HOMELIE 1er
DIMANCHE CAREME– Année A
9 Mars 2014
Les tentations du Christ nous montrent le combat qu’Il
reprendra à l’agonie (le grec agônia agwnia, veut
dire précisément “lutte”). Cela peut nous aider à “être
tentés sans succomber à la tentation”.
1ère Tentation : Jésus a faim Comme
les hébreux dans le désert, Jésus est éprouvé : Comment
réagit-il ? Il se réfère à la
Parole de Dieu, celle précisément qui donne le sens de l’épreuve que les
hébreux traversent. : Dt 8, 3
“ Il t'a humilié, [mot à mot : “t’a rendu pauvre”, “anav” même racine
que anavim, “les pauvres de Dieu”], il t'a fait sentir la faim, il t'a donné à
manger la manne que ni toi ni tes pères n'aviez connue, pour te montrer que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais que
l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche de Yahvé”.
Nos
contemporains, comme nous-mêmes, sommes exposés à cette tentation de ne
rechercher que les nourritures terrestres. Certains le sont en raison de leur
précarité, au point que cette préoccupation les obsède dès le matin ;
d’autres plus aisés, sont avides de confort et de moyens de plus en plus grands
ou sophistiqués, jamais satisfaits, tant est vaste dans nos pays riches, le
champ des biens proposés et accessibles. Jésus nous sauve d’un horizon bouché
sur l’ “avoir” : par amour,
nous sommes parfois tentés de donner des choses au lieu de nous donner
nous-mêmes. Jésus nous rappelle que nous sommes appelés à “être” , pour nous donner et
accueillir ; et pour “être”, il faut se nourrir de Celui qui EST
par excellence et qui s’est fait Pain de la Parole et Pain de vie, qui nous
sont offerts aux deux tables de l’Eucharistie. N’est-ce pas ce que Jésus
Lui-même nous a appris à demander, dans le Notre Père, le pain “supersubstanciel”, l’Eucharistie, indiquera Tertullien,
théologien en l’an 200 dans son traité sur la prière, ch. 6.
Deuxième tentation : Cette fois-ci, le tentateur pousse Jésus à provoquer Dieu:
il s’agit bien alors de la tentation de
Dieu. Elle est bien courante dans la Bible : tenter Dieu, c’est le
mettre au défi d’intervenir pour qu’Il prouve son existence. C’est ce
qu’ont fait les hébreux dans le désert. Le lieu par excellence de cette
tentation est Massa, où le peuple
meurt de soif et se rebelle ; pourtant Dieu leur avait fait passer la Mer Rouge, avait adouci
l’eau à Mara, leur avait donné les cailles puis la manne : Ex 17, 7 : « [Moïse]
donna à ce lieu le nom de Massa [ en araméen, tentation, épreuve ] et Meriba, parce que les
enfants d'Israël avaient contesté, et parce qu'ils avaient tenté Yahvé, en disant: Yahvé
est-il au milieu de nous, ou n'y est-il pas? ».
Tenter
Dieu peut se faire de deux façons. Ou bien on Lui désobéit pour tester sa
patience, ou bien on use de sa bonté dans un but intéressé. Mais plus
cachée est l’attitude de beaucoup de nos
contemporains qui mettent en doute l’existence de Dieu face aux malheurs
partout présents sur notre planète (morts prématurées, cataclysmes, souffrances
des innocents…). Ne nous arrive-t-il pas quand les choses ne vont pas comme
nous le souhaiterions et qu’une épreuve sérieuse se présente, d’en vouloir à
Dieu ? Jésus pose un interdit absolu face à Dieu, que nous connaissons si mal et “ dont les pensées ne sont pas
nos pensées, et les chemins ne sont pas nos chemins” Is 55, 8. Jésus Lui-même ne nous a-t-Il
pas appris à demander dans le Notre Père: « Ne nous laisse pas te
provoquer », que nous prions malheureusement avec une expression
très contestable : « Ne nous
soumets pas à la tentation » puisque Dieu ne tente jamais
personne écrit saint
Jacques dans sa lettre : Jc 1, 13.
La troisième tentation : Le tentateur propose à Jésus de l’adorer, en contrepartie d’un
pouvoir tout puissant sur le monde (qu’il n’a d’ailleurs pas, mais il est
menteur et père du mensonge, dira Jésus…). Qu’est-ce qu’adorer, sinon
reconnaître de façon absolue quelqu’un et se soumettre à lui. Les hébreux ont
connu, eux aussi, cette tentation au désert : Le peuple demande à Aaron de
lui faire un dieu et il façonne un veau d’or (cf. Ex 32, 1-4). Et pourtant Dieu
leur avait dit : Ex 20, 1 “Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma
face.” ». Quels sont nos
petits ou grands dieux ? Quelles sont nos idoles ? Choses ou
personnes, d’ailleurs, pour lesquelles nous sommes prêts à sacrifier
beaucoup ? Sont-elles compatibles avec un véritable amour de Dieu qui est
premier ? Que fait Jésus ? v. 10 : « Jésus lui dit: Retire-toi, Satan! Car il
est écrit: Tu adoreras le Seigneur, ton
Dieu, et tu le serviras lui seul. Il se réfère aux paroles du Deutéronome :
Dt 10, 20.
De
fait, s’Il nous demande d’adorer Dieu seul, c’est que Dieu seul est adorable, parce qu’Il n’est qu’Amour et que seul le véritable amour renonce à toute forme
de domination ou de demande de soumission qui aliénerait l’adorateur ;
mais tout au contraire, il recherche son bien. Jésus chasse Satan [en
hébreu : “adversaire, ennemi”]. Ne nous a-t-Il pas appris à demander dans
le Notre Père à prier Dieu qu’Il nous
délivre du Malin, du Satan ? Ainsi le Fils de Dieu, véritable Israël
tenté dans le désert, nous enseigne comment combattre le prince de ce monde en
restant près de Dieu, gardant sa Parole.
Bon Carême en préparation à Pâques, libérés par le
Christ !
AMEN
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