| Faut-il désacraliser la
          figure du prêtre ? C’est l’une
          des questions qui hantent aujourd’hui l’Église, abîmée
          notamment par les révélations de violences sexuelles ou d’abus spirituels
          commis par des membres du clergé. La définition du sacerdoce forgée
          au concile de Trente (1545–1563),
          pensée en réaction aux idées de Luther, est régulièrement remise en
          cause – alors même qu’elle
          entendait répondre à une crise de crédibilité du clergé. Aux yeux de
          ses critiques, cette vision du prêtre comme un homme sacré, « à part »,
          aurait favorisé l’impunité. Sa sacralité aurait paralysé tout sens
          critique.   Certains plaident alors
          pour un changement de paradigme :
          faire du prêtre un chrétien parmi d’autres, distingué uniquement par
          une fonction. Mais cette vision inquiète certains théologiens. À
          force de désacraliser, ne risque-t-on pas d’effacer la spécificité du
          ministère ? Sa « dimension ontologique » ?   Qu’en pense le pape Léon
          XIV ? Dans son premier discours
          adressé au clergé de Rome, jeudi 12 juin, il a esquissé une vision du
          sacerdoce construite autour de trois axes :
          la communion, l’exemplarité et l’engagement prophétique. Son
          vocabulaire – « service », « chemin pastoral »,
          « engagement » –
          s’inscrit clairement dans la lignée de Vatican II, notamment du décret Presbyterorum ordinis
          (1965), qui avait rompu avec une conception strictement cultuelle du
          sacerdoce. Le prêtre, dans cette perspective, n’est pas un homme
          séparé de la communauté. Le pape américain a ainsi choisi de ne pas
          insister sur son rôle liturgique ou sacramentel. L’Eucharistie n’est
          pas citée dans ce discours, ni les mots de « sacrifice »
          ou « offrande ».   « Réancrage » moral   Les points importants
          qu’il développe concernent la fraternité, la proximité, l’action
          sociale. Les trois prêtres italiens qu’il cite en exemple en
          témoignent : Don Primo
          Mazzolari, Don Lorenzo Milani et Don Luigi Di Liegro, des figures
          engagées dans la défense des pauvres et la justice sociale. Mais le cœur du
          discours vient sans doute plus loin, lorsque le pape aborde les
          fragilités du clergé : « climat culturel qui favorise l’isolement »,
          « sentiment de lassitude »,
          « nivellement par le bas »…
          Il en appelle alors à la cohérence de vie :
          « Engageons-nous
          tous à être des prêtres crédibles et exemplaires », lance-t-il,
          rappelant l’importance d’une vie transparente, fidèle à l’appel
          initial.   « Laissez-vous encore
          attirer par l’appel du Maître, pour ressentir et vivre l’amour de la
          première heure, celui qui vous a poussés à faire des choix forts et
          des renoncements courageux »,
          dit Léon XIV. Ce passage
          tranche avec certaines lectures postconciliaires insistant sur
          l’activité pastorale. Léon XIV
          introduit un autre accent :
          dans un contexte de défiance, la crédibilité du ministère passe
          peut-être par l’exemplarité personnelle. Les prêtres sont invités à
          redevenir des figures de référence, réancrées moralement – sans revenir au modèle tridentin
          du prêtre-sacrificateur, mais sans non plus se contenter d’une
          fonction d’animateur de communautés.   Le 12 juin, Léon XIV
          terminait son adresse aux prêtres en citant saint Augustin (Sermons 138, 10), comme il le fait dans presque
          tous ses discours. « Aimez
          cette Église, restez dans cette Église, soyez cette Église. Aimez le
          bon Pasteur, l’Époux très beau, qui ne trompe personne et ne veut que
          personne ne périsse, lisait le pape. Priez aussi pour les brebis égarées :
          qu’elles viennent elles aussi, qu’elles reconnaissent elles aussi,
          qu’elles aiment elles aussi, afin qu’il y ait un seul troupeau et un
          seul Pasteur. » | 
        
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