HOMELIE 7ème
Dimanche Ordinaire C – Lc 6, 27-38
24 Février
2019
« A celui qui te frappe sur la joue, tends l’autre » Lc
6,29
Avec l’Évangile de ce jour, nous avons le cœur du message de Jésus. Sa radicalité me
laisse penser qu’il n’est pas d’inspiration humaine à moins de prendre Jésus
pour un doux rêveur ou le roi des utopistes, ce que n’ont pas manqué de faire,
en leur temps, les Renan et même certains invités d’un plateau télévisuel où
j’ai vu et entendu comment la recommandation de Jésus : « A celui qui te frappe sur la joue,
tends l’autre » était tournée en dérision. Il m’est ainsi arrivé,
quand j’étais curé à St Quentin–les-Sources, un soir où la catéchiste
présentait ce texte d’Evangile aux parents qui faisaient la catéchèse à leur
enfant, qu’une mère de famille se leva pour lui dire : « Si vous
enseignez çà à mon enfant, je le retire du catéchisme : je ne veux pas
qu’il soit une carpette ! » C’est vrai que ce que demande Jésus
paraît héroïque : « A celui qui prend ton manteau, laisse
prendre aussi ta tunique. Donne à celui qui te demande, ne réclame pas à celui
qui te vole » Paroles toutes aussi rebutantes et inaccessibles au
commun des mortels que nous sommes. Alors, Dieu voudrait-il nous mettre
systématiquement en échec ou nous défier jusqu’à ce que nous soyons des
héros ?
Revenons à la parole de Jésus qui bloquait cette maman. Faut-il
donc prendre cette parole au pied de la lettre ? Je lui ai répondu
alors : « Madame, lorsque Jésus demande quelque chose, Il le fait
Lui-même. Or lorsqu’au cours de sa parution devant les chefs religieux lors de
sa Passion, le serviteur du Grand-prêtre frappa Jésus sur la joue, a-t-Il tendu l’autre
joue ? Non ! Mais il s’est adressé
au serviteur en lui demandant : « Si j’ai mal parlé, montre-le ;
sinon pourquoi me frappes-tu ? » Jn 18,23. Il a fourni
à ce serviteur la possibilité de justifier son acte ; Il l’a donc
responsabilisé. Madame, vous pouvez
laisser votre enfant au catéchisme : Jésus ne s’est jamais
"écrasé" devant la violence, même si au cours de Sa Passion, Il l’a
acceptée pour être solidaire de toutes les victimes du monde qui n’ont pu faire
entendre leurs voix ».
Tout
de suite après, je suis allé regarder comment était écrit l’original grec de ce
passage d’Évangile. En voici la traduction mot à mot : « A
celui qui te frappe sur la joue, présente l’autre chose ». [Dans
le texte original, il n’y a pas le "dual" comme dans une autre parole
due Jésus : « Nul ne peut servir deux maître : car ou il haïra l’un
et aimera l’autre… » Lc 16,13 – Dans la parole de ce jour, le terme
autre est pris dans le sens de "différent".
Jésus a commencé en s’adressant aux disciples par : « Aimez
vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent… »
Mais
que signifie « Aimer ses ennemis » ? “Agapao”. Aimer : Il
n’est pas question de l’affection que l’on a, par exemple pour un membre chéri
de sa famille, ni de l’amitié que l’on porte à un égal, ni davantage de
l’amour-passion. Il s’agit d’avoir estime et bienveillance pour l’ennemi,
et de le manifester par des gestes et des paroles. Jésus donne ainsi des exemples
formulés avec “Tu” : la non-résistance à la violence, le don de
façon généreuse… même au voleur ; il s’agit de céder, dans tous les sens
du terme, et en particulier, « de ne pas riposter au méchant »
pour ne pas ajouter un mal à un autre mal. Vient alors la règle d’or
(cette fois-ci avec “vous”, qui suggère de passer du rapport personnel à
l’autre à la dimension communautaire) : « Ce que vous voulez que les
autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux ».
Mais il va plus loin :
Il conclut par : « Alors vous serez les fils du
Très-Haut, car il est bon Lui, pour les ingrats et les méchants ».
Les exigences qu’Il a énoncées ne reposent pas sur la bonté foncière de l’être
humain, mais sur la bonté de Dieu. C’est Lui le modèle à imiter. Créé à l’image
de Dieu plein de miséricorde, le croyant est appelé à jeter un regard
miséricordieux sur tous les hommes, y compris les ennemis. Il nous est
impossible de le faire sans sa présence en nous, sans la grâce de son
Esprit-Saint. Quand il nous est humainement impossible de pardonner, c’est
Lui qui pardonne en nous ; quand il nous est impossible de donner, c’est
Lui qui nous aide à relativiser nos biens et à amasser un trésor dans les
cieux…
Dans le fond, il n’y a pas de réponse possible aux exigences
d’amour de Jésus sans Lui, ce qui revient à dire qu’on ne peut être chrétien
sans une communion profonde avec Lui.
N’est-ce pas ce qu’Il
nous invite à faire à présent avec Lui en continuant notre Eucharistie ?
AMEN !