HOMELIE Dimanche de
Pâques. 31 Mars 2013
Jn 20,1-9
La Résurrection du Christ : il y a voir
et voir !
Croyez-vous
que la Résurrection de Jésus se soit manifestée de façon éclatante, comme
certains peintres l’ont imaginée (sur le retable d’Issenheim, à Colmar, par
exemple) : un bel homme, rayonnant de vie, aux plaies refermées,
jaillissant d’une tombe ouverte, auréolé de lumière ! Non ! L’Evangile
de St Jean nous conduit de façon toute autre à découvrir, par des signes, la
foi en la
Résurrection. Cela se fait en quelques étapes que St Jean,
par le choix du vocabulaire, semble indiquer. Parcourrons le récit.
Tout
d’abord, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Le verbe utilisé ici
est blèpo,
blepw qui
signifie voir-constater, qui
donnerait lieu à un procès-verbal
décrivant ce que l’on voit de nos yeux de chair. Elle ne va pas plus
loin ; elle n’entre même pas pour chercher d’autres indices. Sur ce
constat, elle en déduit qu’on a enlevé du tombeau le Seigneur et s’engage sur
une fausse piste. Ayant alerté les Apôtres, Simon-Pierre et “le disciple que Jésus aimait” sortent à
leur tour et se mettent à courir vers le tombeau, eux-mêmes intrigués.
v.5 - Le disciple arrive le premier, se penche
et voit (même verbe blèpo)
“les
linges qui sont là, à plat” *. Nouveau constat, avec un nouvel
indice : les linges, retombés à plat. Mais il n’entre pas.
v.6
- Simon-Pierre arrive à son tour: “Il entre dans le tombeau et voit les
linges, à plat v.7 et le tissu qui était sur sa tête n’est pas à plat avec les
linges, mais enroulé, lui, en place” *.
Le
verbe ici est théorao qewraw (qui a donné en
français : théorie, théoriser, théorème...) Il signifie : observer, regarder attentivement, examiner,
inspecter et même contempler. Simon-Pierre se met donc à tenter de
comprendre ce qu’il voit, d’en chercher le sens.
v.8
- Entre alors l’autre disciple : “Il vit et il crut”. Un troisième
verbe est utilisé : Orao – oraw [qui, sous une autre forme conjugale, a donné en français : ophtalmo]. Ce verbe signifie de façon
courante : voir, mais il a aussi le sens imagé de « voir avec les yeux de l’esprit, de
l’intelligence » c’est à dire comprendre.
D’ailleurs au verset suivant, v.9,
l’évangéliste commente : “ En effet, ils n’avaient pas encore vu
l’Ecriture selon laquelle Jésus devait se relever d’entre les morts”.
Or c’est le même verbe voir/orao qui
est traduit habituellement par comprendre.
Voilà
donc le chemin de la foi en la Résurrection de Jésus parcouru par
« le disciple que Jésus aimait » Il nous invite à le faire à notre
tour. On ne peut croire en la Résurrection s’il n’y a pas d’abord le constat (blèpo)
de la mort de Jésus selon la chair. Suit notre recherche du sens (théorao) pourquoi n’est-il plus
là ? N’y aurait-il pas une vie après la mort ? Mais ces questions,
toutes bien normales, ne suffisent pas pour croire : il faut voir
(orao)
au-delà du visible.
A
tous ceux qui chercheraient des preuves de
la Résurrection, il leur est demandé de changer
leur manière de voir. “Moïse...en
homme qui voit (orao) l’invisible (a-oraton), tint ferme”
He 11, 27
A
tous ceux qui veulent croire, il leur est demandé de partir de la réalité visible de l’existence pour accéder, grâce aux
signes et au témoignage de des Apôtres qui ont donné leur vie pour cela, ainsi
qu’à l’Ecriture lue ensemble en Eglise, pour accéder à la réalité invisible qui ne se confond pas avec nos imaginaires,
tentés par nos délires. (cf. les tentatives sectaires ou à mouvance New Age).
Croire, c’est passer du
voir-avec-nos-yeux-de-chair Celui qui s’est fait chair pour nous au voir, Celui qui est le Christ, le Fils
de Dieu, ressuscité, non sans chercher à comprendre, comme Simon-Pierre.
Ce désir de voir n’est pas méprisable. N’est-ce pas pour cela que Jésus a dit à l’apôtre Philippe à
la veille de sa mort: “Qui me voit, voit le Père” (Jn 14,
9) ? C’est pour cela encore qu’après
sa Résurrection, Jésus « se donnera à voir » aux Apôtres et à
Thomas en particulier, afin qu’ils disent ce qu’ils ont vu. Ce qui n’empêchera
pas Jésus de féliciter ceux qui ne pourront être les témoins privilégiés, comme
les apôtres, de ce voir : « Parce
que tu m’as vu, tu as cru ;
bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » Jn 20,
28.
AMEN !
*
Evangile dans la traduction de sœur Jeanne d’Arc, Ed. Desclée de Brouwer.
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