HOMELIE 24ème Dimanche Ordinaire A. Mt 18, 21-35
17 Septembre 2017
“Le Pardon : jusqu’à combien de fois ? »
Vous connaissez les expressions : « Je ne lui pardonnerai
jamais ! » ou « Il
m’en a trop fait voir ! » ou encore
« Je veux bien être bon mais pas être poire ! ». Autant dire
que pardonner n’est pas chose naturelle et qu’on admire même Pierre qui va
proposer au Seigneur de pardonner jusqu’à 7 fois. La réponse de Jésus est
claire et sans appel : « Je
ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois 7 fois ». Pourquoi donc ce chiffre ? Les forts en calcul, ne
vous cassez pas la tête (ici, c’est facile : 490 fois !), c’est une
vieille histoire qui remonte aux origines de l’humanité.
Après que Caïn ait tué Abel, Dieu va mettre un
signe sur lui pour que personne, en le rencontrant, ne le frappe : « Si l’on tue Caïn, il sera
vengé 7 fois. » Gn 4, 15. Dieu veut tuer dans l’œuf le cycle
infernal de la vengeance qui prend rapidement de l’ampleur, puisque, 4
générations après, son descendant Lamek lance à ses femmes ce terrible
chant : « J’ai tué un
homme pour une blessure, un enfant pour une meurtrissure. Caïn sera vengé 7
fois, mais Lamek soixante-dix-sept fois ! » Gn 4, 23-24.
Jésus, en reprenant ces chiffres et en les
multipliant par 7, chiffre parfait, manifeste sa volonté absolue d’éradiquer
totalement toute violence et invite ses disciples à
apprendre le pardon.
Est-ce bien possible ? Ne nous en
demande-t-Il pas un peu trop ?
C’est d’abord une question de bon sens. La première Lecture
de Ben Sirac le Sage nous montre, de façon claire, l’incohérence de celui qui
demande le pardon alors qu’il ne sait pas ou ne veut pas pardonner. « Si un homme n’a pas de pitié
pour un homme, son semblable, comment peut-il supplier pour ses propres
fautes ? »
Mais il faut aller plus loin et c’est bien pour
révéler qui est son Père qu’Il propose cette Parabole du débiteur
impitoyable. Dieu est amour et cet amour s’exprime à fond dans le pardon, la
remise totale des dettes, fussent-elles exorbitantes comme celle de cet homme
sans cœur qui lui devait, tenez-vous bien, (je l’ai calculé un jour) 4 459 vies
de travail !
Dieu est remué jusqu’au entrailles, dit le
texte, parce que ce pauvre homme ne s’en sortirait jamais ! Mais sa
compassion se tourne en colère quand on lui apprend que ce serviteur, libéré de
toute sa dette, s’est montré intransigeant à l’égard de celui qui lui devait
une somme dérisoire : 100 jours de travail ! « Ne devais-tu pas, à ton tour,
avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’ai eu pitié de toi ? ». Le châtiment qui suit permettra à ce serviteur sans cœur
de mesurer l’immensité de sa dette, ce qu’il n’avait sans doute pas fait.
Avons-nous mesuré la dette qui est la nôtre ? La
première chose est de le faire et de découvrir à quel point nous sommes
pécheurs, sans doute bien plus profondément que nous ne le pensons, tant notre
égoïsme est ancré et caché en nous. Nous serons
alors beaucoup plus humbles et reconnaissants de ce pardon que Dieu nous
donne totalement, et il nous sera plus aisé de pardonner.
Mais qu’est-ce que pardonner ?
Voici ce qu’écrit le P. Varillon : “… Pardonner, c’est la forme supérieure du don. J’insiste toujours
pour qu’on écrive par-donner, avec
un petit tiret, pour qu’on mette en valeur le préfixe « par » qui, dans plusieurs langues, signifie à fond,
jusqu’au bout…. Les hommes ont toutes les peines du monde à se pardonner
vraiment. La forme supérieure du don, c’est le don de la paix. Pardonner,
c’est effacer mon ressentiment, piétiner mon orgueil, faire la paix, la construire. Le
pardon n’est pas un coup d’éponge, il est une
re-création : pardonner, c’est permettre un nouveau départ. Nous
sommes là au cœur de la
spiritualité. Le refus du
pardon, c’est le péché qui ne peut pas être pardonné, par la force des
choses.”
Une dernière objection : « De quoi
aurais-je l’air si je fais le premier pas, si je pardonne ? » Je
réponds : « Tu as l’air de Jésus lui-même : Il pardonne à Pierre qui trahit, à l’un des condamnés
crucifiés avec Lui, à ses bourreaux… »
Alors, demandons sans cesse la force de
l’Amour divin, infini, riche en miséricorde: il est le seul à pouvoir nous
entraîner à pardonner. Prions sérieusement le Notre Père lorsque nous disons à
Dieu : « Pardonne-nous
nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé… ». AMEN !
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