HOMÉLIE 3ème Dimanche Carême C Luc 13, 1-9 –
19 mars 2022
Des faits divers qui appellent à la conversion :
Mais quelle conversion ?
On vient rapporter à Jésus l’événement tragique des Galiléens massacrés par les soldats de Pilate, tandis qu’ils offraient un sacrifice. Jésus pose alors à ses auditeurs la question : « Pensez-vous que ces Galiléens étaient plus pécheurs que tous les autres… ? » Et il fait aussitôt allusion à un autre événement tragique, celui de la tour de Siloë qui s’est écroulée entraînant la mort de dix-huit habitants de Jérusalem. St Luc est le seul évangéliste à relater cet épisode de la vie de Jésus. Sans doute, parce que, Luc, grec, originaire d’un monde païen où les dieux étaient pourvoyeurs de bienfaits, tout malheur était considéré comme une malédiction de leur part. Les juifs, comme les Apôtres n’étaient pas étrangers à cette manière de penser, qui attribuait toute maladie ou malheur à un péché commis par celui qui en était atteint ou même son entourage. Cela nous est relaté par St Jean, dans le récit de la guérison de l’aveugle-né, où surgit la question des Apôtres : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? ».(Jn 9,2). « Ni lui, ni ses parents ! » Répondra Jésus.
Quelle représentation ont-ils de Dieu ? Un juge qui rétribue de façon implacable ? Ces malheurs ne sont-ils pas le fait de châtiments divins qui tombent sur des pécheurs ? Et le fait d’en être épargnés eux-mêmes ne les rassure-il pas sur leur propre “justice” ?
Ces tragédies rejoignent l’innombrable série des catastrophes rapportées par les médias pour lesquelles beaucoup cherchent des explications. Et lorsqu’ils n’en trouvent pas, ils sont tentés de mettre Dieu en cause : soit qu’Il punit, soit qu’Il ne nous aime pas ou qu’Il n’existe pas !
La pensée de Jésus est totalement autre. Il n’y a pas de lien direct de la part de Dieu entre le malheur et le péché : non ! Les Galiléens massacrés n’étaient pas plus pécheurs que les autres Galiléens ! Non ! Les habitants morts à Jérusalem sous la tour de Siloë n’étaient pas plus coupables que les autres habitants de Jérusalem ! Par contre, ces événements sont pour Jésus une invitation pressante à se convertir : mais que faut-il convertir ?
La parabole du figuier qui ne donne pas de fruit va nous éclairer. Raisonnablement, un arbre qui ne donne pas de fruit au bout de trois ans épuise le sol et n’est bon qu’à être coupé. Quelqu’un de pécheur et qui ne se repent pas, doit être éliminé d’une façon ou d’une autre, semblent sous-entendre les gens rapporteurs du massacre des Galiléens par Pilate. Alors, à travers l’image de ce vigneron qui réclame un délai pour ce figuier, Dieu est tout à la différence de ce propriétaire impatient, qui exige des fruits. En effet, pour Jésus, il en est tout autrement : « Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il vive… » (Ézéchiel 18, 23). Lui sait attendre patiemment que le pécheur change, et Il lui apporte ce qu’il lui faut, espérant qu’il pourra se transformer et porter du fruit
« Si vous ne vous convertissez pas… » Quelle conversion faut-il donc faire ? N’est-ce pas celle qui porte sur notre image de Dieu ? Ne faut-il pas changer notre représentation d’un Dieu punisseur en un Dieu tel que le Psaume 102 de ce Dimanche nous le présente « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère et plein d’amour » et tel que Jésus nous le manifeste jusque sur la Croix, pardonnant à ses ennemis et accueillant le bon larron ? Sinon, nous mourrons spirituellement, comme cette part d’humanité qui ne fait pas confiance à Dieu et le rejette en déformant ce qu’Il est et ses desseins bienveillants pour elle. Voilà ce qu’il nous faut convertir : une fausse image de Dieu, fabriquée par nos manières toutes humaines de voir les choses et les êtres.
Il est vrai que les malheurs peuvent ébranler notre foi en Lui : en fait, ils pourraient nous aider à détruire l’image païenne, que nous avons toujours au fond de nous-mêmes, celle, séduisante, d’un dieu pourvoyeur inlassable de bienfaits, qui est la solution à tous nos problèmes, souffrances et malheurs. Comment se présente-t-Il à Moïse ? Il voit, Il entend et connaît les souffrances de son peuple (Exode 3,7) et Il l’accompagne : Il est résolument avec nous contre tout mal, Lui qui n’est qu’amour. Jésus ne donne pas de réponse au mystère du mal : il demande simplement que nous reconnaissions que les événements tragiques nous échappent bien souvent et que nous n’en sommes pas les maîtres ; il nous invite à les traverser sans jamais en attribuer la cause à Dieu et sans perdre confiance en son Amour infini. Plus encore : Il est avec nous pour les traverser comme Il l’a promis à ses Apôtres en les quittant. (Mt 28,20)
Alors, plutôt que de s’en prendre à Dieu, offrons-lui nos mains, la générosité de nos cœurs et l’intelligence à trouver des solutions et des moyens pour aider ceux qui souffrent et être Sa Présence à côté d’eux.
AMEN !
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