HOMELIE de la FÊTE de la
SAINTE TRINITE A – Jn 3,16-18
7 Juin 2020
Quand nous parlons de Dieu, de qui parlons-nous ?
Vaste question que déjà, à Rome vers 150, un philosophe chrétien et
martyr d’origine palestinienne, St Justin, se posait alors qu’il écrivait une Apologie
pour les chrétiens. Voici ce qu’il écrivait.
“Car personne n’est capable d’attribuer un nom à Dieu qui est au-dessus
de toute parole, et si quelqu’un ose prétendre qu’il y en a un, il est atteint
d’une folie mortelle. Ces mots : Père, Dieu, Créateur, Seigneur et Maître
ne sont pas des noms, mais des appellations motivées par ses bienfaits et par
ses œuvres. Le mot Dieu n’est pas un nom, mais une approximation naturelle à
l’homme pour désigner une chose inexplicable »
Alors pourquoi les
théologiens ont-ils inventé ce nom de Trinité, [Tri-Unitas=Trois en Un]
pour parler de Dieu ?
Après les
persécutions des chrétiens qui ont duré trois siècles, l’Église va être amenée
à préciser ce en quoi elle croit. Il ne s’agit pas de retomber dans la
présentation d’une trilogie de divinités païennes que la vie civile et
religieuse vient d’abandonner en même temps que l’empereur Constantin, vers
313, (Édit de Milan). Il s’agit, tout en gardant la fidélité à la Révélation,
transmise dans la Sainte Écriture (Dieu
est "Un", Dt 6,4), de tenir compte de la venue dans l’Histoire
de Jésus, Christ et Seigneur, et de l’Esprit Saint de Dieu, qui se répand
sur toute la terre et tous les peuples. Oui Dieu est UN, mais s’Il est
l’Amour, comment peut-Il rester seul ? Et c’est la proposition faite
par les Pères d’introduire la notion de “personne”, être unique, capable
de relations, distinct au cœur même de l’intimité de Dieu : un seul
Dieu en trois personnes, de même nature, non-créées…Nous entrons dans l’un
des trois grands “Mystères” de notre foi : Incarnation, Rédemption et
Trinité. C’est à dire que nous n’aurons
jamais fini de comprendre qui est Dieu. Alors, pourquoi se casser la
tête ?
Eh bien je pense que
ça vaut le coup de s’arrêter un instant sur cette proposition de foi en Dieu.
Un Dieu seul, on peut l’enfermer dans une définition, une conception qui peut
devenir vite oppressante, exclusive : Dieu de justice, Dieu tout-puissant,
Dieu éternel… Ce que St Justin dénonçait. Elles rejoignent volontiers nos
frustrations, nos limites pour les transcender en un dieu, qui est forcément “avec
nous” (Gott mit uns !), de notre côté…
Dieu n’est pas pour le chrétien une idée, pas plus
qu’Il n’est le “Dieu du Livre” : il est quelqu’un de vivant, qui a fait alliance avec les hommes et
leur parle à travers de nombreux personnages. Il entretient avec son peuple et
avec chacun une relation personnelle, jusqu’à la réaliser en son Fils venu
“planter sa tente” parmi nous (Jn 1,14). C’est la grande différence que nous
avons avec le Dieu des musulmans qui n’a fait alliance avec qui que ce soit.
De plus, avec Dieu Trinité, nous avons un Dieu en Trois
personnes unies dans une relation d’amour incessante qui nous empêche de
l’enfermer dans une idéologie quelconque, car Il est un courant de Vie. Et si
nous prenons au sérieux les premières paroles de la Bible qui nous définissent,
nous les hommes, “comme créés à son image, comme sa ressemblance”, alors il
existe en nous, inscrit dans notre nature, cette nécessité, cette exigence de vivre en relation avec les autres, sans
laquelle il ne peut y avoir de vrai bonheur. La Trinité Sainte, loin d’être une
simple notion théologique, est ce “Dieu tendre et miséricordieux” (Ex
34,6)
révélé à Moïse au Sinaï, exprimé dans notre première lecture et
rappelé par St Jean dans l’Évangile d’aujourd’hui : “Dieu a tant aimé le monde qu’Il
a donné son Fils Unique” et tout homme qui croit… entrera dans la vie
de Dieu… par l’Esprit Saint. De plus, ce Dieu ne veut pas “juger le monde, mais le sauver par son Fils”.
Ce qui sauve, c’est de croire, c’est à dire d’accueillir le don de
Dieu, cet Amour de Dieu : le laisser nous envahir, pour qu’il nous
imprègne et nous transforme, pour qu’Il nous
“divinise” à son image et ressemblance ! Cela se vérifie par l’amour que
nous portons aux autres.
Alors, frères et sœurs, ne nous trompons pas de Dieu !
AMEN !
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