jeudi 29 juin 2017

HOMELIE 13ème Dimanche Ordinaire A – “Celui qui ne haïra pas son père ou sa mère…” -Mt 10,37-42



HOMELIE 13ème  Dimanche Ordinaire A – Mt 10,37-42

“Celui qui ne haïra pas son père ou sa mère…”

Encore des paroles de Jésus qui peuvent nous paraître bien incompréhensibles :
« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; Qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi… » Mt 10, 37.
                  Et tout particulièrement au moment où commencent les vacances estivales qui sont un temps privilégié pour que les familles se retrouvent, se recréent, comment comprendre ce passage d’Evangile ?
                  Cette parole porte sur l’amour filial et semble contredire le 4ème Commandement : « Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne Yahvé ton Dieu. (Ex 20, 12) ou encore : «Celui qui maudit son père ou sa mère, qu’il soit puni de mort. (Ex 21, 17)
                  Jésus les reprend à son compte en dénonçant l’hypocrisie des pharisiens : « Mais vous, vous dites: Quiconque dira à son père ou à sa mère: "Les biens dont j'aurais pu t'assister, je les consacre", celui-là sera quitte de ses devoirs envers son père ou sa mère. Et vous avez annulé la parole de Dieu au nom de votre tradition. Hypocrites ! » (Mt 15, 5-7).

         Reprenons la parole de Jésus : « Celui qui aime son père…. »
                   Dans ce verset, le mot “aimer”, que l’Evangile utilise, est le mot grec philein, qui n’est pas celui qui, dans les synoptiques, désigne l’amour de Dieu et du prochain : agapân. Il a même chez Matthieu un sens péjoratif : on pourrait le traduire par « affectionne ». Ainsi, Jésus dit : « Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites: ils aiment, (ils affectionnent) pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu'on les voie » (Mt 6,5) ou encore : « [Les scribes et les pharisiens] affectionnent  à occuper le premier divan dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à recevoir les salutations sur les places publiques et à s'entendre appeler Rabbi par les gens ». (Mt 23,6-7).                  
                  Jésus veut faire comprendre à ses disciples que les liens familiaux, certes légitimes, peuvent devenir des obstacles sur le chemin de ceux qui veulent suivre Jésus, en particulier dans les situations fusionnelles entre un père, une mère et son enfant. Et Dieu sait si en Orient et dans le bassin méditerranéen, ces situations sont encore bien ancrées dans la réalité des vies familiales. Les disciples eux-mêmes n’ont-ils pas quitté leur père (et leur filets…) pour suivre Jésus ? Il en a été ainsi, pour bien des saints, par exemple, pour St François d’Assise, Ste Claire.
                   Il s’agit donc de faire un choix nécessaire : les proches et la famille peuvent être ou une aide ou un obstacle : « Nul n’est prophète en son pays ! » et Jésus l’annonce clairement, sans remettre en cause l’amour filial, fondement des liens entre générations. L’amour de Dieu ne peut qu’élever l’amour filial en lui apportant toute sa force purificatrice, puisqu’à l’exemple du Christ, il peut aller jusqu’au don de sa vie. L’amour de Jésus pour Marie, sa mère, n’en est-il pas la meilleure illustration ?    
                   Prenons donc ce temps estival pour, par l’attention, l’écoute, le service et le bon temps à partager ensemble, renforcer les liens d’affection et d’amour avec ceux que nous côtoyons tout au long de l’année, enfants et parents ; épouses  et époux ; petits-enfants et grands parents: nous rendrons gloire ainsi au Seigneur et ferons grandir les petites cellules d’Eglise que sont nos familles. Que nous soyons deux ou trois ou une ribambelle, c’est sans doute en pensant à tous les couples et à toutes les familles que le Seigneur a dit un jour à ses disciples : “De même, je vous le dis en vérité, si deux d'entre vous, sur la terre, unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux." (Mt 18, 19-20).
AMEN !

samedi 24 juin 2017

HOMELIE 12ème Dimanche Ordinaire A"Celui qui se prononcera pour moi…” Mt 10,26-33 - 25.06.2017



HOMELIE 12ème  Dimanche Ordinaire A Mt 10,26-33
25.06.2017
“Celui qui se prononcera pour moi…”

 Certaines paroles de Jésus peuvent nous paraître très sévères. Il a des mots durs lorsqu’Il s’adresse à ses disciples. Comment comprendre ce passage d’Evangile ?

« Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux, mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux » Mt 10, 32-33

         Cette parole semble manifester de la part de Jésus comme un « donnant-donnant » qui ne lui ressemble pas tant ce qu’il fait est toujours gratuit. Qu’en est-il vraiment ?

Ces paroles se situent dans une partie de l’Evangile de St Matthieu qui aborde la douloureuse condition des disciples de Jésus persécutés, comme ce fut le cas au début du christianisme, de la part des frères juifs d’abord, puis des païens. « Ne craignez pas ! » leur dit-il à plusieurs reprises (366 fois dans la Bible, autant que de jours d’une année bissextile !): l’Evangile viendra au grand jour pour tous ; vous êtes bien plus que votre corps et vos cheveux mêmes sont tous comptés par votre Père ! Il tient tellement à vous, alors n’ayez pas peur de vous prononcer, de vous déclarer (homologèsei) pour son Fils : mot à mot de « dire la même chose que son Fils ». 
Aujourd’hui encore, que de chrétiens sont persécutés pour leur seule adhésion au Christ, au risque de leur vie : celle du corps soma soma,  (ce par quoi l'homme s'exprime)  , mais non celle de l’âme, psukè,  (ce qui maintient une relation avec le Dieu de la vie). Comme Jérémie, ils ont remis leur cause en Dieu et ils peuvent Lui demander l’échec de leurs projets.

La deuxième phrase : “Celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux…” choque peut-être encore plus. Pourquoi Jésus l’a dite ?
D’abord, parce que dans la mentalité sémite, lorsqu’on affirme quelque chose d’important, on exprime la chose et son contraire : lier/délier pour St Pierre ; remettre/retenir pour les péchés ; croire/renoncer pour professer sa foi…
Mais plus certainement, parce que renier quelqu’un, c’est sérieux et c’est soi-même qui s’exclue de sa relation avec lui : Jésus ne fait que le reconnaître, sans doute, avec beaucoup de peine. Mais ne serait-ce pas précisément pour exprimer que nous sommes toujours libres de nous éloigner de Lui parce qu’Il nous respecte et ne veut de notre part qu’un amour vrai et libre. Nous pouvons de fait dire : « Je renie, je ne connais pas cet homme ». Jésus en fera-t-il vraiment autant ?
 Il ne peut nous échapper qu’un certain Simon-Pierre a bien proclamé par trois fois « qu’il ne connaissait pas cet homme » Mt 26,72. Et pourtant, Jésus le rejoint et par trois fois le sollicite : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? ».
Il n’y a donc pas dans ces paroles de Jésus une incitation qu’il nous ferait pour adopter une attitude calculée dans la relation avec Lui, mais la demande pressante d’être tellement uni à Lui que nous n’en soyons jamais séparés.
Dieu compte sur notre témoignage, parole et vie, fussent-elles risquées, pour se faire connaître à tous : « Ce que vous entendez aux creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits » 

Quelle confiance nous fait-il ! Et si nous pouvions tenir à Lui comme Il tient à nous ?
AMEN !

vendredi 16 juin 2017

HOMELIE du SAINT-SACREMENT du Corps et du Sang du CHRIST Dt 8,2-3.14b-16a - Jn 6,51-56 - 18.06.2017



HOMELIE  du SAINT-SACREMENT du Corps et du Sang du CHRIST Dt 8,2-3.14b-16a - Jn 651-56
18.06.2017

         Le Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Christ, dans sa richesse insondable, comporte différents noms qui en traduisent des aspects particuliers qu’il est bon de rappeler. Eucharistie, sainte messe, Cène du Seigneur, fraction du pain, célébration eucharistique, mémorial de la passion, de la mort et de la résurrection du Seigneur, saint sacrifice, sainte et divine liturgie, saints mystères, communion et bien sûr, saint sacrement de l’autel. N°275
        Ce "sacrement des sacrements", Jésus l’a institué pour perpétuer au long des siècles jusqu’à sa venue le sacrifice de la Croix, confiant ainsi à son Eglise le mémorial de sa mort et de sa résurrection. Il est donc le signe de l’unité, le lien de la charité, le repas pascal, où l’on reçoit le Christ, où l’âme est comblée de grâce et où est donné le gage de la vie éternelle : voilà ce qui est écrit dans le catéchisme de l’Eglise Catholique. N°271.

        Mais revenons à la première lecture de ce dimanche où Moïse et le peuple hébreu arrivent aux portes de la Terre Promise après 40 ans d’errance dans le désert. Moïse invite à faire un retour en arrière. « Souviens-toi de la longue marche que tu as faite pendant 40 années… ».

         Faisons à notre tour ce retour en arrière sur notre vie, et tout particulièrement sur ce qui a trait aux étapes de notre vie chrétienne : baptême, communion, confirmation, pardon de Dieu : peut-être mariage ou même ordination. N’y aurait-il pas à reconnaître la présence du Seigneur à travers cette marche plus ou moins longue pendant laquelle Il nous aurait fait connaître la pauvreté dans les épreuves ; où nous aurions ressenti la faim d’autres nourritures que celles des biens de ce monde ; où Il nous a nourris d’une Parole sortie de sa bouche et où Il nous aurait peut-être même libérés d’un esclavage personnel, certes différent de celui d’Egypte, mais bien douloureux. N’oublions pas aussi les vrais moments de bonheur et de rencontres que nous avons pu goûter. Ne nous a-t-il pas désaltéré de l’eau du rocher qui est le Christ , la versant abondamment depuis le sacrifice de sa Croix ?
        C’est pour ce sacrifice que nous rendons grâce en nous unissant à Lui à chaque Eucharistie pour repartir et continuer notre marche en mangeant, non plus la manne comme les hébreux, mais en « mastiquant » le Corps du Christ, comme c’est écrit dans le texte original de St Jean. Pourquoi en mastiquant ? Parce qu’en célébrant la Pâque, les Juifs mangeaient l’Agneau Pascal en le mastiquant pour goûter la saveur de la libération de l’esclavage apporté par le Seigneur. Ne devons-nous pas goûter à notre tour la Vie et la libération que nous apporte “l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde” : Lui qui prend notre mal, nos péchés, pour nous en délivrer ?
       Rendons grâce de tout notre être, corps, cœur, esprit, âme à Celui qui nous aime jusqu’à se donner entièrement à nous et en nous et qui nous invite à faire Corps avec Lui et à « former un seul corps puisque nous avons part à un seul pain » (1 Corinthiens 10,17) !

AMEN !

jeudi 8 juin 2017

HOMELIE FÊTE de la TRINITE A – Jn 3,16-18 4 Juin 2017



HOMELIE FÊTE de la TRINITE A – Jn 3,16-18
4 Juin 2017
Un Dieu Trinité, pourquoi ?

Car personne n’est capable d’attribuer un nom à Dieu qui est au-dessus de toute parole, et si quelqu’un ose prétendre qu’il y en a un, il est atteint d’une folie mortelle. Ces mots : Père, Dieu, créateur, Seigneur et Maître ne sont pas des noms, mais des appellations motivées par ses bienfaits et par ses œuvres. Le mot Dieu n’est pas un nom, mais une approximation naturelle à l’homme pour désigner une chose inexplicable »  
St Justin, Rome 2ème siècle, Apologie pour les chrétiens.

Alors pourquoi les théologiens ont-ils inventé ce nom de Trinité, [Tri-Unitas=Trois en Un] pour parler de Dieu ?
Après les persécutions qui ont duré trois siècles, l’Eglise va être amenée à préciser ce en quoi elle croit. Il ne s’agit pas de retomber dans la présentation d’une trilogie de divinités païennes que la vie civile et religieuse vient d’abandonner en même temps que l’empereur Constantin, vers 313, Edit de Milan. Il s’agit, tout en gardant la fidélité à la Révélation, transmise dans la Sainte Ecriture (Dieu est Un, Dt 6,4), de tenir compte de la venue dans l’Histoire de Jésus, Christ et Seigneur, et de l’Esprit Saint de Dieu, qui se répand sur toute la terre et tous les peuples. Oui Dieu est UN, mais s’Il est l’Amour, comment peut-Il rester seul ? Et c’est la proposition faite par les Pères d’introduire la notion de “personne”, être unique, capable de relations, distinct au cœur même de l’intimité de Dieu : un seul Dieu en trois personnes, de même nature, non-créées…Nous entrons dans l’un des trois grands “Mystères” de notre foi : Incarnation, Rédemption et Trinité. C’est à dire que nous n’aurons jamais fini de comprendre qui est Dieu. Alors, pourquoi se casser la tête ?
Eh bien je pense que ça vaut le coup de s’arrêter un instant sur cette proposition de foi en Dieu. Un Dieu seul, on peut l’enfermer dans une définition, une conception qui peut devenir vite oppressante, exclusive : Dieu de justice, Dieu tout-puissant, Dieu éternel…Elles rejoignent volontiers nos frustrations, nos limites pour les transcender en Dieu, qui est forcément “avec nous” (Gott mit uns !), de notre côté…
Dieu n’est pas pour le chrétien une idée,  pas plus qu’Il n’est le “Dieu du Livre” : il est quelqu’un de vivant, qui a fait alliance avec les hommes et leur parle à travers de nombreux personnages. Il entretient avec son peuple et avec chacun une relation personnelle, jusqu’à la réaliser en son Fils venu “planter sa tente” parmi nous. C’est la grande différence que nous avons avec le Dieu des musulmans qui n’a fait alliance avec qui que ce soit.
         De plus, avec Dieu Trinité, nous avons un Dieu en Trois personnes unies dans une relation d’amour incessante qui nous empêche de l’enfermer dans une idéologie quelconque, car Il est un courant de Vie. Et si nous prenons au sérieux les premières paroles de la Bible qui nous définissent, nous les hommes, “comme créés à son image, comme sa ressemblance”, alors il existe en nous, inscrit dans notre nature, cette nécessité, cette exigence de vivre en relation avec les autres, sans laquelle il ne peut y avoir de vrai bonheur. La Trinité Sainte, loin d’être une simple notion théologique, est ce “Dieu tendre et miséricordieux” (Ex 34,6) déjà révélé à Moïse au Sinaï et rappelé par St Jean dans l’Evangile d’aujourd’hui : “Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils Unique” et tout homme qui croit… entrera dans la vie de Dieu… par l’Esprit Saint. De plus, ce Dieu ne veut pas “juger le monde, mais le sauver par son Fils”.
Ce qui sauve, c’est de croire, c’est à dire d’accueillir de don de Dieu, cet Amour de Dieu : le laisser nous envahir, pour qu’il nous imprègne et nous transforme, pour qu’Il nous “divinise” à son image et ressemblance ! Cela se vérifie par l’amour que nous portons aux autres.
S’il y a jugement, c’est pour nous inviter à prendre conscience de notre refus de croire en la miséricorde de Dieu qui, pourtant, nous recrée et nous demande de vivre en lien fraternel avec les autres. Ainsi, nous éviterons le malheur de rester seul, sans amour : tout le contraire de la vie du Dieu Trinité qui nous est offerte.   AMEN !