dimanche 30 octobre 2022

HOMÉLIE TOUSSAINT- "Les Béatitudes" Mt.5, 1-12a – 1er Nov.2022

 

HOMÉLIE TOUSSAINT Mt.5, 1-12a – 1er Nov.2022

Les Béatitudes

 

         Qui sont les saints que nous célébrons aujourd’hui ? Dans leurs immenses diversités, ce sont ceux qui ont cru aux Paroles du Seigneur et qui ont mis en pratique au moins une de ces Béatitudes que nous venons d’entendre. Je vous propose de les écouter dans leur forme d’origine.

Heureux les pauvres de cœur ! Littéralement : “Heureux les humiliés du souffle” “pneuma” et non "cardia". Les pauvres, ce sont les “dos courbés”, ceux qui ont été humiliés et qui n’ont rien… Ils ont le souffle court, et donc ils ne se gonflent pas d’orgueil, ne sont pas remplis d’eux-mêmes : ils ont de la place pour Dieu et leurs frères ! Cette béatitude commande toutes les autres : elle est au présent, alors que la plupart des autres sont au futur : “Le Royaume des cieux est à eux”.  Le Royaume des cieux, c’est l’espace divin : ils sont donc dans cet espace-là et Dieu leur est présent de façon invisible encore, mais bien réelle. 

Heureux les doux ! Ceux qui ne cherchent pas à s’imposer eux-mêmes et encore moins leur seul intérêt propre, mais font attention à Dieu et aux autres ; savent parfois renoncer à leur droit, leur priorité ; cherchent à arrondir les angles, tant l’existence quotidienne peut être faite de contrariétés diverses. Ils obtiendront la Terre Promise, lieu du repos éternel. 

Heureux ceux qui pleurent ! Littéralement : “…Ceux qui sont en deuil”. Car ils vivent un manque profond, et ce manque les rendent aptes à chercher et accueillir ce qui les comblera définitivement : “Ils seront consolés” Littéralement : Ils auront la Consolation “Paraclèthèsountaï” Vous reconnaissez le mot Paraclet qui désigne en Israël à la fois le Messie : “Le vieillard Siméon, qui venait tous les jours prier au Temple, attendait la Consolation d’Israël” Luc 2, 25) et chez les chrétiens, l’Esprit-Saint Lui-même, le Paraclet (Jn 14, 16.26). Il ne s’agit pas d’une promesse du genre : “Pleure pas, ça va passer ; après la pluie, le beau temps” mais d’une véritable promesse théologale, divine, où Dieu s’engage bien au-delà de ce que nous aurions pu attendre.

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice ! Il ne s’agit pas tant de la justice au sens habituel du mot, celle qui est régie par des lois pas toujours justes ou mal adaptées, mais celle d’être “ajusté à Dieu” ; ceux qui cherchent à comprendre et faire sa volonté, comme Jésus nous a invités à le demander dans le Notre Père.

Heureux les miséricordieux ! En grec : “Eléèmonès”  qui a donné en français : aumône ; aumônier des hôpitaux, des galères, de l’armée mais aussi des collèges et lycées…bref les miséricordieux sont ceux qui, comme Dieu, compatissent à la détresse humaine ; En latin, misericors : “être de cœur avec la misère des autres”

Heureux les cœurs purs ! Littéralement : “Purs (en grec, catharoï) de cœur” qui ne sont pas doubles ; qui n’ont qu’un seul comportement avec Dieu comme avec les autres. Nets. “Que votre parole soit oui, oui ! non, non ! Tout le reste vient du mauvais” dira Jésus, dans le discours sur la montagne qui va suivre en Mt 5, 37.

Heureux les artisans de paix ! Ils seront appelés Fils de Dieu. Lorsque Jésus envoie les disciples deux par deux, ils leur demandent de présenter à ceux à qui ils vont s’adresser la Paix : Shalom ! Salam ! dit-on encore aujourd’hui en Terre Sainte, là où elle fait actuellement cruellement défaut ; mais il s’agit encore d’une autre paix, celle que Jésus présente aux Apôtres au soir de la Résurrection : “La Paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie  Nous sommes mis au rang du Fils pour achever sa mission jusqu’à la fin des temps : en cela, nous sommes vraiment Fils de Dieu. Là encore, c’est théologal.

La dernière béatitude “Heureux serez-vous si l’on vous insulte…” et la finale : “Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse…” sont là pour parer à toute réaction naturelle de découragement face au scandale de ces Béatitudes : en effet, ne prennent-elles pas à contre pieds et à rebrousse poils les propositions de bonheur que le monde proclame sans cesse par toutes sortes de médias ? Eh bien Jésus, au début de sa prédication, veut nous éviter les fausses pistes du vrai bonheur.

Heureux, en grec, “Makarios” signifie aussi : Bravo ! Félicitations ! Tu as tout compris ! Et en hébreu : “Ashréi” En marche !  Alors, frères et sœurs, choisissons une de ces Béatitudes et demandons à l’Esprit du Seigneur de nous aider à la mettre en pratique. Tous ensemble, unis à tous les Saints, qui ont fait confiance à Leur Seigneur et Dieu, mettons-nous en marche et recevons en héritage la Terre Promise, AMEN !

HOMÉLIE 31ème Dimanche Ordinaire C – " Zachée". Lc 19,1-10 - 30.10.2022

 

HOMÉLIE 31ème Dimanche Ordinaire C – Lc 19,1-10

30.10.2022

Zachée

Montant à Jérusalem, Jésus passe par Jéricho. A propos,  Jéricho, quelle est cette ville ? Tout le monde en a entendu parler à cause des fameuses trompettes qui firent, raconte la Bible, effondrer ses murailles et devint ainsi la première conquête des hébreux sur la Terre Sainte, promise à Abraham, sous la conduite de Jésus… (Ah ! Vous attendiez Josué !), mais figurez-vous que c’est exactement le même mot : Ieshoua ! ). Jéricho est la “porte d’entrée” en Terre Sainte. Jéricho est également, vous le savez sans doute, la ville la plus basse du globe, à moins 300 m. en-dessous du niveau de la mer et c’est enfin, dans l’état actuel des connaissances archéologiques, la ville la plus ancienne du monde après Catal Huyuk en Turquie.

Jésus traverse la ville et s’arrête au pied d’un sycomore sur lequel est grimpé un homme de petite taille. En fait, il est monté non pas sur un sycomore (genre de platane tel que nous les rencontrons dans notre pays) mais sur un “un figuier sauvage”, sycomore étant la transposition du mot grec: sucomorea (de sicus : la figue ; morus : sauvage, comme les mûres de nos haies sauvages). Il donne de petites figues destinées au bétail. Pourquoi cet insistance sur ces données botaniques ? Vous allez bientôt le comprendre.

Et voici que Zachée, interpelé par Jésus qui a levé son visage vers lui, dégringole en hâte et tout joyeux accueille Jésus dans sa maison. Quel contraste avec les murmures de tous qui s’élèvent contre “celui qui est entré faire halte chez un pécheur ! ”.

Mais c’est encore Zachée le plus à l’aise : de riche qu’il était, il rejoint les pauvres en se dépouillant de la moitié de ses biens : vous vous rendez compte !  Et il ajoute dans la traduction mot à mot : “ Si j’ai imaginé des machinations contre quelqu’un…je lui rends quatre fois plus” comme le droit romain et non pas juif l’exigeait. Alors dit Jésus : “aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham”.

Vous souvenez-vous d’un autre fils d’Abraham, que St Luc mettait en scène il y a quelques dimanches ? (le dernier de Septembre, 26ème Ordinaire…). Lazare, qui signifie : “Dieu a secouru” ; et bien Zachée aussi est secouru, sauvé, parce que, contrairement au riche de la parabole, sa richesse ne l’a pas rendu insensible aux pauvres. Par la présence et l’attention bienveillante de Jésus et sa soif de Le connaître, il est transformé. Et Jésus de conclure : “ En effet, le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu”  Ce Fils de l’homme, c’est Jésus/Josué = Dieu sauve.

Mais au-delà de l’histoire personnelle et touchante de Zachée, qui à la différence de celle de Lazare, n’est pas une parabole, n’est-ce pas toute l’histoire de l’humanité qui est ainsi actualisée en la personne de ce collecteur d’impôt ?

Vous souvient-il, dans la Bible, d’un homme et d’une femme qui se cachent dans un figuier et de quelqu’un qui vient les chercher? Adam et Eve : ils se cachent, car ils n’ont pas fait confiance à Dieu : ils Lui ont désobéi et ils ont peur de sa réaction. Et pourtant, qui est-il donc, ce Dieu dont ils ont si peur ? Nous l’entendions dans la première Lecture, du livre de la Sagesse : Sg 11,23-12,2). « Il est Celui qui peut tout et qui a pitié de tous les hommes…Ceux qui tombent, Il les reprend peu à peu, les avertis, leur rappelle en quoi ils pèchent, pour qu’ils se détournent du mal, et qu’ils puissent croire en Lui »

Adam et Ève sont chassés de sa présence, “à l’Orient du jardin d’Éden”, or Jéricho se trouve à l’Orient de Jérusalem, ville sainte, lieu de la présence divine au Temple. Jéricho, porte d’entrée, mais aussi porte de sortie de la Terre Sainte…Ville vieille comme l’humanité qui est au plus bas du globe, pourrait-on ajouter encore. Bien sûr que Jésus connaissait Zachée depuis les origines, car Zachée c’est un peu le symbole de l’humanité, comme Adam et Eve : et Jésus vient chercher cette humanité pour lui faire retrouver l’amitié divine perdue aux origines.

Que ce petit homme dont le nom de signifie : « le pur » ou « le méritant » nous rappelle notre vocation à considérer toute personne comme susceptible d’être “fils d’Abraham” et de nous préparer à la Fête de Tous les Saints que l’Église célèbre comme tels. Rendons grâce au Seigneur qui vient aujourd’hui encore nous sauver.

AMEN !

HOMÉLIE 30ème Dimanche Ordinaire C – " Le Pharisien et le Publicain" . Lc 18,9-14 - 23 Octobre 2022

 

HOMÉLIE  30ème Dimanche Ordinaire  C – Lc 18,9-14

23 Octobre 2022

Dimanche dernier, Jésus nous invitait à "prier sans se décourager" en présentant le modèle de la veuve contraignant le juge à lui faire justice.

Le dimanche d’avant, Jésus louait le samaritain qui avait su "lui rendre grâce" après sa guérison.

Aujourd’hui, Jésus nous présente deux "priants".

Mais avec une telle parabole, si bien présentée, avec deux comportements symétriques et diamétralement opposés, qui n’est pas tenté de s’identifier à l’un ou l’autre de ces deux personnages ? Lequel choisiriez-vous ? Le risque est grand de se mettre du côté de l’un et évidemment, de mépriser l’autre.

Et pourtant, l’un et l’autre ont leur côté touchant et sympathique, mais aussi leurs travers.

Deux hommes montent donc au Temple pour prier. Tous les deux croient en Dieu : ils montrent qu’ils ont la foi puisqu’ils viennent le prier.

Le pharisien (terme qui désigne le « séparé ») n’est pas forcément riche. Il travaille juste ce qu’il faut pour avoir de quoi vivre, lui et sa famille, afin d’étudier la Torah. Ce pharisien loue Dieu ; il observe la Loi et ses interdits ; il va même plus loin que ce qu’elle exige, puisqu’il jeûne deux fois par semaine ; il est généreux et il donne. Mais sa posture en dit long sur les dispositions de son cœur : « Se tenant debout, mot à mot, vers lui-même… ».[pros éautonne, proV eauton] (Attitude très narcissique !) , il se décrit comme juste à sa manière, selon lui. De plus, il se montre méprisant.

Le publicain, pré leveur d’impôts destinés aux romains, est certainement plus riche que lui. Il collabore avec l’occupant ; il est donc détesté de ses compatriotes et il doit sans doute ne pas être très bien en lui-même. Mais sa posture en dit long : « Se tenant à distance, il n’osait même pas lever les yeux vers le ciel » Il se frappe la poitrine en signe de repentance et prie le Seigneur en disant : “Mon Dieu ! Montre-toi favorable au pécheur que je suis !”

 

Que va faire Dieu ?

Il “justifiera” le publicain, c'est-à-dire qu’Il reconnaîtra que cet homme, loin d’être parfait, s’est bien “ajusté” à son désir qui est de sauver tous ceux qui le Lui demandent, malgré leurs erreurs, leurs manquements, leurs péchés.

Par contre, Il ne pourra rien faire pour le pharisien qui est autosuffisant, qui ne lui a rien demandé et se permet en plus, mot à mot,  de “regarder les autres comme rien”.

Par cette parabole, loin de vouloir que nous nous identifiions au pharisien ou au publicain, Jésus nous présente Dieu. N’est-Il pas celui qui tout au long des Écritures se penche vers celui qui est faible, reconnaît qu’il est petit et qu’il ne se sortira pas tout seul de ses faiblesses et de sa situation de pécheur. Ce renversement des valeurs, nous le retrouvons tellement bien exprimé dans le Magnificat de la Vierge Marie. « Il s’est penché sur son humble servante…Il disperse les orgueilleux, renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles… ». Bref, Dieu désire demeurer chez celui qui n’est pas rempli de lui-même et qui peut ainsi donner largement place aux autres et bien sûr à Lui.

Suis-je bien “ajusté » à la volonté de Dieu ? Et quand je viens prier, dans quelles dispositions je me tiens ? Est-ce que je sais reconnaître ce qui m’entrave et m’éloigne de Dieu ou fait écran, empêchant le travail de la grâce ? Est-ce que je Lui demande de m’en libérer pour me rapprocher de Lui ?

Est-ce que je porte d’autres dans ma prière, particulièrement ceux que je devine être plus en difficultés et loin de Lui sans les mépriser ?

Tous ensemble, conscients de nos faiblesses mais encore plus conscients de la profondeur de son amour pour nous, continuons de l’accueillir en priant bien sûr pour nous mais en élargissant nos prières, comme la liturgie nous y invite.

AMEN !