HOMELIE 1er
DIMANCHE CARÊME– Année A -Mt 4,1-11
1er Mars 2020
Les tentations du Christ nous montrent le combat qu’Il
reprendra à l’agonie (le grec agônia , veut
dire précisément “lutte”). Cela peut nous aider à “être
tentés sans succomber à la tentation”.
1ère Tentation : Jésus a faim Comme
les hébreux dans le désert, Jésus est éprouvé : Comment
réagit-il ? Il se réfère à la
Parole de Dieu, celle précisément qui donne le sens de l’épreuve que les
hébreux traversent. : Dt 8, 3
“ Il t'a humilié, [mot à mot, en hébreu : “t’a rendu pauvre”, “anav” même
racine que anavim, “les pauvres de Dieu”], il t'a fait sentir la faim, il t'a donné à
manger la manne que ni toi ni tes pères n'aviez connue, pour te montrer que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais que
l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche de Yahvé”.
Nos
contemporains, comme nous-mêmes, sommes exposés à cette tentation de ne
rechercher que les nourritures terrestres. Certains le sont en raison de leur
précarité, au point que cette préoccupation les obsède dès le matin ;
d’autres plus aisés, sont avides de confort et de moyens de plus en plus grands
ou sophistiqués, jamais satisfaits, tant est vaste dans nos pays riches, le
champ des biens proposés et accessibles. Jésus nous sauve d’un horizon bouché
sur l’ “avoir” : par amour,
nous sommes parfois tentés de donner des choses au lieu de nous donner
nous-mêmes. Jésus nous rappelle que nous sommes appelés à “être”, pour nous donner et accueillir ; et pour “être”, il
faut se nourrir de Celui qui EST par excellence et qui s’est fait Pain
de la Parole et Pain de vie, qui nous sont offerts aux deux tables de
l’Eucharistie. N’est-ce pas ce que Jésus Lui-même nous a appris à demander,
dans le Notre Père, le pain
“supersubstanciel”, l’Eucharistie, indiquera Tertullien, théologien en l’an
200 dans son traité sur la prière, ch. 6, mais aussi St Cyprien de Carthage,
Origène en 250 et Benoît XVI.
Deuxième tentation : Cette fois-ci, le tentateur pousse Jésus à provoquer Dieu:
il s’agit bien alors de la tentation de
Dieu. Elle est bien courante dans la Bible : tenter Dieu, c’est le
mettre au défi d’intervenir pour qu’Il prouve son existence. C’est ce qu’ont
fait les hébreux dans le désert. Le lieu par excellence de cette tentation est Massa, où le peuple meurt de soif et se
rebelle ; pourtant Dieu leur avait fait passer la Mer Rouge, avait
adouci l’eau à Mara, leur avait donné les cailles puis la manne : Ex 17, 7 : « [Moïse]
donna à ce lieu [Rephidim] le nom de Massa [en araméen, tentation, épreuve ] et Mériba, parce que les enfants d'Israël avaient
contesté, et parce qu'ils avaient tenté
Yahvé, en disant: « Yahvé est-il au milieu de nous ou
n’est-il pas ?
Tenter
Dieu peut se faire de deux façons. Ou bien on Lui désobéit pour tester
sa patience et voir s’Il va intervenir, ou bien on use de sa bonté dans
un but intéressé. Mais plus cachée est
l’attitude de beaucoup de nos contemporains qui mettent en doute l’existence de
Dieu face aux malheurs partout présents sur notre planète (morts prématurées,
cataclysmes, souffrances des innocents…). Ne nous arrive-t-il pas quand les
choses ne vont pas comme nous le souhaiterions et qu’une épreuve sérieuse se
présente, d’en vouloir à Dieu ? Jésus pose un interdit absolu face à Dieu, que nous connaissons si mal et “
dont les pensées ne sont pas nos pensées, et les chemins ne sont pas nos
chemins” Is 55, 8. Jésus
Lui-même ne nous a-t-Il pas appris à demander dans le Notre Père: « Ne
nous laisse pas te provoquer », que nous prions actuellement avec
une expression « ne nous laisse pas entrer en tentation », meilleure
que la précédente, qui était : « Ne
nous soumets pas à la tentation » (puisque Dieu ne tente jamais
personne écrit saint Jacques dans sa lettre : Jc 1, 13), mais qui n’est pas encore la traduction de la
demande.
La troisième tentation : Le
tentateur propose à Jésus de l’adorer, en contrepartie d’un pouvoir tout
puissant sur le monde (qu’il n’a d’ailleurs pas, mais il est menteur et père du
mensonge, dira Jésus (Jn 8,44). Qu’est-ce qu’adorer, sinon reconnaître de façon
absolue quelqu’un et se soumettre à lui. Les hébreux ont connu, eux aussi,
cette tentation au désert : Le peuple demande à Aaron de lui faire un dieu
et il façonne un veau d’or (cf. Ex 32, 1-4). Et pourtant Dieu leur avait
dit : Ex 20, 1 “Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma
face.” ». Quels sont nos
petits ou grands dieux ? Quelles sont nos idoles ? Choses ou
personnes, d’ailleurs, pour lesquelles nous sommes prêts à sacrifier
beaucoup ? Sont-elles compatibles avec un véritable amour de Dieu qui est
premier ? Que fait Jésus ? v. 10 : « Jésus lui dit: Retire-toi, Satan! Car il
est écrit: Tu adoreras le Seigneur, ton
Dieu, et tu le serviras lui seul. Il se réfère aux paroles du Deutéronome :
Dt 10, 20.
De fait,
s’Il nous demande d’adorer Dieu seul, c’est que Dieu seul est adorable, parce qu’Il n’est qu’Amour et que seul le véritable amour renonce à toute forme
de domination ou de demande de soumission qui aliénerait l’adorateur ;
mais tout au contraire, il recherche son bien. Jésus chasse Satan [en
hébreu : “adversaire, ennemi”]. Ne nous a-t-Il pas appris à demander dans
le Notre Père à prier Dieu qu’Il nous
délivre du Malin, du Satan ? Ainsi le Fils de Dieu, véritable Israël
tenté dans le désert, nous enseigne comment combattre le prince de ce monde en
restant près de Dieu, gardant sa Parole.
Bon Carême en préparation à Pâques, libérés par le
Christ ! AMEN
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