HOMELIE 7ème
Dimanche Ordinaire A. 19 Février 2017
- Mt 5, 38-48
"Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l'autre” Mt 5, 39
Merveilleux Evangile qui porte au
sommet la grandeur de l’amour tel que Jésus Lui-Même l’a montré jusque dans sa
Passion.
Mais Dieu qu’il est exigent ! Et combien se sont heurtés à ces
paroles, les poussant à renoncer à suivre Jésus, au moins dans de telles
situations. Ainsi, lorsque j’étais curé à St Quentin-les-Sources, une maman au
cours d’une réunion de parents d’enfants au catéchisme, dont le thème de la
leçon était : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés”, eut
cette réaction : « Si vous
enseignez cela à mon gamin, je le retire du catéchisme ».
Au fond de moi-même, je rejoignais cette “rébellion”, car ce que
demandait Jésus relevait de l’héroïsme avec une pointe de soumission, voire de
lâcheté, que la maman avait exprimé, comme pour s’excuser : “Je ne veux pas que mon fils devienne une
carpette !”
Je
connaissais les interprétations qu’en donnaient les grands spirituels, voulant
exprimer à quel degré d’amour le disciple du Christ devait s’élever (ou
s’abaisser ?) pour faire comprendre à son agresseur qu’il n’avait aucune
haine envers lui, mais seulement de l’amour, qui excluait toute forme de
violence ; je connaissais le style imagé, oriental de Jésus, qu’il ne faut
pas prendre au pied de la lettre ; je connaissais le commentaire des
exégètes qui disaient que lorsque quelqu’un prononçait un blasphème, il était
giflé sur la joue droite : il fallait donc que les premiers chrétiens, qui
proclamaient que Jésus était Dieu, s’attendent à être giflé ainsi et même,
qu’ils maintiennent leur affirmation en tendant l’autre joue… Ou même,
l’interprétation cocasse d’Origène, Père de l’Eglise, qui observait finement
que pour frapper quelqu’un sur la joue droite, il fallait être gaucher, et donc
qu’il n’y avait pas beaucoup de chance que l’on puisse mettre la parole à
exécution ! Mais comment expliquer tout cela à cette maman ?
Je lui
répondis ainsi : « Lorsque Jésus
demande quelque chose à ses disciples, il est en général le premier à le
faire. Aimez vos ennemis : c’est ce qu’Il fait envers ses bourreaux.
Par contre, lors de sa Passion, lorsque le serviteur du grand prêtre le gifle
en lui disant :
“ Est-ce ainsi que
tu réponds au souverain prêtre?” Que
fait alors Jésus ? Présente-t-Il l’autre joue ? Non ! Mais Il
s’adresse à lui répond : “Si j'ai mal parlé, fais voir ce que j'ai
dit de mal; et si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu? ” Jn 18, 22-23.
Je crois
que vous pouvez laisser votre enfant au catéchisme, mais en lui apprenant à
prendre de la distance face à son agresseur (très dur ! je le sais) et en
essayant d’aimer comme le Christ qui a
aimé ce serviteur. Comment ? Il
a mis son agresseur en responsabilité : lui qui s’est laissé emporter
par un zèle mal placé, plein de haine et qui l’avilit : « Justifie
ton geste » semble lui dire Jésus ! « Sois responsable et tu
éviteras de te mettre dans cet état-là” ».
Marie Balmary, dans son
livre “Le sacrifice interdit” (Edition Grasset), aborde ce texte,
pp.186-187. Elle le reprend dans un dernier livre sorti l’année dernière,
intitulé « Ouvrir le livre » p.63 en
traduisant mot à mot : « Mais si quelqu’un te donne un coup sur
la mâchoire droite, tourne à lui aussi autre » Cette psychanalyste
qui connaît également l’hébreu et le grec révèle le non-respect de la traduction
du terme “autre” qui est utilisé
dans le texte grec. En effet, le grec dispose de deux termes pour exprimer autre : “L’un, l’autre” dans une relation duelle, par exemple : “Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l'un, et aimera
l'autre (étéron) ou il s'attachera à l'un, et méprisera l'autre (étérou) Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon”. Mt 6, 24. C’est ce que nous
devrions avoir ici : la mâchoire droite, l’autre : "étéren". Or nous avons allen, qui est l’autre terme pour dire autre, mais au sens de différent.
La parole de Jésus devient alors une invitation à "présenter
à l’agresseur autre chose”, le but étant de le faire sortir de sa
violence en le “responsabilisant”.
N’est-ce pas exactement ce qu’a fait Jésus
envers le serviteur du grand prêtre ?
Cette interprétation n’exclut pas les autres plus traditionnelles,
exégétiques ou mystiques, qui partent de points de vue différents et qui
peuvent enrichir, à leur façon, notre accueil de la Parole de Dieu. Mais je
pense qu’il est bon de proposer aussi celle-ci, qui a le mérite de respecter
l’ensemble des Evangiles en se fixant
sur son modèle, Jésus-Christ, et en évitant les fausses pistes du jeu
pervers de la violence : Jésus, qui est le “Chemin et la Vérité et la
Vie”, enseigne une autre voie qui fait
grandir parce qu’elle appelle à la responsabilité.
L’Evangile ne s’achève-t-il pas ce jour
sur une autre belle invitation de Jésus : « Vous donc, vous serez parfaits
comme votre Père céleste est parfait » Rien que ça ! Mais le mot parfait s’écrit : Teleios, « accomplis » Quelle confiance
Jésus met en nous !
AMEN !
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