mardi 20 juin 2023

HOMÉLIE 12ème Dimanche Ordinaire A –« N’ayez pas peur » Mt 10,26-33 - 25 Juin 2023

 

HOMÉLIE  12ème Dimanche Ordinaire A – Mt 10,26-33

25 Juin 2023

« N’ayez pas peur » Mt 10,26

Le jour même où seront ordonnés prêtres, dans notre diocèse de Versailles, Vincent DUCHÊNE et Benjamin ROUAUD, nous entendons Jésus s’adressant aux Apôtres leur dire de ne pas avoir peur ! « Ne craignez pas ! » (366 fois dans la Bible, autant de jours qu’une année bissextile !). Il nous faut saluer leur courage et prier très fort pour eux.

Cette crainte peut également nous gagner lorsque nous rencontrons l’indifférence, la tendance à tourner au ridicule le message du Christ, nos attitudes croyantes ou même l’hostilité de ceux qui se croient dans la “vraie vie”, celle des branchés, des forts, des gagnants et qui s’éloigneront de nous comme gênants, à ne pas trop fréquenter, catalogués comme cathos ou ringards.

Cette crainte est tout à fait naturelle et a touché la Vierge Marie à l’annonce de l’ange ; Pierre à la Transfiguration mais aussi au moment de la condamnation de Jésus par les chefs religieux du peuple et qui l’a fait renier son maître. C’est que l’Évangile, qui annonce pourtant une "Bonne Nouvelle", appelle aussi à un changement personnel, dans notre  façon de vivre et de parler, qui rencontre inévitablement des résistances et des oppositions. Notre crainte va-t­-elle limiter, voire réduire l’expression de notre foi à un comportement fade bien loin du désir du Seigneur que nous soyons "sel de la terre" ? (Mt 5,13).

La confiance de savoir Jésus à nos côtés, avec la présence de son Esprit Saint, peut chasser cette crainte et nous entraine à discerner ce qu’il convient de faire.

St Pierre recommandait déjà aux premiers chrétiens « d’être toujours prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en vous » (1 P 3,15). Et je crois que c’est Paul VI qui invitait à témoigner ainsi : « Ne parle que si l’on t’interroge, mais vit de façon à ce qu’on t’interroge » et au Conseil des laïcs en 1974, il disait : « Le monde n’a pas besoin de maîtres mais de témoins. Ils suivront des maîtres lorsqu’ils seront des témoins ». Devenons des témoins nourris de la Parole de Dieu qui agit en nous, solidaires du Christ qui ne fait qu’un avec chacun de nous.

Nos cheveux ne sont-ils pas tous comptés ?

AMEN !

jeudi 15 juin 2023

HOMÉLIE 11ème Dimanche Ordinaire A – "Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson" Mt 9,36-10,8 - 18 Juin 2023

 

HOMÉLIE  11ème Dimanche Ordinaire A – Mt 9,36-10,8

18 Juin 2023

 

« Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » Mt 9,38

Ce qui frappe tout d’abord dans ce récit, c’est « Jésus qui est saisi de compassion ». Le texte original est très fort : mot à mot, "Jésus est ému aux entrailles". C’est dire sa souffrance envers ces foules « qui étaient harassées et abattues comme des brebis sans berger.» Çà ne sera pas la première fois.

De nouveau, aux foules qui le cherchent pour Lui présenter leurs malades et infirmes, Il les guérit, alors qu’Il s’est lui-même retiré dans un endroit désert après la décapitation de Jean-Baptiste (Mt 14,14). De même, lorsque les foules l’ont suivi et écouté trois jours durant, Jésus s’aperçoit qu’elles n’ont rien mangé car l’endroit était désert. Alors, il invoque son Père et multiplie les pains pour qu’elles soient rassasiées (Mt 15,37).

C’est également envers des personnes marquées par une grande souffrance qu’Il est "ému aux entrailles". Envers deux aveugles à Jéricho qui l’ont suivi et qu’Il guérit (Mt 20,24).

Envers un lépreux tombé à ses genoux auquel Il tend la main, le touche te le purifie (Mc 1,41) et aussi envers le père d’un enfant muet et possédé en (Mc 9,22)

Enfin bien sûr, envers la veuve de Naïm, en pleurs, allant porter son fils unique en terre. Touchant le cercueil, Il dit au jeune homme : « Jeune homme, je te l’ordonne, réveille-toi ! » et le rendit à sa mère. (Lc 7,13).

D’autres comme Jésus sont "émus aux entrailles", plein de compassion : comme le samaritain, qui secourt l’homme tombé aux mains de brigands. (Lc10, 33). Ou encore comme ce père de l’enfant prodigue qui revient à la maison et qu’il serre dans ses bras. (Lc 15,20).

En fait, Jésus ne fait que montrer la compassion que Dieu exerce depuis toujours envers son peuple et envers les pauvres. En Exode, Dieu se présente à Moïse comme « le Seigneur, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté… » (Ex 34,6) ; « Cieux, criez de joie ! Terre exulte ! Montagnes éclatez en cris de joie ! Car le Seigneur console son peuple, de ses pauvres Il a compassion ». (Is 49.13)

Si Dieu est si compatissant, pourquoi alors Jésus demande-t-Il à ses Apôtres «  de ne pas prendre le chemin qui mène vers les nations païennes et d’entrer dans aucune ville des Samaritains ? ». La compassion de Dieu ne serait-elle pas destinée à ces catégories d’humains ?

C’est mal connaître les désirs de Dieu exprimés dans le même passage d’Isaïe que je viens de citer : « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49,6). Oui, vraiment, Dieu s’intéresse à tous les peuples, mais en vertu du choix qu’Il a fait de ce petit peuple hébreu et des promesses qu’Il lui a faites, il doit recevoir le premier l’offre du salut messianique qu’apporte le Christ et que Lui-même a chargé ses Apôtres d’annoncer. Après sa mort et sa résurrection et le souffle de la Pentecôte, ces mêmes apôtres partiront dans toutes les directions pour porter la Bonne Nouvelle.

À nous aujourd’hui de goûter d’abord la compassion, la miséricorde et la tendresse de Dieu pour chacun de nous, puis de la porter ou de la révéler à ceux que nous rencontrons, particulièrement à ceux que l’on ne regarde pas habituellement ou qui vivent dans l’épreuve.

Prions Jésus Lui-même dont nous avons célébré ce Vendredi la Fête du Sacré-Cœur, "Lui qui est doux et humble de cœur"

AMEN !

mercredi 7 juin 2023

HOMÉLIE du Dimanche de la FÊTE du CORPS et du SANG du CHRIST Jn 6,51-58 - 11 Juin 2023

 

HOMÉLIE Dimanche de la FÊTE du CORPS et du SANG du CHRIST

Jn 6,51-58 - 11 Juin 2023

 

 « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle… » Ces paroles, si elles sont prises au premier degré, sont choquantes et incompréhensibles. L’expression “boire le sang” viole l’un des tabous alimentaires les plus forts de la Loi juive (la kascheroute) : interdiction absolue de s’approprier le sang d’un animal et à plus forte raison d’un homme. Le sang, c’est la vie (Lévitique 7,11) et la vie appartient à Dieu. On comprend que cela en ait rebuté plus d’un.

Alors comment comprendre ces paroles et que croyons-nous lorsque nous allons recevoir le Corps du Christ ?

Quelques précisions de vocabulaire pourront les éclairer et en faire saisir la profondeur et le don incroyable que nous fait le Seigneur.

 

                   Contrairement aux trois autres Évangiles ainsi que Paul, l’Évangile de Jean n’emploie pas le mot corps “soma” [swma], ce par quoi l’homme entre en relation avec les autres et l’univers, qui nous sollicite tant aujourd’hui et nous impose des règles sanitaires. Il emploie le mot chair “sarx”, [sarx]. Dans la Bible ce mot désigne non pas la matière faite de cellules, mais la personne qui est déterminée par son corps. « Toute chair verra le salut de Dieu »  « De nouvelle lune en nouvelle lune, et de sabbat en sabbat, toute chair viendra se prosterner devant ma face, dit Yahvé. » (Is 66, 23) et « Et si ces jours-là n’étaient abrégés, personne (mot à mot : toute chair) n’aurait la vie sauve ». (Mt 24,22) La chair  qualifie la condition terrestre et fragile, par opposition à l’esprit qui indique l’origine céleste ou divine : « Le Verbe s’est fait chair…, exprime l’abaissement du Fils du Père qui prend, sans tricher, notre condition d’homme avec ses limites.

                   Enfin, la chair, sous l’influence de l’hellénisme, désigne parfois la pesanteur de l’homme et sa propension au mal, au péché : « Car la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair; il y a entre eux antagonisme, si bien que vous ne faites pas ce que vous voudriez » (Ga 5, 17)

         Quant au mot corps, il n’est pas sans signification non plus. Il n’est pas seulement la matérialité d’un être. C’est lui qui nous donne notre identité. Il y avait, jusqu’à il y a quelque temps, l’empreinte digitale ; il y a maintenant l’œil avec la reconnaissance faciale et évidemment l’ADN ! Je suis mon corps ! Quant au sang, il exprime évidemment la vie puisque sans lui, nous sommes morts. Quand Jésus dit aux Apôtres : « Ceci est mon Corps » Il dit : « Ce pain, c’est moi, et non un autre ! Quand Il dit : « Ceci est mon sang » Il dit : « Ce vin, c’est moi vivant ! ». Par ce langage symbolique, Jésus invite les siens à Le recevoir, Lui, Dieu, et à recevoir la vie qu’Il communique de sorte que nous pourrons, avec Lui, “livrer” notre vie, ce qui n’est pas le plus facile à faire.

                   Les paroles de Jésus portent encore un autre symbolisme très fort. Il est le Pain vivant : Il n’est plus ce pain que Dieu a donné chaque jour à son peuple, la manne, tout au long de son Exode pour le soutenir dans sa marche et le nourrir jusque la Terre Promise où il ne sera plus nécessaire. Il est le « Pain descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ». Désirons-nous vraiment cette nourriture essentielle pour notre chemin sur la terre ? Ce pain qu’Il nous donne « pour que nous vivions éternellement »  jusqu’à ce que nous soyons arrivés au terme de notre vie, c'est-à-dire en Terre Promise ?  « Donne-nous notre pain de ce jour » demandons–nous dans le Notre Père. (Il est même écrit, mot à mot : Donne-nous le pain supersubstanciel). Il est tellement essentiel que Jésus ne nous demande pas seulement de le “manger” [fagon] mais de le “mastiquer” [Trwgon], comme les juifs étaient invités à mastiquer la chair de l’Agneau pascal pour goûter la libération d’Égypte que le Seigneur leur offrait. Ne devons-nous pas goûter à notre tour la libération que nous apporte “l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde” : Lui qui prend notre mal, nos péchés, pour nous en délivrer ?

                   Rendons grâce de tout notre être : corps, cœur, esprit, âme à Celui qui nous aime jusqu’à se donner entièrement à nous et en nous et qui nous invite à faire Corps avec Lui et à « former un seul corps puisque nous avons part à un seul pain » (1 Corinthiens 10,17) !

AMEN !