HOMELIE TOUSSAINT – Mt 5,1-12 LES BEATITUDES -1er Nov.2020
Connaissez-vous dans la Bible quelqu’un, suivi d’une foule, qui gravit une montagne et reçoit les “Dix Paroles” ? Vous l’avez tous deviné : Moïse, au Sinaï, sur le Mont Horeb. Eh bien l’évangéliste Matthieu, au début du ministère de Jésus, va nous le présenter comme le nouveau Moïse. Mais cette fois-ci, les Dix Paroles [que l’on appelle habituellement les “Dix Commandements”, à cause de leur tournure impérative] prennent la forme de dix propositions de chemin de bonheur. Mais d’abord, de quel bonheur s’agit-il ? Heureux, “Makarios” signifie en grec, "Bravo ! Félicitations ! Vous avez tout compris !" Et en hébreu : “Ashréi” "En marche !" Alors parcourrons ces Dix Paroles avec attention et même passion.
1. Heureux les pauvres de cœur ! Littéralement : “Heureux les humiliés du souffle”. Les pauvres, ce sont, mot à mot, les “dos courbés”, ceux qui ont été humiliés et qui n’ont rien… Cœur : “pneuma” souffle, esprit. Heureux ceux qui ont le souffle court, et donc qui ne se gonflent pas d’orgueil, qui ne sont pas remplis d’eux-mêmes : ils ont de la place pour Dieu et leurs frères ! Ou bien encore: heureux ceux que l'Esprit rend humbles. Cette béatitude commande toutes les autres : elle est au présent, alors que la plupart des autres sont au futur : “Le Royaume des cieux est à eux”. Le Royaume des cieux, c’est l’espace divin : ils sont donc dans cet espace-là et Dieu leur est présent de façon encore invisible nous a dit la 2ème lecture de St Jean, mais bien réelle. - 2. Heureux les doux ! “praèi” Non pas les mous, mais ceux qui ne cherchent pas à s’affirmer eux-mêmes et ne recherchent pas, encore moins, leur seul intérêt propre, mais font attention à Dieu et aux autres ; savent renoncer à leur droit, leur priorité ; cherchent à "arrondir les angles", tant l’existence quotidienne peut être faite de contrariétés diverses. Ils ne sont pas stressés : ils obtiendront la Terre Promise, lieu du repos éternel. – 3. Heureux ceux qui pleurent ! Littéralement : “…Ceux qui sont en deuil”. Car ils vivent un manque profond, et ce manque les rendent aptes à chercher et accueillir ce qui les comblera définitivement : “Ils seront consolés” Littéralement : Ils auront la Consolation “Paraclèthèsountaï” Vous reconnaissez le mot Paraclet qui désigne en Israël à la fois le Messie (“Le vieillard Siméon [qui venait tous les jours prier au Temple] attendait la Consolation d’Israël” Luc 2, 25) et chez les chrétiens, l’Esprit-Saint Lui-même (Jn 14, 16.26). Il ne s’agit pas d’une promesse du genre : “Pleure pas, ça va passer ; après la pluie, le beau temps” mais d’une véritable promesse théologale, divine, où Dieu s’engage bien au-delà de ce que nous aurions pu attendre et qui va combler notre manque en profondeur. – 4. Heureux ceux qui ont faim et soif de justice ! Il ne s’agit pas tant de la justice au sens habituel du mot, (qui est régie par des lois pas toujours justes ou même mal adaptées) mais d’être “ajusté à Dieu” ; ceux qui cherchent à comprendre et faire sa volonté, comme Jésus nous a invités à le demander dans le Notre Père. – 5. Heureux les miséricordieux ! “Eléèmonès” qui a donné en français : aumône ; aumônier des hôpitaux, des galères…bref les miséricordieux sont ceux qui, comme Dieu, compatissent à la détresse humaine ; en latin, c’est beau aussi : misericors : “être de cœur avec la misère des autres” – 6. Heureux les cœurs purs ! Littéralement : “Purs [catharoï] de cœur” qui ne sont pas doubles ; qui n’ont qu’un seul comportement avec Dieu comme avec les autres. Nets : “Que votre parole soit oui, oui ! non, non ! Tout le reste vient du mauvais” dira Jésus, dans le discours sur la montagne qui va suivre en Mt 5, 37. – 7. Heureux les artisans de paix ! Ils seront appelés Fils de Dieu. Lorsque Jésus envoie les disciples deux par deux, ils leur demandent de présenter à ceux à qui ils vont s’adresser la Paix : Shalom ! Salam ! dit-on encore aujourd’hui en Terre Sainte, là où elle fait depuis longtemps cruellement défaut ; mais il s’agit encore d’une autre paix, celle que Jésus présente aux Apôtres au soir de la Résurrection : “La Paix soit avec vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie” Nous sommes mis au rang du Fils pour achever sa mission jusqu’à la fin des temps : en cela, nous sommes vraiment enfants de Dieu. (1Jn 3,1) Là encore, c’est théologal.- 8. “Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice”, à comprendre comme “ajustés au projet ou aux pensées de Dieu” qui ne sont pas celles des hommes qui les rejettent. La dernière béatitude - 9. “Heureux serez-vous si l’on vous insulte…” et la finale : - 10. “Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse…” [Ce qui, tout compte fait, donne bien les Dix Paroles de Jésus] sont là pour parer à toute réaction naturelle face au scandale de ces Béatitudes : en effet, ne prennent-elles pas à contre pieds et à rebrousse poils les propositions de bonheur que le monde proclame sans cesse par toutes sortes de médias ? Eh bien Jésus, au début de sa prédication, veut nous éviter les fausses pistes du vrai bonheur. Que ces béatitudes soient nos “Dix Paroles”, la "musique de l’Évangile" celle qui nous entraîne vers la vie et Celui qui est la Vie. « Si la musique de l’Évangile cesse de vibrer dans nos entrailles, nous aurons perdu la joie qui jaillit de la compassion, la tendresse qui naît de la confiance, la capacité de réconciliation qui trouve sa source dans le fait de se savoir toujours pardonnés et envoyés » a écrit le pape François dans sa dernière Encyclique "Fratelli Tutti" : N°277.Tous ensemble, mettons-nous à la suite de tous les Saints, qui ont fait confiance à ces Paroles et ont reçu en héritage la Terre Promise. AMEN !