jeudi 16 février 2017

HOMELIE 7ème Dimanche Ordinaire A. "Si on te frappe sur la joue droite.." Mt 5, 38-48 - 19 Février 2017 -



HOMELIE  7ème Dimanche Ordinaire A. 19 Février 2017

- Mt 5, 38-48 

"Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre” Mt 5, 39
         Merveilleux Evangile qui porte au sommet la grandeur de l’amour tel que Jésus Lui-Même l’a montré jusque dans sa Passion.
Mais Dieu qu’il est exigent ! Et combien se sont heurtés à ces paroles, les poussant à renoncer à suivre Jésus, au moins dans de telles situations. Ainsi, lorsque j’étais curé à St Quentin-les-Sources, une maman au cours d’une réunion de parents d’enfants au catéchisme, dont le thème de la leçon était : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés”, eut cette réaction : « Si vous enseignez cela à mon gamin, je le retire du catéchisme ».
Au fond de moi-même, je rejoignais cette “rébellion”, car ce que demandait Jésus relevait de l’héroïsme avec une pointe de soumission, voire de lâcheté, que la maman avait exprimé, comme pour s’excuser : “Je ne veux pas que mon fils devienne une carpette !”
                   Je connaissais les interprétations qu’en donnaient les grands spirituels, voulant exprimer à quel degré d’amour le disciple du Christ devait s’élever (ou s’abaisser ?) pour faire comprendre à son agresseur qu’il n’avait aucune haine envers lui, mais seulement de l’amour, qui excluait toute forme de violence ; je connaissais le style imagé, oriental de Jésus, qu’il ne faut pas prendre au pied de la lettre ; je connaissais le commentaire des exégètes qui disaient que lorsque quelqu’un prononçait un blasphème, il était giflé sur la joue droite : il fallait donc que les premiers chrétiens, qui proclamaient que Jésus était Dieu, s’attendent à être giflé ainsi et même, qu’ils maintiennent leur affirmation en tendant l’autre joue… Ou même, l’interprétation cocasse d’Origène, Père de l’Eglise, qui observait finement que pour frapper quelqu’un sur la joue droite, il fallait être gaucher, et donc qu’il n’y avait pas beaucoup de chance que l’on puisse mettre la parole à exécution ! Mais comment expliquer tout cela à cette maman ?
                   Je lui répondis ainsi : « Lorsque Jésus demande quelque chose à ses disciples, il est en général le premier à le faire. Aimez vos ennemis : c’est ce qu’Il fait envers ses bourreaux. Par contre, lors de sa Passion, lorsque le serviteur du grand prêtre le gifle en lui disant :
“ Est-ce ainsi que tu réponds au souverain prêtre?”  Que fait alors Jésus ? Présente-t-Il l’autre joue ? Non ! Mais Il s’adresse à lui répond : “Si j'ai mal parlé, fais voir ce que j'ai dit de mal; et si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu? ” Jn 18, 22-23.
                   Je crois que vous pouvez laisser votre enfant au catéchisme, mais en lui apprenant à prendre de la distance face à son agresseur (très dur ! je le sais) et en essayant d’aimer comme le Christ qui a aimé ce serviteur. Comment ? Il a mis son agresseur en responsabilité : lui qui s’est laissé emporter par un zèle mal placé, plein de haine et qui l’avilit : « Justifie ton geste » semble lui dire Jésus ! « Sois responsable et tu éviteras de te mettre dans cet état-là” ».
Marie Balmary,  dans son livre “Le sacrifice interdit” (Edition Grasset), aborde ce texte, pp.186-187. Elle le reprend dans un dernier livre sorti l’année dernière, intitulé « Ouvrir le livre » p.63 en traduisant mot à mot : « Mais si quelqu’un te donne un coup sur la mâchoire droite, tourne à lui aussi autre » Cette psychanalyste qui connaît également l’hébreu et le grec révèle le non-respect de la traduction du terme “autre” qui est utilisé dans le texte grec. En effet, le grec dispose de deux termes pour exprimer autre : “L’un, l’autre” dans une relation duelle, par exemple : “Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l'un, et aimera l'autre (étéron) ou il s'attachera à l'un, et méprisera l'autre (étérou) Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon”. Mt 6, 24. C’est ce que nous devrions avoir ici : la mâchoire droite, l’autre : "étéren". Or nous avons  allen, qui est l’autre terme pour dire autre, mais au sens de différent.
La parole de Jésus devient alors une invitation à "présenter à l’agresseur autre chose”, le but étant de le faire sortir de sa violence en le “responsabilisant”. N’est-ce pas exactement ce qu’a fait Jésus envers le serviteur du grand prêtre ?
Cette interprétation n’exclut pas les autres plus traditionnelles, exégétiques ou mystiques, qui partent de points de vue différents et qui peuvent enrichir, à leur façon, notre accueil de la Parole de Dieu. Mais je pense qu’il est bon de proposer aussi celle-ci, qui a le mérite de respecter l’ensemble des Evangiles en se fixant sur son modèle, Jésus-Christ, et en évitant les fausses pistes du jeu pervers de la violence : Jésus, qui est le “Chemin et la Vérité et la Vie”, enseigne une autre voie qui fait grandir parce qu’elle appelle à la responsabilité.
L’Evangile ne s’achève-t-il pas ce jour sur une autre belle invitation de Jésus : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » Rien que ça !  Mais le mot parfait s’écrit :  Teleios, « accomplis » Quelle confiance Jésus met en nous ! 
AMEN !                                                                       

samedi 11 février 2017

HOMELIE 6ème Dimanche Ordinaire A « Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir »- Mt 5, 17-37 12 Février 2017



HOMELIE  6ème Dimanche Ordinaire A - Mt 5, 17-37
12 Février 2017

« Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir »

Avec l’Evangile d’aujourd’hui, nous sommes au début du "discours sur la montagne" qui fait suite aux Béatitudes et à la déclaration du Christ : « Vous êtes le sel de la terre…vous êtes la lumière du monde ». L’évangéliste Matthieu présente Jésus comme le nouveau Moïse qui a gravi la montagne suivi par la foule et s’est assis pour enseigner ses disciples. Il veut les dissuader qu’ils le prennent pour un nouveau prophète qui enseignerait une voie autre que celle de la Loi (la Torah) pour aller vers Dieu.
« Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir mais accomplir ». Abolir : détruire, renverser ou dissoudre ; accomplir : emplir à ras bord, parachever. Jésus ne peut détruire la parole de Dieu son Père, qui a valeur d’éternité puisqu’Il ne revient jamais sur sa parole. Jésus vient "accomplir", c’est-à-dire mener à son terme cette parole, la parfaire pour qu’elle se réalise pleinement. Il respecte la façon dont son Père a choisi de se révéler à son peuple petit à petit, progressivement, afin de le conduire à la pleine révélation de l’amour qu’Il nous porte et veut que nous partagions entre nous.
 Ainsi la Loi donnée à Moïse est faite de prescriptions nécessaires pour un vivre ensemble élémentaire : ne pas tuer, ne pas convoiter, ne pas tromper…Les Prophètes et les Sages ont fait progresser ces recommandations, mais Jésus va les affiner encore pour atteindre l’intelligence et le cœur en profondeur. Cette progression pourrait se présenter ainsi :
1er niveau : tu ne tueras pas.
2ème niveau : tu t’interdiras la colère, les injures, les propos qui blessent et qui peuvent même tuer psychologiquement ou socialement.
Ou encore :
1er niveau : tu ne commettras pas d’adultère
2ème niveau : tu t’interdiras même de regarder une femme avec convoitise, car elle devient pour toi un objet. Renonce à la regarder (arrache ton œil) ; essaye de ne pas y penser : que ton œil soit pur et ne te fasse pas chuter.

Et encore :
1er niveau : ne manques pas à tes serments…
2ème niveau : n’en fais pas du tout

Que ce qui sort de ta bouche soit vrai : "oui", si c’est "oui" ; "non", si c’est "non".

         Avancer toujours plus loin sur le chemin de l’amour vrai, telle est la vraie sagesse qui va à l’encontre de la sagesse de ce monde dont St Paul dit qu’elle promeut d’autres valeurs, celles que la triste réalité des informations d’aujourd’hui nous présente : réussite à tout prix, passage en force qui fait appel à la violence, mensonges publics qui cachent la vérité, dénigrement, mépris des petits : la liste serait longue.

         Jésus tout au long de son ministère n’aura de cesse de nous guider sur le chemin de la vie fraternelle. Ne nous invite-t-il pas à devenir ce que nous sommes : enfants de Dieu et frères et sœurs les uns des autres. Ça commence par l’observance de la Loi de Moïse ; ça s’accomplit dans l’écoute et la mise en pratique des préceptes de Jésus.
         Là encore, car cela demande beaucoup d’effort et de discernement, c’est avec l’aide de l’Esprit Saint qu’il faut avancer, « lui qui scrute le fond de toutes choses, même les profondeurs de Dieu. » 1 Co 2,10

         Tous ensemble, accueillons-le et prions-le.
        

AMEN !

jeudi 2 février 2017

HOMELIE 5ème Dimanche Ordinaire A - Sel de la terre...lumière du monde - Mt 5, 13-16 5 Février 2017



HOMELIE  5ème Dimanche Ordinaire A - Mt 5, 13-16
5 Février 2017

« Vous êtes le sel de la terre…Vous êtes la lumière du monde » 

Rien que ça ! Il y a de quoi être un peu affolé ! A quoi penses-tu Jésus pour proposer cela à tes disciples ?  Et n’est-ce pas un peu prétentieux de notre part d’accepter d’être sel et lumière ? Il y a tellement à faire dans notre société malade d’égoïsmes, de corruptions, de violences diverses et de non-sens ! De quoi douter de pouvoir faire quelque chose !
On comprend bien : être sel pour donner saveur à la vie, mais aussi pour purifier (2° Livre des Rois : 2,19-22) ou pour conserver : les salaisons (et Tob : 6,5): être lumière pour éclairer, voire guider des personnes un peu perdues. Mais ces deux comparaisons ne s’opposent-elles pas ?
Bien au contraire : elles se complètent, car pour que le sel opère, il faut qu’il soit mêlé aux aliments; par contre, pour que la lumière soit efficace, il faut qu’elle se détache, qu’elle soit à part, «  qu’on la mette sur le lampadaire ». Ainsi, le Seigneur nous demande-t-Il d’être à la fois bien au milieu de tous, de donner du goût, de la saveur (saveur vient du latin ‘sapere’ qui a donné ‘sapientia’ = sagesse en français)…, sagesse à la vie, à nos relations, nos créations mais aussi et surtout pour partager les vies et les épreuves de nos proches et c’est tout le sens de la première lecture de ce dimanche tirée du livre d’Isaïe (Is 58,7-10) qui nous invite à donner à ceux qui ont faim, héberger les pauvres sans abris, combler le désir des malheureux : alors ta lumière jaillira comme l’aurore ! Mais en étant lumière, Jésus nous invite aussi à être en distance vis-à-vis de ce qui est vécu pour prendre du recul, chercher le sens, car il faut du discernement pour ne pas s’emballer à l’écoute de tant d’informations  non vérifiées, de points de vue non fondés sur des valeurs de vie ; pour résister à la pensée commune, souvent précisément mal éclairée ou prise en otage par les lobbys et qui soulèvent des peurs majorées ou même imaginaires. Bref, être lumière pour voir. Voir : qui est fondamental pour comprendre, pour choisir et pour agir, bref, pour exister, être responsable. Le Seigneur nous demande d’être lumière, donc de ‘faire voir’.
        
         Trop dur ? Impossible ? Mais non, vous le savez : quand Jésus demande quelque chose à quelqu’un : d’abord c’est qu’Il l’aime et reste près de lui ; ensuite, c’est qu’Il le croit capable de le faire. Nous pourrions vivre tranquille en marge des drames ne notre société, dans la tranquillité. Mais nous voulons répondre à l’appel du Seigneur et de l’Eglise qui nous proposent d’être dans le monde à la fois sel et lumière. En restant humbles, modestes, reconnaissants, croyants en cet Amour, nous accueillons le don de Dieu ; Il s’est engagé à nous combler de son Esprit comme l’écrivait si bien St Paul à la fin de la deuxième lecture de ce jour.

 Enfin, la Sainte Ecriture propose deux autres manières de comprendre encore cette image que le Christ a choisie. Dans le livre du Lévitique (qui fait partie de la Torah, la Loi de Dieu donnée à Moïse) on trouve : « Sur toute offrande que tu présenteras, tu mettras du sel ;  tu n’omettras jamais le sel de l’Alliance de ton Dieu  sur ton offrande ; avec chacun de tes présents, tu présenteras du sel » (Lv.2, 13). Le sel trouvait sa place dans les repas d’amitié (on le servait comme rite d’accueil : c’est peut-être l’ancêtre de nos apéritifs !) et surtout dans les rites d’alliance, à tel point que le Livre des Chroniques s’exprime ainsi : « Ne deviez-vous pas savoir que le Seigneur le Dieu d’Israël a donné la royauté à David sur Israël pour toujours, à lui et à ses fils : c’est une Alliance de sel » (2° Livre des Chroniques.13,5), c’est à dire une alliance indestructible, infrangibleDieu s’engage pour toujours avec nous, puisque nous osons nous engager envers Lui : Il fait avec nous une alliance de sel : nous pouvons compter sur Lui.
Qu’Il puisse compter sur nous ; « Alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux ».Mt 5,16.

AMEN !