HOMELIE TOUSSAINT Mt.5,1-12a
– 1er Nov.2016
Les Béatitudes
Connaissez-vous dans la Bible
quelqu’un, suivi d’une foule, qui gravit une montagne et reçoit les “Dix
Paroles” ? Vous l’avez
tous deviné : Moïse, au Sinaï, sur le Mont Horeb. Eh bien l’évangéliste
Matthieu, au début du ministère de Jésus, va nous le présenter comme le nouveau
Moïse. Mais cette fois-ci, les Dix Paroles [que l’on appelle habituellement les
“Dix Commandements”, à cause de leur tournure impérative] prennent la forme de
dix propositions de chemin de bonheur. Voyons lesquelles.
Heureux
les pauvres de cœur ! Littéralement : “Heureux les humiliés du souffle”. Les pauvres,
ce sont les “dos courbés”, ceux qui ont été humiliés et qui n’ont rien… Cœur :
“pneuma”; Heureux ceux qui ont le
souffle court, et donc qui ne se gonflent pas d’orgueil, qui ne sont pas
remplis d’eux-mêmes : ils ont de la place pour Dieu et leurs
frères ! Cette béatitude
commande toutes les autres : elle est au présent, alors que la plupart des
autres sont au futur : “Le
Royaume des cieux est à eux”. Le Royaume
des cieux, c’est l’espace divin : ils sont donc dans cet espace-là et
Dieu leur est présent de façon invisible encore, mais bien réelle.
Heureux
les doux ! “praèi” Non pas les mous, mais ceux qui ne cherchent pas à
s’affirmer eux-mêmes et ne recherchent pas, encore moins, leur seul intérêt
propre, mais font attention à Dieu et aux autres ; savent renoncer à leur
droit, leur priorité ; cherchent à arrondir les angles, tant l’existence quotidienne
peut être faite de contrariétés diverses. Ils ne sont pas stressés : ils
obtiendront la Terre Promise, lieu du repos éternel.
Heureux
ceux qui pleurent ! Littéralement : “…Ceux
qui sont en deuil”. Car ils vivent un manque profond, et ce manque les
rendent aptes à chercher et accueillir ce qui les comblera définitivement :
“Ils seront consolés” Littéralement : Ils
auront la Consolation “Paraclèthèsountaï”
Vous reconnaissez le
mot Paraclet qui désigne en Israël à la fois le Messie (“Le vieillard Siméon [qui venait tous les jours prier
au Temple] attendait la
Consolation d’Israël” Luc 2, 25) et chez
les chrétiens, l’Esprit-Saint Lui-même, le Paraclet (Jn 14, 16.26). Il ne s’agit pas d’une promesse du
genre : “Pleure pas, ça va
passer ; après la pluie, le beau temps” mais d’une véritable promesse
théologale, divine, où Dieu
s’engage bien au-delà de ce que nous aurions pu attendre.
Heureux
ceux qui ont faim et soif de justice ! Il ne s’agit pas tant de la justice au sens habituel
du mot, (qui est régie par des lois pas toujours justes ou mal adaptées) mais
d’être “ajusté à Dieu” ; ceux qui cherchent à comprendre et faire sa
volonté, comme Jésus nous a invités à le demander dans le Notre Père.
Heureux
les miséricordieux ! “Eléèmonès” qui a donné en français : aumône ; aumônier
des hôpitaux, des galères…bref les miséricordieux sont ceux qui, comme
Dieu, compatissent à la
détresse humaine ; En latin, c’est beau aussi : misericors :“être de cœur avec la
misère des autres”
Heureux
les cœurs purs ! Littéralement : “Purs
[catharoï] de cœur” qui ne sont pas doubles ;
qui n’ont qu’un seul comportement avec Dieu comme avec les autres. Nets. “Que votre parole soit oui, oui !
non, non ! Tout le reste vient du mauvais” dira Jésus, dans le discours sur
la montagne qui va suivre en Mt 5, 37.
Heureux
les artisans de paix ! Ils seront appelés Fils de Dieu. Lorsque Jésus envoie les disciples deux par deux,
ils leur demandent de présenter à ceux à
qui ils vont s’adresser la Paix : Shalom ! Salam ! dit-on encore aujourd’hui en
Terre Sainte, là où elle fait actuellement cruellement défaut ; mais il
s’agit encore d’une autre paix, celle que Jésus présente aux Apôtres au soir de
la Résurrection : “La
Paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie”
Nous sommes mis au rang du Fils pour achever sa mission jusqu’à la fin
des temps : en cela, nous sommes
vraiment Fils de Dieu. La encore, c’est théologal.
La dernière béatitude “Heureux
serez-vous si l’on vous insulte…” et la finale : “Réjouissez-vous,
soyez dans l’allégresse…” [ce qui, tout compte fait, donne bien Dix Paroles de Jésus] sont là pour
parer à toute réaction naturelle face au scandale de ces Béatitudes : en
effet, ne prennent-elles pas à contre pieds et à rebrousse poils les
propositions de bonheur que le monde proclame sans cesse par toutes sortes de
médias ? Eh bien Jésus, au début de sa prédication, veut nous éviter
les fausses pistes du vrai bonheur.
Prendre
conscience de nos manques ; savoir que nous ne pouvons être heureux tout
seul ; que le Seigneur vient nous sauver, nous libérer de nos
enfermements, péché d’origine, s’il en est un ! Alors, que ces
béatitudes soient nos “Dix Paroles”, celles qui nous entraînent vers la vie et
Celui qui est la Vie. Heureux, “Makarios”
signifie aussi en grec, Bravo, ! Félicitations ! Vous avez tout
compris ! Et en hébreu : “Ashréi”
En marche ! Tous
ensemble, à la suite de tous les Saints, qui Lui ont fait confiance et ont reçu
en héritage la Terre Promise, AMEN !
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