HOMELIE 1er
DIMANCHE CAREME– A – Mt 4,1-11
5 Mars 2017
En ce 1er Dimanche de Carême,
alors que nous sommes invités à monter vers Pâques, l’Eglise propose à notre
méditation les tentations du Christ. Elles sont présentées par St Matthieu juste à la suite
de son Baptême dans le Jourdain. Il vient de recevoir l’Esprit qui le conduit
au désert.
Comme les hébreux dans le désert, Jésus a faim : Comment
réagit-il ? Il se réfère à la
Parole de Dieu, celle précisément qui donne le sens de l’épreuve que les
hébreux traversent. : Dt 8, 3
“ Il t'a humilié, [mot à mot : “t’a rendu pauvre], il
t'a fait sentir la faim, il t'a donné à manger la manne que ni toi ni tes pères
n'aviez connue, pour te montrer que
l'homme ne vit pas seulement de pain, mais que l'homme vit de tout ce qui sort
de la bouche de Yahvé”.
Nos
contemporains, comme nous-mêmes, sommes exposés à cette tentation de ne
rechercher que les nourritures terrestres. Certains le sont en raison de leur
précarité, au point que cette préoccupation les obsède dès le matin ;
d’autres plus aisés, sont avides de confort et de moyens de plus en plus grands
ou sophistiqués, jamais satisfaits, tant est vaste dans nos pays riches, le
champ des biens proposés et accessibles. Jésus nous sauve d’un horizon bouché
sur l’ “avoir”. Jésus nous rappelle
que nous sommes appelés à “être”,
pour nous donner et accueillir ; et pour “être”, il faut se nourrir de
Celui qui EST par excellence et qui s’est fait Pain de la Parole et Pain de
vie, qui nous sont offerts aux deux tables de l’Eucharistie. N’est-ce pas ce
que Jésus Lui-même nous a appris à demander, dans le Notre Père, le pain “supersubstanciel”, l’Eucharistie,
indiquera Tertullien, théologien en l’an 200 dans son traité sur la prière, ch.
6. ainsi que St Cyprien et Origène au IIIème siècle et récemment Benoît XVI
dans son livre sur "Jésus de Nazareth" (Tome 1 p.178).
A la deuxième
tentation, le tentateur pousse
Jésus à provoquer Dieu: il s’agit bien alors de la tenter Dieu. C’est courant dans la Bible : tenter Dieu, c’est
le mettre au défi d’intervenir pour qu’Il prouve son existence. C’est ce qu’ont
fait les hébreux dans le désert. Le lieu par excellence de cette tentation est Massa, où le peuple meurt de soif et se
rebelle ; pourtant Dieu leur avait fait passer la Mer Rouge, avait adouci
l’eau à Mara, leur avait donné les cailles puis la manne : Ex 17, 7 : « [Moïse]
donna à ce lieu le nom de Massa [ en araméen, tentation, épreuve ] et Meriba, parce que les
enfants d'Israël avaient contesté, et parce qu'ils avaient tenté Yahvé, en disant: Yahvé
est-il au milieu de nous, oui ou non ? ».
Tenter
Dieu peut se faire de deux façons. Ou bien on Lui désobéit pour tester sa
patience, ou bien on le met en demeure d’exercer sa puissance dans un but
intéressé. Mais plus cachée est l’attitude de beaucoup de nos contemporains qui
mettent en doute l’existence de Dieu face aux malheurs partout présents sur
notre planète (morts prématurées, cataclysmes, guerres, souffrances des
innocents…). Ne nous arrive-t-il pas quand les choses ne vont pas comme nous le
souhaiterions et qu’une épreuve sérieuse se présente, d’en vouloir à
Dieu ? Jésus pose un interdit absolu face à Dieu, que nous connaissons si mal et “ dont les pensées ne sont pas
nos pensées, et les chemins ne sont pas nos chemins” Is 55, 8. Jésus Lui-même ne nous a-t-Il
pas appris à demander dans le Notre Père: « Ne nous laisse pas te
provoquer », que nous prions malheureusement avec une traduction très
contestable : « Ne nous soumets
pas à la tentation » puisque Dieu ne tente jamais personne, écrit
saint Jacques
dans sa lettre : Jc 1, 13.
Enfin,
à la troisième tentation, le tentateur
propose à Jésus de l’adorer, en contrepartie d’un pouvoir tout puissant
sur le monde (qu’il n’a d’ailleurs pas, mais il est menteur et père du mensonge,
dira Jésus : Jn 8,44). Qu’est-ce qu’adorer, sinon reconnaître de façon
absolue quelqu’un et se soumettre à lui. Les hébreux ont connu, eux aussi,
cette tentation au désert. Tandis que Moïse, qui est monté sur le Sinaï pour
recevoir les 10 commandements, tarde à revenir, le peuple demande à Aaron de
lui faire un dieu et il façonne un veau d’or (cf. Ex 32, 1-4). Et pourtant Dieu
leur avait dit : Ex 20, 1 “Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma
face.” ». Quels sont nos
petits ou grands dieux ? Quelles sont nos idoles ? Choses ou
personnes, d’ailleurs, pour lesquelles nous sommes prêts à sacrifier
beaucoup ? Sont-elles compatibles avec un véritable amour de Dieu qui est
premier ? Que fait Jésus ? v. 10 : « Jésus lui dit: Retire-toi, Satan! Car il
est écrit: Tu adoreras le Seigneur, ton
Dieu, et tu le serviras lui seul. Il se réfère aux paroles du Deutéronome :
Dt 10, 20.
De fait,
s’Il nous demande d’adorer Dieu seul, c’est que Dieu seul est adorable, parce qu’Il n’est qu’Amour et que seul le véritable amour renonce à toute forme
de domination ou de demande de soumission qui aliénerait l’adorateur ;
mais tout au contraire, il recherche son bien. Jésus chasse Satan [en
hébreu : “adversaire, ennemi”]. Ne nous a-t-Il pas appris à demander dans
le Notre Père à prier Dieu qu’Il nous
délivre du Malin, du Satan ? Ainsi le Fils de Dieu, véritable Israël
tenté dans le désert, nous enseigne comment combattre le prince de ce monde en
restant près de Dieu, armé de sa Parole.
Bon Carême en préparation à
Pâques, libérés par le Christ !
AMEN
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