HOMELIE Dimanche de
Pâques. Résurrection de Jésus Jn 20,1-9
20 Avril 2014
La Résurrection du Christ : il y a voir
et voir !
La
Résurrection de Jésus ne s’est pas manifestée de façon éclatante, comme
certains peintres l’ont imaginée (sur le retable d’Issenheim, à Colmar, par
exemple) : un bel homme, rayonnant de vie, aux plaies refermées,
jaillissant d’une tombe ouverte, auréolé de lumière ! L’Evangile de St
Jean nous y conduit de façon toute autre. La foi en la Résurrection naît en
quelques étapes que St Jean, par le choix du vocabulaire, semble indiquer.
Parcourrons le récit.
Tout
d’abord, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Le verbe utilisé ici
est blèpo,
blepw qui signifie voir-constater, qui donnerait lieu à un
procès-verbal décrivant ce que l’on
voit de nos yeux de chair. Elle ne va pas plus loin ; elle n’entre pas
pour chercher d’autres indices. Sur ce constat, elle en déduit qu’on a enlevé
du tombeau le Seigneur et s’engage sur une fausse piste. Ayant alerté les
Apôtres, Simon-Pierre et “le disciple que
Jésus aimait” sortent à leur tour et se mettent à courir vers le tombeau,
eux-mêmes intrigués.
v.5 - Le disciple arrive le premier, se penche
et voit (même verbe blèpo)
“les linges qui sont là, à plat” *. Nouveau constat, avec un nouvel
indice : les linges, à plat. Mais il n’entre pas.
v.6
- Simon-Pierre arrive à son tour: “Il
entre dans le tombeau et voit les linges, à plat v.7 et le tissu qui était sur
sa tête n’est pas à plat avec les linges, mais enroulé, lui, en place”*.
Le
verbe ici est théorao qewraw (qui a donné en
français : théorie, théoriser, théorème...) Il signifie : observer,
regarder attentivement, examiner, inspecter et même contempler. Simon-Pierre se
met donc à tenter de comprendre ce
qu’il voit, d’en chercher le sens.
v.8
- Entre alors l’autre disciple : “Il
vit et il crut”. Un troisième
verbe est utilisé : Orao – oraw [qui, sous une autre forme conjugale, a donné en français : ophtalmo]. Ce verbe signifie de façon
courante : voir, mais il a aussi le sens imagé de « voir avec les yeux de l’esprit, de
l’intelligence » c’est à dire comprendre.
D’ailleurs au verset suivant, v.9,
l’évangéliste commente : “ En
effet, ils n’avaient pas encore compris
l’Ecriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts”. Or
c’est le même verbe voir/orao qui
est traduit habituellement par comprendre.
Voilà
donc le chemin de la foi en la Résurrection de Jésus parcouru par
« le disciple que Jésus aimait » dont St Jean se fait le témoin,
comme pour nous inviter à le faire à notre tour. On ne peut croire en la
Résurrection s’il n’y a pas d’abord le constat
(blèpo) de la mort de Jésus selon
la chair. Suit
notre quête du sens (théorao)
de la vie et de la mort : nos intuitions d’une vie après la mort, bien que
nécessaires pour aller au-delà du croyable, ne suffisent pas pour croire : il faut voir (orao) au-delà du
visible.
A
tous ceux qui chercheraient des preuves de
la Résurrection, il leur est demandé de changer
leur manière de voir. “Moïse...en
homme qui voit (orao) l’invisible (a-oraton), tint ferme”
He 11, 27
A
tous ceux qui veulent croire, il leur est demandé de partir de la réalité visible de l’existence pour accéder, grâce au
témoignage de l’Ecriture accueilli en communautés ecclésiales, à la réalité invisible qui ne se
confond pas avec nos imaginaires, tentés par nos délires. (cf. les tentatives
sectaires ou à mouvance New Age).
L’Evangile de St Jean ne compte que 7 récits de signes/miracles. « Jésus a fait encore, en présence de ses
disciples, beaucoup d'autres miracles (shmeiwn, semeion=signe), qui ne sont pas écrits dans ce
livre. Mais ces choses ont été écrites afin
que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom »
(Jn 20, 30-31).
Croire, c’est passer du voir-avec-nos-yeux-de-chair Celui qui s’est
fait chair pour nous au voir Celui qui est le Christ, le Fils de Dieu, non
sans chercher à comprendre, comme Simon-Pierre.
Ce désir de voir n’est
pas vain. N’est-ce pas pour cela qu’Il
s’est fait voir : “Qui me voit, voit le Père” (Jn 14,
9) répond Jésus à Philippe à la veille de sa mort ; c’est pour cela encore
qu’il se donnera à voir aux Apôtres
et à Thomas en particulier, après sa
Résurrection afin qu’ils portent leur témoignage. Ce qui n’empêchera pas Jésus
de louer ceux qui ne pourront être les témoins privilégiés de ce voir : « Parce que tu m’as vu, tu
as cru ; bienheureux ceux qui n’ont
pas vu et qui ont cru » Jn 20, 28.
AMEN !
*
Evangile dans la traduction de sœur Jeanne d’Arc, Ed. Desclée de Brouwer.
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