jeudi 28 avril 2022

HOMÉLIE 3ème Dimanche de Pâques "Le Seigneur : Il est Dieu !" - Jn 21, 1-19. – 1er Mai 2022.

 

HOMÉLIE  3ème Dimanche de Pâques  Jn 21, 1-19.

1er Mai  2022.

 

« Le Seigneur : Il est Dieu !»

 

La scène de la troisième et dernière manifestation de Jésus ressuscité à ses disciples clôt l’Évangile de St Jean et se situe après Pâques, au bord de la Mer de Galilée. Les disciples ont repris leur premier travail, la pêche, car il leur faut bien vivre en attendant la venue de l’Esprit Saint promis par Jésus. Ils sont sept, chiffre parfait, chiffre de l’universalité, chiffre de la rencontre du divin et de l’humain. Ils passent donc la nuit à jeter leurs filets mais ne prennent rien. Jésus se tient au bord du rivage : il ne se fait pas reconnaître. Pourtant Il n’en est pas à sa première rencontre avec eux après sa résurrection. Seulement, Il veut les faire aller plus loin dans leur foi : comment ?

Pas de “Bonjour !” ou de “La paix soit avec vous !” Juste une demande : « Les petits, avez-vous quelque nourriture ? ». Puis, à leur réponse, Il leur adresse une invitation qui ressemble étrangement à celle qu’ils avaient déjà entendue : « Jetez vos filets à droite de la barque, et vous trouverez »  C’était au jour de leur premier appel. Le miracle s’accomplit et aussitôt, le “disciple que Jésus aimait” le reconnaît : « C’est le Seigneur ! » mais l’on peut traduire par : « Le  Seigneur : Il est ! » C'est-à-dire que Jésus, Seigneur, ressuscité, est vraiment Dieu Lui-même : qui seul est par excellence, d’ailleurs, n’est-ce pas le nom même de Dieu, difficilement traduisible qui a été révélé à Moïse au buisson ardent du Sinaï ? “Je suis  qui je suis Je suis celui qui est” ou encore : “Je suis Celui qui sera” (sous-entendu, avec toi et avec mon peuple).

 Plus que leur maître, plus qu’un prophète, plus que le Messie, Jésus est Dieu : trois fois, nous aurons cette expression : « Le  Seigneur : Il est ! »  A la troisième, l’évangéliste écrit : « Aucun disciple n’osait Lui demander : « Qui es-tu ? ». Ils savaient que le Seigneur, Il est ». Leur foi en la personne de Jésus devient complète : de la confiance en Jésus de Nazareth, ils passent à la foi en Jésus, Dieu, Fils de Dieu.

 

Il ne s’agit pas simplement d’une définition de catéchisme : il s’agit pour nous aussi d’apprendre à dire, avec tout ce que cela entraîne de conséquences, que Jésus est Notre Seigneur et Notre Dieu. Et donc qu’Il est au cœur de notre vie ; que nous avons à le chercher et le trouver dans tout ce qui fait notre existence. Certes, Il peut, comme pour les disciples, nous sembler plus souvent absent que présent, mais il est des temps et des moments où Il nous donne rendez-vous pour percevoir plus clairement qu’Il est là ; qu’Il nous éclaire et nous aide dans les moments où nous ne pêchons rien, c'est-à-dire où nos efforts humains pour aimer, pour vivre avec notre entourage de façon harmonieuse ; pour rendre la société plus juste et fraternelle n’aboutissent pas, ne donnent rien. Cela peut se faire dans les rencontres personnelles de notre prière. Cela peut se faire en Communauté lorsque Sa parole est proclamée, écoutée, méditée : qu’elle donne sens à ce que nous faisons et nous rend courage et espoir. Cela est vécu dans le signe, non plus du pain et du poisson grillé, mais du Pain de Vie, donné, reçu et partagé qui nourrit nos cœurs affamés et vides. L’assemblée des frères qui nous entourent réconforte notre foi et nous pouvons ensemble proclamer : « Toi, Seigneur, Tu es notre Dieu ! »

 

Seigneur, Tu as fait des premiers disciples des pêcheurs d’hommes, tirant dans leur filet 153 gros poissons, chiffre qui, d’après les naturalistes de l’époque, relate St Jérôme, correspondait au nombre d’espèces connues. Ces 153 gros poissons désignent symboliquement la totalité des peuples de la terre. De plus, il ne s’agit pas de « fretins » (« opharion ») comme ce poisson qui était au-dessus du feu de braise mais de poisson « ictus » « iktuon », mot qui désignera les fidèles du Christ au début de l’ère chrétienne: « ICTUS »« Iesou Chistos Théo Uios Sator » (que l’on voit souvent cousu sur les ornements du prêtre) : Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur ». Les hommes ont à être tirés de la Mer, lieu symbolique de la mort et donc sauvés des puissances du mal.

 

Toi, notre Seigneur et Notre Dieu, Tu peux alors faire de nous les pêcheurs d’hommes d’aujourd’hui, Toi qui nous as ramené à la Vie pour que nous les ramenions à Toi qui es la Vie, à Toi qui es Dieu.

 

AMEN !

jeudi 21 avril 2022

HOMÉLIE 2° Dimanche de Pâques. "Heureux ceux qui croient sans avoir vu !" Jn 20,19-31- 24 Avril 2022

 

HOMÉLIE  2° Dimanche de Pâques. Jn 20,19-31-

24 Avril 2022

 

Heureux ceux qui croient sans avoir vu !

 

                   Pourquoi Thomas a-t-il douté ? Il est courageux ; il a du caractère : c’est le seul Apôtre à être sorti du Cénacle où les autres, la peur au ventre, s’étaient verrouillés. C’était un réaliste, qui avait bien compris qu’en montant à Jérusalem avec Jésus pour se rendre auprès de Lazare qui était mort, il risquait la mort avec son maître : "Allons, nous aussi, pour mourir avec lui!"  Jn 11, 16. Il était prêt à donner sa vie pour Jésus qu’il aimait passionnément. Sa mort l’avait profondément déstabilisé : il était persuadé que Jésus saurait s’en sortir, Lui qui était capable de ressusciter Lazare. Et voilà qu’Il était bien mort.

                   Tout devenait pour lui une immense question : quel était le sens de la vie de Jésus ? De son témoignage ? De la pertinence de ses paroles et de son enseignement puisqu’il avait fini sa vie comme un pauvre malfaiteur, abandonné de tous et, semble-t-il, de Dieu Lui-même. Qu’on lui annonce que Jésus était vivant, alors là, c’était trop pour lui : il ne voulait plus être trompé et déçu.

                   Son refus de croire sans preuve venait peut-être aussi de ce que Jésus, s’étant manifesté aux autres apôtres en son absence, il était frustré d’avoir manqué ce moment qu’il désirait inconsciemment si fort au fond de lui.

                  En tout cas, le dimanche suivant, de nouveau Jésus se trouve au milieu d’eux : Il ne lui en veut pas (c’est bien là un trait de la miséricorde de Dieu) et au contraire, il s’adresse à lui pour combler son attente. Aussitôt éclate la belle profession de foi de Thomas, la première qui désigne Jésus comme Dieu : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ». Jésus peut alors l’inviter à passer du voir au croire.

                   Mais cette profession de foi de Thomas ne porte pas simplement sur la joie de retrouver Jésus vivant, ressuscité. Les marques de ses mains et de son côté ne sont pas seulement la preuve de son identité, mais le signe éclatant qu’un homme, éprouvé jusqu’à la mort la plus cruelle, est entré dans la vie éternelle avec toute l’histoire souffrante de sa vie humaine et cela par la foi en Dieu, son Père.

                  Autrement dit, il nous invite à croire que même si, dans nos existences, les vents sont contraires, même si nous traversons des tempêtes ou les pires épreuves, le Dieu de miséricorde, Notre Père, « ne laisse pas son ami voir la fosse » Ps 16(15).

                   Thomas a compris, semble-t-il, le sens profond de la mort de Jésus : «  Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12,24). C’est pourquoi éclate sa belle profession de foi, éclairée et renforcée par la miséricorde de Jésus qui l’aide à voir (orao oraw), c'est-à-dire à comprendre qui Il est: « Mon Seigneur et mon Dieu ! »

                   Non ! Le doute de Thomas n’est pas le doute du sceptique, du soupçonneux, limité  par sa raison, étranger au sens des réalités qui lui échappent et qui se ferme à toute nouveauté ; qui finalement reste seul avec lui-même. Il est de ceux qui questionnent devant l’extraordinaire, l’insolite, l’inattendu, “l’incroyable” : ils veulent vérifier qu’ils ne rêvent pas, qu’ils sont bien dans la cohérence et la vérité de ce qu’ils croient et que c’est accessible à tous ceux qui le veulent bien et qui cherchent.

                   Dieu est tellement “autre” et les évènements, comme pour Thomas, sont tellement déconcertants qu’il est courant, dans la Bible, d’entendre des croyants et particulièrement des priants lui lancer des questions : « Pourquoi… ? » (Psaumes 10,1 ; 42,10 ; 43,2 ; 44,24) et « Où es-tu ? Que fais-tu ? Jusqu’à quand nous laisseras-tu dans cette détresse ? ». Souvenez-vous du dernier cri de Jésus Lui-même sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Début du Ps 21 (22) qui se termine par un chant de louange : «  J'annoncerai ton nom à mes frères, en pleine assemblée je te louerai ».

 Ce sont des doute-questions qui débouchent sur la foi-louange.

 

                   Bienheureux Thomas qui éduque nos propres doutes, nous invitant à poser les bonnes questions ; à les partager entre nous ; à les porter et à les dépasser jusqu’à exprimer joyeusement notre foi.

Et qui est son “jumeau” ? Ne le serions-nous pas tous un peu ?            AMEN !

mercredi 13 avril 2022

HOMÉLIE Dimanche de Pâques. "La Résurrection du Christ : il y a "voir" et "voir" ! " - Jn 20,1-9 - 17 Avril 2022

 

HOMÉLIE
  Dimanche de Pâques. 17 Avril 2022

Jn 20,1-9

 

La Résurrection du Christ : il y a "voir" et "voir" !

 

La Résurrection de Jésus, comment en parler ? C’est tellement nouveau et mystérieux ! St Jean nous la présente à travers le témoignage des deux disciples, Pierre et Jean, qui au petit matin de Pâques, alertés par Marie de Magdala, se rendent en hâte au tombeau où l’on avait déposé Jésus. En quelques étapes, par le choix du vocabulaire, il nous fait progresser vers la foi en cet évènement. Parcourrons le récit.

Tout d’abord, Marie de Magdala se rendant la première au tombeau a vu que la pierre fermant le tombeau a été roulée : le tombeau est donc ouvert. Le verbe utilisé ici est blèpo, blepw qui signifie voir-constater, qui donnerait lieu à un procès-verbal décrivant ce que l’on voit de nos yeux de chair. Elle ne va pas plus loin ; elle n’entre même pas pour chercher d’autres indices. Sur ce constat, elle en déduit qu’on a enlevé du tombeau le Seigneur et s’engage sur une fausse piste. Ayant alerté les Apôtres, Simon-Pierre et “le disciple que Jésus aimait” sortent à leur tour et se mettent à courir vers le tombeau, eux-mêmes intrigués.

 v.5 - Le disciple arrive le premier, se penche et voit (même verbe blèpo) “les linges qui sont là, à plat” *. Nouveau constat, avec un nouvel indice : les linges, retombés à plat. Mais il n’entre pas.

v.6 - Simon-Pierre arrive à son tour: “Il entre dans le tombeau et voit les linges, à plat v.7 et le tissu qui était sur sa tête n’est pas à plat avec les linges, mais enroulé, lui, en sa place” .

Le verbe ici est théorao  qewraw (qui a donné en français : théorie, théoriser, théorème...) Il signifie : observer, regarder attentivement, examiner, inspecter et même contempler. Simon-Pierre se met donc à tenter de comprendre ce qu’il voit, d’en chercher le sens car enfin, on n’a pas pu enlever le corps du Christ puisque les linges sont restés en leur place.

 

v.8 - Entre alors l’autre disciple : “Il vit et il crut”. Un troisième verbe est utilisé : Oraooraw [qui, sous une autre forme conjugale, a donné en français : ophtalmo]. Ce verbe signifie de façon courante : voir, mais il a aussi le sens imagé de « voir avec les yeux de l’esprit, de l’intelligence » c’est à dire comprendre.  D’ailleurs au verset suivant, v.9, l’évangéliste commente : “ En effet, ils n’avaient pas encore vu l’Écriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts”. Or c’est le même verbe voir/orao qui est traduit habituellement par "compris"

Voilà donc le chemin de la foi en la Résurrection de Jésus parcouru par « le disciple que Jésus aimait » Il nous invite à le faire à notre tour. On ne peut croire en la Résurrection s’il n’y a pas d’abord le constat (blèpo) de la mort de Jésus selon la chair. Suit notre recherche du sens (théorao) pourquoi n’est-il plus là ? N’y aurait-il pas une vie après la mort ? Mais ces questions, toutes bien normales, ne suffisent pas pour croire : il faut voir (orao) au-delà du visible.

À tous ceux qui chercheraient des preuves de la Résurrection, il leur est demandé de changer leur manière de voir. “Moïse...en homme qui voit (orao) l’invisible (a-oraton), tint ferme” He 11, 27

À tous ceux qui veulent croire, il leur est demandé de partir de la réalité visible de l’existence pour accéder, grâce aux signes et au témoignage de des Apôtres qui ont donné leur vie pour cela, ainsi qu’à l’Écriture lue ensemble en Église, pour accéder à la réalité invisible qui ne se confond pas avec nos imaginaires, tentés par nos délires. (cf. les tentatives sectaires ou à mouvance New Age).

                   Croire, c’est passer du voir-avec-nos-yeux-de-chair Celui qui s’est fait chair pour nous au voir, Celui qui est le Christ, le Fils de Dieu, ressuscité, non sans chercher à comprendre, comme Simon-Pierre.

                   Ce désir de voir n’est pas méprisable. N’est-ce pas pour cela que Jésus a dit à l’apôtre Philippe à la veille de sa mort: “Qui me voit, voit le Père” (Jn 14, 9) ? C’est pour cela encore qu’après sa Résurrection, Jésus « se donnera à voir » aux Apôtres et à Thomas en particulier, afin qu’ils disent ce qu’ils ont vu. Ce qui n’empêchera pas Jésus de féliciter ceux qui ne pourront être les témoins privilégiés, comme les apôtres, de ce voir : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ;  bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » Jn 20, 28.

 

 

 

AMEN !