jeudi 24 avril 2014

HOMELIE 2° Dimanche de Pâques A. Jn 20,19-31 27 Avril 2014



HOMELIE  2° Dimanche de Pâques A. Jn 20,19-31
27 Avril 2014

La foi de Thomas
Pourquoi Thomas a-t-il douté ? Il est courageux ; il a du caractère ; c’est le seul Apôtre à être sorti du Cénacle où les autres, la peur au ventre, s’étaient verrouillés. C’était un réaliste, qui avait bien compris qu’en montant à Jérusalem avec Jésus pour se rendre auprès de Lazare qui était mort, il risquait la mort avec son maître : "Allons, nous aussi, pour mourir avec lui!"  Jn 11, 16. Il était prêt à donner sa vie pour Jésus qu’il aimait passionnément. Sa mort l’avait profondément déstabilisé : il était persuadé que Jésus saurait s’en sortir, Lui qui était capable de ressusciter Lazare. Et voilà qu’Il était bien mort.
                   Tout devenait pour lui une immense question : quel était le sens de la vie de Jésus ? De son témoignage ? De la pertinence de ses paroles et de son enseignement puisqu’Il avait fini sa vie comme un pauvre malfaiteur, abandonné de tous. Qu’on lui annonce que Jésus était vivant, alors là, c’était trop pour lui : il ne voulait plus être trompé et déçu.
                   Son refus de croire sans preuve venait peut-être aussi de ce que Jésus, s’étant manifesté aux autres apôtres en son absence, il en était un peu jaloux et frustré d’avoir manqué ce moment qu’il désirait inconsciemment si fort au fond de lui.
                  En tout cas, le dimanche suivant, de nouveau Jésus se trouve au milieu d’eux : Il ne lui en veut pas et au contraire s’adresse à lui pour combler son attente. Aussitôt éclate sa belle profession de foi, la première qui désigne Jésus comme Dieu : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».Jésus peut alors l’inviter à passer du voir au croire.
                   Sur le chemin de la foi, nous sommes invités nous aussi à dépasser le désir bien légitime de preuves visibles, concrètes pour accéder à une adhésion basée sur la confiance.
                   Mais confiance en quoi ou en qui ?
                   D’abord, confiance dans les témoins qui ont donné leur vie pour dire ce qu’ils avaient vu et entendu et qui nous est précieusement rapporté dans les Evangiles.
                   Confiance dans la pertinence, la grandeur, la beauté et le bonheur qu’apporte la vie selon l’Evangile. Et, en ce dimanche de la miséricorde, il est heureux d’évoquer la “présence” concrète, réelle, visible du Christ dans celui qui a faim, froid, qui est malade, nu, prisonnier chaque fois que nous allons à leur rencontre.
                   Confiance dans la Communauté réunie comme les apôtres au Cénacle qui continue, dimanches après dimanches, à écouter les paroles du Christ, à comprendre ses enseignements et à se nourrir de son Corps.
                   Enfin, confiance dans le don de l’Esprit Saint qu’au soir de sa résurrection, Jésus “souffle” sur les Apôtres et qu’Il donne aujourd’hui à tous ceux qui le Lui demandent.
                   Non ! Le doute de Thomas n’est pas le doute du sceptique, du soupçonneux, limité  par sa raison, étranger au sens des réalités qui lui échappent et qui se ferme à toute nouveauté, qui finalement reste seul avec lui-même. Il est de ceux qui questionnent devant l’extraordinaire, l’insolite, l’inattendu, “l’incroyable” : ils veulent vérifier qu’ils sont bien dans la cohérence et la vérité de ce qu’ils croient et que c’est accessible à tous ceux qui le veulent bien.
                   Dieu est tellement “autre” et les évènements, comme pour Thomas, sont tellement déconcertants qu’il est courant, dans la Bible, d’entendre des croyants et particulièrement des priants lui lancer des questions : Où es-tu ? Que fais-tu ? Jusqu’à quand nous laisseras-tu dans cette détresse ? Souvenez-vous du dernier cri de Jésus Lui-même sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Début du Ps 22 qui se termine par un chant de louange : «   23 J'annoncerai ton nom à mes frères, en pleine assemblée je te louerai ».
 Ce sont des doute-questions qui débouchent sur la foi-louange.
                   Bienheureux Thomas qui éduque nos propres doutes, nous invitant à poser les bonnes questions ; à les partager entre nous ; à les porter et à les dépasser jusqu’à exprimer joyeusement notre foi. Et qui est son “jumeau” ? Ne le serions-nous pas tous un peu ?
AMEN !

jeudi 10 avril 2014

HOMELIE Dimanche de Pâques. Résurrection de Jésus Jn 20,1-9 20 Avril 2014



HOMELIE  Dimanche de Pâques. Résurrection de Jésus Jn 20,1-9
20 Avril 2014

La Résurrection du Christ : il y a voir et voir !

La Résurrection de Jésus ne s’est pas manifestée de façon éclatante, comme certains peintres l’ont imaginée (sur le retable d’Issenheim, à Colmar, par exemple) : un bel homme, rayonnant de vie, aux plaies refermées, jaillissant d’une tombe ouverte, auréolé de lumière ! L’Evangile de St Jean nous y conduit de façon toute autre. La foi en la Résurrection naît en quelques étapes que St Jean, par le choix du vocabulaire, semble indiquer. Parcourrons le récit.

Tout d’abord, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Le verbe utilisé ici est blèpo, blepw qui signifie voir-constater, qui donnerait lieu à un procès-verbal décrivant ce que l’on voit de nos yeux de chair. Elle ne va pas plus loin ; elle n’entre pas pour chercher d’autres indices. Sur ce constat, elle en déduit qu’on a enlevé du tombeau le Seigneur et s’engage sur une fausse piste. Ayant alerté les Apôtres, Simon-Pierre et “le disciple que Jésus aimait” sortent à leur tour et se mettent à courir vers le tombeau, eux-mêmes intrigués.
 v.5 - Le disciple arrive le premier, se penche et voit (même verbe blèpo) “les linges qui sont là, à plat” *. Nouveau constat, avec un nouvel indice : les linges, à plat. Mais il n’entre pas.
v.6 - Simon-Pierre arrive à son tour: “Il entre dans le tombeau et voit les linges, à plat v.7 et le tissu qui était sur sa tête n’est pas à plat avec les linges, mais enroulé, lui, en place”*.
Le verbe ici est théorao  qewraw (qui a donné en français : théorie, théoriser, théorème...) Il signifie : observer, regarder attentivement, examiner, inspecter et même contempler. Simon-Pierre se met donc à tenter de comprendre ce qu’il voit, d’en chercher le sens.
v.8 - Entre alors l’autre disciple : “Il vit et il crut”. Un troisième verbe est utilisé : Oraooraw [qui, sous une autre forme conjugale, a donné en français : ophtalmo]. Ce verbe signifie de façon courante : voir, mais il a aussi le sens imagé de « voir avec les yeux de l’esprit, de l’intelligence » c’est à dire comprendre.  D’ailleurs au verset suivant, v.9, l’évangéliste commente : “ En effet, ils n’avaient pas encore compris l’Ecriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts”. Or c’est le même verbe voir/orao qui est traduit habituellement par comprendre.

Voilà donc le chemin de la foi en la Résurrection de Jésus parcouru par « le disciple que Jésus aimait » dont St Jean se fait le témoin, comme pour nous inviter à le faire à notre tour. On ne peut croire en la Résurrection s’il n’y a pas d’abord le constat (blèpo) de la mort de Jésus selon la chair. Suit notre quête du sens (théorao) de la vie et de la mort : nos intuitions d’une vie après la mort, bien que nécessaires pour aller au-delà du croyable, ne suffisent pas pour croire : il faut voir (orao) au-delà du visible.
A tous ceux qui chercheraient des preuves de la Résurrection, il leur est demandé de changer leur manière de voir. “Moïse...en homme qui voit (orao) l’invisible (a-oraton), tint ferme” He 11, 27
A tous ceux qui veulent croire, il leur est demandé de partir de la réalité visible de l’existence pour accéder, grâce au témoignage de l’Ecriture accueilli en communautés ecclésiales, à la réalité invisible qui ne se confond pas avec nos imaginaires, tentés par nos délires. (cf. les tentatives sectaires ou à mouvance New Age).

L’Evangile de St Jean ne compte que 7 récits de signes/miracles. « Jésus a fait encore, en présence de ses disciples, beaucoup d'autres miracles (shmeiwn, semeion=signe), qui ne sont pas écrits dans ce livre. Mais ces choses ont été écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu'en croyant vous ayez la vie en son nom » (Jn 20, 30-31).
Croire, c’est passer du voir-avec-nos-yeux-de-chair Celui qui s’est fait chair pour nous au voir  Celui qui est le Christ, le Fils de Dieu, non sans chercher à comprendre, comme Simon-Pierre.
Ce désir de voir n’est pas vain. N’est-ce pas pour cela qu’Il s’est fait voir : “Qui me voit, voit le Père” (Jn 14, 9) répond Jésus à Philippe à la veille de sa mort ; c’est pour cela encore qu’il se donnera à voir aux Apôtres et  à Thomas en particulier, après sa Résurrection afin qu’ils portent leur témoignage. Ce qui n’empêchera pas Jésus de louer ceux qui ne pourront être les témoins privilégiés de ce voir : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ;  bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » Jn 20, 28.
AMEN !


* Evangile dans la traduction de sœur Jeanne d’Arc, Ed. Desclée de Brouwer.

HOMELIE Evangile des RAMEAUX. Année A. Mt 21,1-11 13 Avril 2014



HOMELIE  Evangile des RAMEAUX. Année A. Mt 21,1-11
13 Avril 2014

Avec Jésus, entrant dans Jérusalem sur une ânesse, nous contemplons Dieu qui se présente tout entier à l’humanité. Il n’est pas comme les puissants qui asservissent leurs frères mais comme le roi qu’annonçait le prophète Zacharie « qui vient vers toi, Jérusalem, humble monté sur une ânesse et un petit âne, le petit d’une bête de somme » (Za 9,9).
Nous avons chanté, en ce début de célébration, comme la foule qui acclamait Jésus : « Hosanna, fils de David » “Yasha annah” (hn) (#y) ce qui signifie : « Donne le salut, fils de David ! » et qui s’accompagne d’une bénédiction : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »
Les rameaux, dont le feuillage reste longtemps vert, veulent rappeler qu’une vie nouvelle nous est donnée par la mort sur la croix et la résurrection de ce “fils de David”, Jésus, Fils unique de Dieu. Nous pourrons ainsi les placer sur les croix de nos maisons.

Devant la manifestation des foules accueillant Jésus, la ville de Jérusalem est “grandement secouée”  poliV  seiw(même racine que séisme !) : quel est-il donc ce roi qui renonce à la toute-puissance alors que l’on aurait tant besoin d’un chef qui chasse les occupants romains ?

Mais parce que nous le connaissons, que nous l’aimons, Lui qui nous a tant aimés, nous l’accueillons en le saluant par le rameau que nous tenons à la main. En entrant tous ensemble dans l’église derrière la croix, nous montrons que nous voulons suivre Jésus pas à pas, tout au long de cette semaine sainte et dans notre vie, sur le chemin de la Passion pour arriver avec Lui à la Résurrection.

AMEN !

jeudi 3 avril 2014

HOMELIE 5ème Dimanche Carême. A. Résurrection de Lazare : Jn 11,1-45 6 Avril 2014



             HOMELIE  5ème Dimanche Carême. A. Résurrection de Lazare : Jn 11,1-45
6 Avril 2014

«Moi, je suis la résurrection et la vie…Crois-tu cela ?»Jn 11,25

La mort de Lazare provoque, comme tout décès de personne connue et aimée, un questionnement et des réactions bien différentes.
Celle des Apôtres, tout d’abord, apprenant de la bouche même de Jésus que Lazare s’est endormi (en grec : kèkoïmètaï, kekoimhtai, qui a donné en français “cimetière”) ; il dort mais du sommeil de la mort. Thomas, à la tête des Apôtres, malgré le risque, résigné, suit Jésus qui marche au devant de la mort, la sienne, mais plus encore, celle de Lazare.
Marthe semble être la plus forte. Allant à la rencontre de Jésus, elle proclame la foi professée par l’élite du peuple juif, la foi en la résurrection à la fin des temps : « Je sais qu’il ressuscitera au dernier jour, à la résurrection ». Jésus va l’aider à passer de ce “savoir”, qui la laisse dans une attente lointaine de la vie future, à un “croire” : « Moi, je suis la Résurrection et la Vie…Crois-tu cela ? » « Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois… ».
Marie, dominée par la souffrance, reste assise. Ecrasée de douleur, elle est par terre, aux pieds de Jésus. Celui-ci fait la chose la plus sensée qu’on puisse faire en pareille circonstance : il se tait et pleure avec Marie. Il ne l’accable pas d’un discours qu’elle ne peut entendre, comme Il avait pu le faire avec Marthe. Marie, pour le moment, a uniquement besoin d’une présence affectueuse. Jésus, alors qu’avec Marthe, Il avait manifesté sa divinité en affirmant : « JE SUIS (“ego eïmi”, Egw eimi””,,,, qui est le Nom divin) la Résurrection et la Vie »,  montre auprès de Marie sa nature profondément humaine, remplie de compassion jusqu’à pleurer avec elle.

Si cet Evangile peut nourrir notre espérance, la mort peut encore rester pour nous une énigme sans réponse satisfaisante. La déchirure du départ, l’absence de celui ou celle qui n’est plus là à nos côtés, le vide que produit le deuil sont autant d’obstacles à notre foi au Ressuscité. Marthe elle-même, malgré sa foi naissante, butte encore sur le mystère de la mort et lorsque Jésus commande que l’on ouvre la tombe, elle reste dans ses vues toutes humaines. Jésus, en un patient reproche, l’encourage et lui dit: « Ne te l’ais-je pas dit ? Si tu crois… » Nous sommes donc une nouvelle fois invités à mettre notre confiance totale dans le Christ, “Celui qui est venu dans le monde”, Dieu et homme, nous ayant précédé dans la mort et nous y accompagnant encore aujourd’hui.
Plus encore, Saint Paul nous y entraîne magnifiquement dans sa lettre aux Romains que nous avons en deuxième lecture : «  Si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en nous » Rm 8,11.
Lazare, revenu à la vie par la puissance divine exercée par le Christ (relatée trois fois seulement dans tous les évangiles), mourra une deuxième fois. Lorsque Jésus demande qu’on “le délie, qu’on le laisse aller”, Il montre, comme pour le paralytique, qu’il y a une mort plus profonde : celle de l’enfermement sur soi qui ne laisse plus entrer ni la vie de Dieu ni celles des autres et tue toute compassion, toute miséricorde. Le Carême nous invite à continuer par l’aumône à maintenir ouvertes nos mains pour les détresses que nous rencontrons ou qui nous sollicitent : c’est le cas aujourd’hui du CCFD et à combattre ainsi toute mort dans nos cœurs.

Que l’Esprit du Seigneur nous éclaire, non seulement sur le mystère de la mort, mais sur celui de notre mort spirituelle et nous prépare à accueillir la Résurrection lors de la fête de Pâque qui approche.


AMEN !