HOMELIE 25ème Dimanche Ordinaire C - Lc
16,1-13,
22 Septembre 2019
L’argent
trompeur
La plupart des paraboles de Jésus mettent à l’épreuve notre sagesse
toute humaine. Pourquoi donc nous présente-t-il en exemple la réaction
très étonnante d’un maître trompé et volé par son gérant qui a falsifié les
factures des clients de son maître ?
Cet homme riche ne loue pas la malhonnêteté, la rouerie de son
gérant, compétent en affaire. Il fait plutôt l’éloge de son habileté. Face à son renvoi, qui le laisserait dans
le dénuement, le gérant se montre “avisé”.
N’est-ce pas ce que recommande Jésus à ses disciples lorsqu’il les envoie en
Mission ? « Voici que moi, je vous envoie comme des brebis au milieu des
loups; soyez donc “avisés ” "Fronimos"
comme les serpents et candides comme les colombes ». (Matthieu 10, 16).
En quoi ce « fils de ce monde » serait-il plus avisé que les « fils
de lumière » ? Il a pris les richesses non comme une fin en
elles-mêmes, mais comme un moyen
pour se faire des amis lorsqu’elles viendront à lui manquer. Là encore,
n’est-ce pas ce que recommande Jésus pour clore cette parabole : « Eh
bien! Moi, je vous dis: faites-vous des amis avec l'Argent trompeur pour qu'une
fois celui-ci disparu, ces amis vous accueillent dans les demeures
éternelles. » (Luc 16, 9).
Cependant,
Jésus ne parle plus de richesse mais de “l’argent trompeur” et il utilise un
terme qui est plein de signification. Le mot argent vient du grec “arguros” désignant
également le métal argent. Mais ici, Jésus emploie le mot araméen “Mamôn”. C’est, pour les païens, le dieu de la richesse. La racine de
ce mot est “aman”,
qui exprime “ce qui supporte, sur lequel on peut s’appuyer” ; “ce qui est
sûr, qui a fait ses preuves, à qui l’on peut se fier, qui résiste au temps et
dure”. Cette racine primaire a donné d’autres mots hébreux : “amen” d’où vient aussi “émouna”, la fidélité et même “émeth”, la vérité, la
sûreté. Jésus associe à Mamôn le qualificatif de trompeur, de malhonnête, injuste, l’opposé
même de ce que suggère le mot rassurant de Mamôn. Il ne donne en effet qu’une pseudo-assurance. Pris comme un dieu,
un absolu, il est comme un leurre puisqu’il peut venir à
manquer. Il se montre alors trompeur, faux, et conduit à la désillusion, voire
au désespoir si l’on s’y est trop attaché.
Ces propos rejoignent bien d’autres passages de l’Évangile où Jésus
met en garde contre les richesses trompeuses et ce tyran qui rend esclave. « Et
quel avantage l'homme a-t-il à gagner le monde entier, s'il se perd ou se ruine
lui-même ? » (Luc 9,25) et aussi : « Mais Dieu lui dit:
Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme. Et ce que tu as amassé,
qui l'aura? Ainsi en est-il de celui qui
thésaurise pour lui-même, au lieu de s'enrichir en vue de Dieu. »
(Luc 12,20-21).
Ne croyons pas être
si insensibles ou invulnérables face à l’attrait de l’argent. Il fascine comme
un faux dieu par toute sorte de chemins : compte en banque, boursicotage,
actions, obligations et surtout, jeux d’argent aux gains mirifiques qui ruinent
les petits revenus. Et puis, il donne ce sentiment de puissance qui peut tout
en achetant tout, parfois même les personnes ! Jésus non seulement nous
invite à prendre du recul par rapport aux richesses et à l’argent, mais il est
plus radical : il nous dit bien
qu’on ne peut servir deux maîtres, si opposés l’un à l’autre : l’AMEN, Dieu qui est éternellement
fidèle, juste et bon, présent, et MAMON,
le trompeur.
Que l’argent, certes
nécessaire, reste véritablement pour nous un moyen; que nous en soyons les “gérants” responsables qui alimentent, à la
manière d’un “gérant avisé”, notre trésor qui se trouve “dans les tentes
éternelles”. Nous irons certes à contre-courant de l’opinion commune. Jésus
lui aussi a affronté la dérision et, particulièrement, de ceux dont on s’y
attendait le moins. Dans le verset qui suit l’évangile de ce jour, il est dit
que les pharisiens, ces hommes religieux, (étymologiquement, “séparés” du
peuple parce que observant scrupuleusement les préceptes de la Loi) étaient
“amis de l’argent” et ils se moquaient
de Jésus. « Jésus leur dit: " Vous, vous montrez votre justice aux yeux
des hommes, mais Dieu connaît vos cœurs : ce qui pour les hommes est supérieur
est une horreur aux yeux de Dieu. (Luc 16,15).
AMEN !
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