mardi 29 octobre 2024

HOMÉLIE TOUSSAINT. Les Béatitudes (Mt 5, 1-12a) - Vendredi 1er Novembre 2024.

 

HOMÉLIE TOUSSAINT. Les Béatitudes (Mt 5, 1-12a)

Vendredi 1er Novembre 2024.

 

« Heureux ! » Quel défi lancé au bon sens commun par chaque béatitude! « Heureux les pauvres, les doux, ceux qui pleurent, les affamés de justice, les miséricordieux… » C’est tout le contraire qui est proposé par la culture ambiante ! Oui, mais "Heureux" dans la Bible veut dire : "Bravo, félicitations: tu as tout compris ! " et même, en hébreu, ashsreï , peut se traduire par "en marche", car ce mot évoque la rectitude de l’homme qui marche sur une route qui va droit vers Dieu ! (note dans la Bible traduite par André Chouraqui)

Il convient bien sûr de ne pas faire de fausse interprétation sur ces béatitudes et tout d’abord, de les traduire correctement. Pauvre n’est pas opposé à riche, mais à orgueilleux (Pauvre de cœur, mot à mot : « petit de souffle » [pneuma et non cardia, est-il écrit dans l’original grec] c'est-à-dire gonflé de soi-même, et donc il y a de la place pour les autres… et pour Dieu ! Toutes les autres béatitudes en découlent et elle est au présent. Prenons quelques-unes de ces Béatitudes.

Ainsi,  "Heureux ceux qui pleurent ! "Mot à mot : Heureux ceux qui sont en deuil”. Car ils vivent un manque profond de l’absence de celui ou celle qui est décédé, et ce manque les rend aptes à chercher et accueillir ce qui les comblera définitivement : “Ils seront consolés” “Paraclèthèsountaï”. Ce mot est formé à partir du verbe Parakaleo qui signifie "appelé à côté de…" et qui dans l’Évangile de St Jean désigne le Paraclet c’est-à-dire  l’Esprit-Saint Lui-même, l’avocat, le consolateur (Jn 14, 16.26). Il s’agit d’une véritable promesse théologale, divine, où Dieu s’engage à être présent à nos côtés dans l’épreuve du deuil, bien au-delà de ce que nous aurions pu attendre.

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice ! Il ne s’agit pas tant de la justice au sens habituel du mot, (qui est régie par des lois pas toujours justes ou mal adaptées) mais d’être  “ajusté à Dieu” ; ceux qui cherchent à comprendre et faire sa volonté, car ils constatent que bien souvent elle n’est pas respectée : nous la demandons en priant le  Notre Père.

Heureux les miséricordieux ! “Eléèmones, qui a donné en français aumône ; aumônier des hôpitaux, des galères…bref les miséricordieux sont ceux qui, comme Dieu, compatissent à la détresse de ceux qui endurent des manques essentiels.

Heureux les cœurs purs ! Littéralement : Purs [catharoï] de cœur” qui ne sont pas doubles ; qui n’ont qu’un seul comportement avec Dieu comme avec les autres. Nets. “Que votre parole soit oui, oui ! non, non ! Tout le reste vient du mauvais” Mt 5, 37. Il y a tant de mensonges autour de nous, colportés sur les réseaux sociaux, certains médias, publicité, quand ce n’est pas au cœur de nos familles, de nos entreprises ou  des institutions.

Voilà donc pour quelques-unes de ces Béatitudes traduites au plus près du texte grec d’origine. Elles relèvent toutes d’une même disposition : celle de la reconnaissance d’un manque

Mais elles peuvent aussi nous effrayer par leurs exigences.

C’est là que les saints nous sont d’un grand secours à condition de ne pas les prendre d’abord comme des héros, mais comme des femmes et des hommes de foi qui ont fait confiance en écoutant et suivant leur maître et Seigneur Jésus. Un jour ou petit à petit, ils ont été touchés par une parole du Christ et ils ont découvert qui était le Père dont parlait si souvent Jésus. Un Père passionnément amoureux des hommes et qui désire que chacun devienne son enfant comme nous le rappelait St Jean dans la deuxième lecture de cette fête. Bien sûr, le Père compte sur notre concours et ne fait rien sans nous : c’est une question d’amour respectueux. La multitude de ces hommes et de ces femmes que nous dévoilait l’Apocalypse a donc écouté le Fils et mis en œuvre une des béatitudes en l’accomplissant jusqu’au bout. Ils ont pris conscience de leurs manques ; ils ont su qu’ils ne pourraient être heureux tout seul ; que le Seigneur vient les sauver, les libérer de leurs enfermements, péché d’origine, s’il en est un ! C’est en nous engageant sur ce chemin de bonheur que l’Esprit de Dieu transforme notre cœur en venant l’habiter et en combattant avec nous contre les forces du mal. Jésus n’a-t-Il pas illustré Lui-même ces Béatitudes tout au long de sa vie ?

En Communion avec Lui et avec tous les saints et bienheureux, choisissons l’une des béatitudes et familiarisons-nous avec l’un ou l’autre de ces aînés en le prenant comme “parrain” ou “marraine”, mais également comme intercesseur, actif auprès du Père dans cette immense Communion des Saints que nous proclamons chaque Dimanche dans notre Credo.

Rendons grâce au Seigneur pour le Trésor spirituel qu’Il nous offre et Bonne Fête à Tous !

         AMEN !

jeudi 24 octobre 2024

HOMÉLIE 30ème Dimanche du Temps Ordinaire B. " Bartimée, l’aveugle de Jéricho". Mc 10, 46-52 - 27 Octobre 2024.

 

HOMÉLIE 30ème Dimanche du Temps Ordinaire B.

27 Octobre 2024. Mc  10, 46-52

Bartimée, l’aveugle de Jéricho.

Qui est entré  dans Jéricho quand les murs sont tombés ? Le premier conquérant de la Terre Sainte, arrivant d’Égypte après 40 ans de désert : Josué [Yeoshua, « Dieu sauve »] : c’est le même nom que Jésus. Pourtant Lui sort de Jéricho : il a traversé la ville et il ne s’est rien passé !  Et pourtant, Jéricho a bien représenté le moment fort de l’entrée en Terre Promise alors regardons de plus près.

Tandis que les disciples et une foule nombreuse accompagnent « Jésus de Nazareth », assis au bord du chemin, se tient un homme qui a perdu la vue, Bartimée. En tant qu’aveugle, comme s’il avait péché, il est exclu de la vie ordinaire, laissé sur la touche. Cependant, s’il ne voit pas, il écoute, en vrai fils d’Israël : « Écoute Israël… » (« Shema Israël… » Deutéronome 6, 4, profession de foi de base de tout israélite, répétée trois fois par jour). Dans sa nuit, n’éprouve-t-il pas un manque profond de communication ? Il est de ceux que désigne la béatitude : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés » (Matthieu 5, 5) que l’on peut traduire mot à mot : « En marche (levez-vous !) ceux qui sont en deuil (et qui donc vivent un manque profond) : ils auront la Consolation, (c'est-à-dire, le Messie Lui-même) », comme le vieillard Siméon qui attendait la “Consolation d’Israël” : Luc 2, 25.

Un cri jaillit alors de sa poitrine : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » N’est-ce pas là une vraie profession de foi messianique?  La foule ne voit en Jésus que le rabbi guérisseur de Nazareth à qui elle fait honneur. Elle est gênée par les cris de détresse et d’espoir de cet aveugle. Mais lui, de plus en plus fort, clame sa profession de foi et son espoir : « Fils de David, aie pitié de moi ! ». Malgré le brouhaha, Jésus s’arrête : lui aussi sait écouter. Alors la foule change d’attitude : « Bon ! Courage ! Lève-toi, Il t’appelle ! » Et lui rejetant son manteau, se libérant du peu qu’il avait, bondit vers Jésus.

« Que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Quelle drôle de question ! Mais ne traduit-elle pas toute la délicatesse de Jésus qui demande que nous disions clairement ce que nous désirons, même quand la demande est on ne peut plus naturelle et humaine ? 

« Que je recouvre la vue ! » A comprendre au premier comme au second degré : voir, jouir de sa vue, et voir le vrai sens des choses telles que Dieu les voit. « Va, ta foi (cette autre manière de voir à la façon de Dieu) t’a sauvé ». Elle t’a fait entrer dans toute la lumière, Bartimée, à tel point qu’à présent, tu veux suivre ton Sauveur. « Il recouvra la vue et le suivait sur le chemin ».

Jésus quitte Jéricho pour monter à Jérusalem, cœur de la foi. Il va y être acclamée par la foule aux cris de : « Hosanna au Fils de David ! » (Marc 11, 8-10) et les gens jetteront leurs manteaux sur son passage.

         Le chemin de libération du Sauveur commence à Jéricho pour s’achever à Jérusalem, avec, comme pour héraut et premier sauvé, Bartimée. Ce chemin fait appel à la foi qui fait entrer dans la Vie.

ü “Voir” au-delà des apparences, comme Bartimée qui devint son disciple (acolyte dans le texte) et non comme cette foule « suiveuse » qui accompagnait Jésus et en appeler à Jésus.

ü Éprouver nos manques pour lui demander de les combler, Lui le Messie, la Consolation d’Israël, le Fils de David.

ü Suivre le nouveau Josué, suivre le libérateur, sur la route alors qu’Il monte à Jérusalem pour passer de ce monde à son Père, de cette terre à la Terre Promise, définitive.

Bartimée : le "fils de Timée", dit l’Évangile, mais cela ne nous renseigne pas beaucoup. Et pourtant, Timée, en araméen, désigne l’impur ; celui qui a péché : Bartimée, le “fils de l’impur” ; mais en grec, cela signifie : “Le fils très précieux” !

Ne nous invite-t-il pas à une magnifique conversion ?

AMEN !


jeudi 17 octobre 2024

HOMÉLIE 29ème Dimanche Ordinaire B. "Demande des fils de Zébédée" Mc 10,35-45 - 20.10.2024

 

HOMÉLIE 29ème Dimanche Ordinaire B. Mc 10,35-45

20.10.2024

 

Demande des fils de Zébédée

 

L’Évangile de ce Dimanche est à la fois pittoresque et bien révélateur. Pittoresque car il met en scène deux disciples qui composaient, avec deux autres frères, Pierre et André, le noyau dur des Apôtres de Jésus. Il les a appelés à être témoins de la résurrection de la fille de Jaïre : Mc 5,37 ; de sa Transfiguration : Mc 9,2 ; de ses pleurs sur Jérusalem « qui n’a pas connu le temps où elle a été visité » : Mc 13,3 enfin de son Agonie : Mc 14,33.

« Fils de Zébédée », quelle belle appellation ! Elle vient de l’hébreu « Ze-badyahu » qui signifie « Cadeau de Dieu » ! Ne croyons pas trop vite qu’ils aient été plus ambitieux que les autres apôtres qui s’indignèrent de leur démarche. N’ont-ils pas  tout quitté pour suivre Jésus ? Ils avaient pourtant une belle place auprès de leur père Zébédée, patron d’une pêcherie florissante. S’ils demandent à être l’un à droite, l’autre à gauche de Jésus, n’est-ce pas pour rester tout près de Lui ? D’ailleurs, Jésus ne les blâme pas, ni ne se fâche : à aucun instant il ne conteste leur désir d’être auprès de Lui : mais Il les invite à Le suivre sur le chemin difficile et étroit de Sa Passion et de Sa Mort où « Il boira Lui-même la coupe jusqu’à la lie ».

         Jésus livre alors son message essentiel, celui qui nous révèle Dieu tel qu’Il est. « Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude ». Le mot « rançon » est souvent mal compris. J’emprunte à Marie-Noëlle THABUT le commentaire suivant : « Aujourd'hui, quand nous entendons le mot rançon, c'est dans le contexte d'une prise d'otage, il s'agit de payer la somme exigée par les ravisseurs, seul moyen d'obtenir la libération du prisonnier. Le mot "rançon" désigne le montant de la somme à verser... Tandis qu'à l'époque du Christ, au contraire, le mot rançon  signifiait la libération, c'est-à-dire la seule chose importante en définitive. Le mot grec qui a été traduit par rançon (Lutron) est dérivé du verbe Luo) qui signifie « délier, détacher, délivrer…Dieu est libérateur »                 

        

Rester près de Jésus et porter son message comme l’ont fait Jacques et Jean, c’est devenir « serviteur » comme le maître, donné à fond, "jusqu’au bout". (L’Évangile utilise également le mot "esclave"). Seuls ceux qui ont vécu et vivent aujourd’hui cela ont été ou deviennent vraiment "missionnaires".

Exercer un pouvoir dans l’Église, à la suite du Christ, c’est être au clair avec nos motivations et repérer toutes celles centrées sur nos propres désirs et intérêts qui auraient pour conséquences d’écraser les autres. Être à sa place, souvent appelé par une autorité responsable dans l’Église ou par la Communauté, demande d’avoir une vie intérieure humble et qui a de l’espace pour Dieu et les autres.

 C’est bien ce à quoi le Christ nous appelle tous et chacun d’entre nous, dans des situations très diverses : parents, éducateurs, enseignants, catéchistes, animateurs d’Aumônerie de Club St Quentin, de mouvements scouts, membres de Communauté Nouvelle, mais aussi engagés et bénévoles dans un service caritatif ou auprès de malades ou personnes âgées : le champ est large et il y a de la place pour tout le monde. Vivons en serviteurs avec ce "cocktail missionnaire" fait de respect, de bienveillance, d’accueil, de patience, de vigilance et courage, priant sans cesse l’Esprit Saint.

         Prions-Le les uns pour les autres ; pour les missionnaires au loin ou tout près de nous,

AMEN !