jeudi 25 juin 2020

HOMELIE 13ème Dimanche Ordinaire, Année A - Mt 10,37-42 - 28 Juin 2020


HOMELIE 13ème  Dimanche Ordinaire, Année A Mt 10,37-42
28 Juin  2020

“Celui qui ne haïra pas son père…”

Voici des paroles de Jésus qui peuvent nous paraître bien sévères : « Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ; Qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi. Qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi. Qui ne prend pas sa croix et ne suit pas derrière moi n'est pas digne de moi. Qui aura trouvé sa vie la perdra et qui aura perdu sa vie à cause de moi la trouvera. » Mt 10, 37-39.

         Et ce, juste au moment où commencent les vacances estivales qui sont un temps privilégié pour que les familles se retrouvent, se re-créent. Comment comprendre ce passage d’Évangile ?

Cette parole porte sur l’amour filial et semble contredire le 4ème Commandement : « Honore ton père et ta mère, afin que se prolongent tes jours sur la terre que te donne Yahvé ton Dieu. (Ex 20, 12) et celui qui maudit son père ou sa mère, qu’il soit puni de mort. (Ex 21, 17)
Jésus reprend d’ailleurs ce commandement à son compte pour dénoncer l’hypocrisie des pharisiens : « Mais vous, vous dites: Quiconque dira à son père ou à sa mère: "Les biens dont j'aurais pu t'assister, je les consacre" [sous-entendu au Temple de Jérusalem], celui-là sera quitte de ses devoirs envers son père ou sa mère. Et vous avez annulé la parole de Dieu au nom de votre tradition. Hypocrites ! » Mt 15, 5-7.

         Reprenons la parole de Jésus : « Celui qui aime son père…. »
                   Dans ce verset, le mot “aimer”, que l’Évangile utilise, est le mot grec philein qui n’est pas celui qui, dans les synoptiques, désigne l’amour de Dieu et du prochain. (agapân). Il a même chez Matthieu un sens péjoratif : « Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites: ils aiment (philein), pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu'on les voie » Mt 6, 5 ou  « [Les scribes et les pharisiens] aiment (philein) à occuper le premier divan dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à recevoir les salutations sur les places publiques et à s'entendre appeler Rabbi par les gens ». Mt 23,6-7.                             Jésus veut faire comprendre à ses disciples que les liens familiaux, certes légitimes, peuvent devenir des obstacles sur le chemin de ceux qui veulent suivre Jésus. Les disciples eux-mêmes n’ont-ils pas quitté leur père (et leur filets…) pour suivre Jésus ? Il en a été ainsi, pour bien des saints, par exemple, pour St François d’Assise.
                   Il s’agit donc de faire un choix nécessaire : les proches et la famille peuvent être ou une aide ou un obstacle : « Nul n’est prophète en son pays ! » Lc 4,24  et Jésus le rappelle à sa famille même, sans remettre en cause l’amour filial, fondement des liens entre générations. L’amour de Dieu ne peut qu’élever l’amour filial en lui apportant toute sa force purificatrice, puisqu’à l’exemple du Christ, il peut aller jusqu’au don de sa vie. L’amour de Jésus pour Marie, sa mère, n’en est-il pas la meilleure illustration ?

                        Prenons donc ce temps estival pour renforcer, par l’attention, l’écoute, le service et le bon temps à partager ensemble, les liens d’affection et d’amour avec ceux que nous côtoyons tout au long de l’année : enfants et parents ; épouses  et époux ; petits-enfants et grands parents ; voisins ou personnes isolées. Nous rendrons gloire ainsi au Seigneur et ferons grandir les petites cellules d’Église que sont nos familles ou nos proches. Que nous soyons deux ou trois ou une ribambelle, c’est sans doute en pensant à tous les couples et à toutes les familles que le Seigneur a dit un jour à ses disciples : “De même, je vous le dis en vérité, si deux d'entre vous, sur la terre, unissent leurs voix pour demander quoi que ce soit, cela leur sera accordé par mon Père qui est aux cieux. Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d'eux." (Mt 18, 19-20)


AMEN !

jeudi 18 juin 2020

HOMELIE 12ème Dimanche Ordinaire. Année A. 21 Juin 2020 - Mt 10, 26-33


HOMELIE  12ème Dimanche Ordinaire. Année A. 21 Juin 2020
Mt 10, 26-33

« Ne craignez pas !...Vous valez bien plus que tous les moineaux du monde.» Mt 10, 31

Par trois fois, Jésus dit aux disciples : « Ne craignez pas ! » Il les prévient que Le suivre est exigeant et qu’ils rencontreront des obstacles auprès des hommes.
Il est vrai qu’en osant dire notre foi au cours d’une conversation dans notre milieu de travail, notre école ou même parfois au cœur de notre famille, nous nous exposons à ceux qui y sont étrangers, indifférents ou même hostiles. Se croyant dans la “vraie vie”, celle des branchés, des forts, des gagnants sans états d’âme ni scrupules, ils nous  tourneront en dérision et s’éloigneront de nous comme gênants, à ne pas trop fréquenter, catalogués comme cathos ou ringards. Plusieurs d’entre nous ont pu déjà l’éprouver.

Ne craignez pas le jugement des hommes, nous dit Jésus mais placez-vous sous le regard du Père : Il veille sur nous au point de « compter tous les cheveux de notre tête ! Car « chacun de nous vaut bien plus qu’une multitude de moineaux ». Mais d’abord, Jésus nous demande d’écouter son enseignement “reçu dans le creux de l’oreille” pour que nous le comprenions en toute liberté, personnellement, et le méditions dans notre cœur afin de pouvoir le présenter en connaissance de cause au grand jour. Cela suppose évidemment de notre part écoute, formation, réflexion et mise en proposition pour toucher notre entourage. Alors, faut-il aussitôt le « proclamer sur le toit ? »
St Pierre recommandait aux premiers chrétiens « d’être toujours prêts à nous expliquer devant tous ceux qui nous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en nous » (1 P 3,15). Et je crois que c’est Paul VI qui invitait à témoigner ainsi : « Ne parle que si l’on t’interroge, mais vit de façon à ce qu’on t’interroge » et au Conseil des laïcs en 1974 il disait : « Le monde n’a pas besoin de maîtres mais de témoins. Ils suivront des maîtres lorsqu’ils seront des témoins »

         Mais alors, ne faut-il plus enseigner ?
Comment les enfants et les jeunes connaîtraient-ils l’enseignement de Jésus, si nous restions muets ? Bien sûr, sans un minimum de connaissances et de réflexion, nous serions incapables de rendre compte de notre foi ? Quelle espérance leur proposer, si nous nous taisions sur les grandes questions qui se posent à notre humanité aujourd’hui et qui ne sont pas abordées dans l’esprit de l’Évangile, mais dans l’esprit du monde ? L’Église, à la suite du Christ, continue à éclairer les questions éthiques et sociales.
Dans cet esprit, le pape François a annoncé, pour 2020-2021, une année "Laudato Si". Son Encyclique  consacrée à la sauvegarde de notre Maison commune, s’adressant à toute l’humanité, a reçu un très grand accueil bien au-delà du périmètre catholique suscitant de l’intérêt, dans la sphère scientifique et universitaire. Elle sera suivie d’un programme de 7 ans pour promouvoir sa mise en œuvre concrète.
Pourquoi ne pas profiter de ces temps de vacances, où du temps nous est donné, pour la lire par petites doses (car elle est très riche). Elle pourra approfondir nos connaissances et éclairer nos comportements et ceux de notre société.
Par ailleurs, abordant d’autres sujets que l’encyclique, des livres, mais aussi des sessions d’été existent, dans des cadres et des conditions agréables, seul ou en groupe, en famille.


Ne craignez pas ! Votre père veille sur vous encore mieux que sur tous les moineaux du monde. Il est avec nous et à notre mort, Jésus Lui-même s’est engagé à être notre avocat auprès de Lui pour nous introduire pleinement dans la vie nouvelle et vraie qui ne périt pas.
AMEN !

jeudi 11 juin 2020

HOMELIE Dimanche de la FETE du CORPS et du SANG du CHRIST Jn 6,51-58 - 14 Juin 2020


HOMELIE Dimanche de la FETE du CORPS et du SANG du CHRIST
Jn 6,51-58 - 14 Juin 2020

 « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle… » Ces paroles, si elles sont prises au premier degré, sont choquantes et incompréhensibles. L’expression “boire le sang” viole l’un des tabous alimentaires les plus forts de la Loi juive (la kascheroute) : interdiction absolue de s’approprier le sang d’un animal et à plus forte raison d’un homme. Le sang, c’est la vie (Lévitique 7,11) et la vie appartient à Dieu. On comprend que cela en ait rebuté plus d’un.
Alors comment comprendre ces paroles et que croyons-nous lorsque nous allons recevoir le Corps du Christ ?
Quelques précisions de vocabulaire pourront les éclairer et en faire saisir la profondeur et le don incroyable que nous fait le Seigneur.
                   Contrairement aux trois autres Évangiles ainsi que Paul, l’Évangile de Jean n’emploie pas le mot corps “soma”, ce par quoi l’homme entre en relation avec les autres et l’univers, qui nous sollicite tant aujourd’hui et nous impose des règles sanitaires. Il emploie le mot chair “sarx”. Dans la Bible ce mot désigne non pas la matière faite de cellules, mais la personne qui est déterminée par son corps. « Toute chair verra le salut de Dieu »  « De nouvelle lune en nouvelle lune, et de sabbat en sabbat, toute chair viendra se prosterner devant ma face, dit Yahvé. » (Is 66, 23) et « Et si ces jours-là n’étaient abrégés, personne (mot à mot : toute chair) n’aurait la vie sauve ». (Mt 24,22) La chair  qualifie la condition terrestre et fragile, par opposition à l’esprit qui indique l’origine céleste ou divine : « Le Verbe s’est fait chair… , exprime l’abaissement du Fils du Père qui prend, sans tricher, notre condition d’homme avec ses limites.
                   Enfin, la chair, sous l’influence de l’hellénisme, désigne parfois la pesanteur de l’homme et sa propension au mal, au péché : « Car la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair; il y a entre eux antagonisme, si bien que vous ne faites pas ce que vous voudriez » (Ga 5, 17)

         Quant au mot corps, il n’est pas sans signification non plus. Il n’est pas seulement la matérialité d’un être. C’est lui qui nous donne notre identité. Il y avait, jusqu’à il y a quelque temps, l’empreinte digitale ; il y a maintenant l’œil et évidemment l’ADN ! Je suis mon corps ! Quant au sang, il exprime évidemment la vie puisque sans lui, nous sommes morts. Quand Jésus dit aux Apôtres : « Ceci est mon Corps » Il dit : « Ce pain, c’est moi, et non un autre ! Quand Il dit : « Ceci est mon sang » Il dit : « Ce vin, c’est moi vivant ! ». Par ce langage symbolique, Jésus invite les siens à Le recevoir, Lui, Dieu, et à recevoir la vie qu’Il communique de sorte que nous pourrons, avec Lui, “livrer” notre vie, ce qui n’est pas le plus facile à faire.
                   Les paroles de Jésus portent encore un autre symbolisme très fort. Il est le Pain vivant : Il n’est plus ce pain que Dieu a donné chaque jour à son peuple, la manne, tout au long de son Exode pour le soutenir dans sa marche et le nourrir jusque la Terre Promise où il ne sera plus nécessaire. Il est le « Pain descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ». Désirons-nous vraiment cette nourriture essentielle pour notre chemin sur la terre ? Ce pain qu’Il nous donne « pour que nous vivions éternellement »  jusqu’à ce que nous soyons arrivés au terme de notre vie, c'est-à-dire en Terre Promise ?  « Donne-nous notre pain de ce jour » demandons–nous dans le Notre Père. (Il est même écrit, mot à mot : Donne-nous le pain supersubstanciel). Il est tellement essentiel que Jésus ne nous demande pas seulement de le “manger” [Phagon] mais de le “mastiquer” [Trogon], comme les juifs étaient invités à mastiquer la chair de l’Agneau pascal pour goûter la libération d’Égypte que le Seigneur leur offrait. Ne devons-nous pas goûter à notre tour la libération que nous apporte “l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde” : Lui qui prend notre mal, nos péchés, pour nous en délivrer ?
                   Rendons grâce de tout notre être, corps, cœur, esprit, âme à Celui qui nous aime jusqu’à se donner entièrement à nous et en nous et qui nous invite à faire Corps avec Lui et à « former un seul corps puisque nous avons part à un seul pain » (1 Corinthiens 10,17) !

AMEN !

vendredi 5 juin 2020

HOMELIE de la FÊTE de la SAINTE TRINITE A – Jn 3,16-18 7 Juin 2020


HOMELIE de la FÊTE de la SAINTE TRINITE A – Jn 3,16-18
7 Juin 2020

Quand nous parlons de Dieu, de qui parlons-nous ?
Vaste question que déjà, à Rome vers 150, un philosophe chrétien et martyr d’origine palestinienne, St Justin, se posait alors qu’il écrivait une Apologie pour les chrétiens. Voici ce qu’il écrivait.
Car personne n’est capable d’attribuer un nom à Dieu qui est au-dessus de toute parole, et si quelqu’un ose prétendre qu’il y en a un, il est atteint d’une folie mortelle. Ces mots : Père, Dieu, Créateur, Seigneur et Maître ne sont pas des noms, mais des appellations motivées par ses bienfaits et par ses œuvres. Le mot Dieu n’est pas un nom, mais une approximation naturelle à l’homme pour désigner une chose inexplicable »  

Alors pourquoi les théologiens ont-ils inventé ce nom de Trinité, [Tri-Unitas=Trois en Un] pour parler de Dieu ?
Après les persécutions des chrétiens qui ont duré trois siècles, l’Église va être amenée à préciser ce en quoi elle croit. Il ne s’agit pas de retomber dans la présentation d’une trilogie de divinités païennes que la vie civile et religieuse vient d’abandonner en même temps que l’empereur Constantin, vers 313, (Édit de Milan). Il s’agit, tout en gardant la fidélité à la Révélation, transmise dans la Sainte Écriture (Dieu est "Un", Dt 6,4), de tenir compte de la venue dans l’Histoire de Jésus, Christ et Seigneur, et de l’Esprit Saint de Dieu, qui se répand sur toute la terre et tous les peuples. Oui Dieu est UN, mais s’Il est l’Amour, comment peut-Il rester seul ? Et c’est la proposition faite par les Pères d’introduire la notion de “personne”, être unique, capable de relations, distinct au cœur même de l’intimité de Dieu : un seul Dieu en trois personnes, de même nature, non-créées…Nous entrons dans l’un des trois grands “Mystères” de notre foi : Incarnation, Rédemption et Trinité. C’est à dire que nous n’aurons jamais fini de comprendre qui est Dieu. Alors, pourquoi se casser la tête ?
Eh bien je pense que ça vaut le coup de s’arrêter un instant sur cette proposition de foi en Dieu. Un Dieu seul, on peut l’enfermer dans une définition, une conception qui peut devenir vite oppressante, exclusive : Dieu de justice, Dieu tout-puissant, Dieu éternel… Ce que St Justin dénonçait. Elles rejoignent volontiers nos frustrations, nos limites pour les transcender en un dieu, qui est forcément “avec nous” (Gott mit uns !), de notre côté…
Dieu n’est pas pour le chrétien une idée,  pas plus qu’Il n’est le “Dieu du Livre” : il est quelqu’un de vivant, qui a fait alliance avec les hommes et leur parle à travers de nombreux personnages. Il entretient avec son peuple et avec chacun une relation personnelle, jusqu’à la réaliser en son Fils venu “planter sa tente” parmi nous (Jn 1,14). C’est la grande différence que nous avons avec le Dieu des musulmans qui n’a fait alliance avec qui que ce soit.
         De plus, avec Dieu Trinité, nous avons un Dieu en Trois personnes unies dans une relation d’amour incessante qui nous empêche de l’enfermer dans une idéologie quelconque, car Il est un courant de Vie. Et si nous prenons au sérieux les premières paroles de la Bible qui nous définissent, nous les hommes, “comme créés à son image, comme sa ressemblance”, alors il existe en nous, inscrit dans notre nature, cette nécessité, cette exigence de vivre en relation avec les autres, sans laquelle il ne peut y avoir de vrai bonheur. La Trinité Sainte, loin d’être une simple notion théologique, est ce “Dieu tendre et miséricordieux” (Ex 34,6) révélé à Moïse au Sinaï, exprimé dans notre première lecture et rappelé par St Jean dans l’Évangile d’aujourd’hui : “Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils Unique” et tout homme qui croit… entrera dans la vie de Dieu… par l’Esprit Saint. De plus, ce Dieu ne veut pas “juger le monde, mais le sauver par son Fils”.
Ce qui sauve, c’est de croire, c’est à dire d’accueillir le don de Dieu, cet Amour de Dieu : le laisser nous envahir, pour qu’il nous imprègne et nous transforme, pour qu’Il nous “divinise” à son image et ressemblance ! Cela se vérifie par l’amour que nous portons aux autres.

Alors, frères et sœurs, ne nous trompons pas de Dieu !
 
AMEN !